{"id":3626,"date":"2003-09-01T15:33:22","date_gmt":"2003-09-01T15:33:22","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3626"},"modified":"2023-02-20T15:33:35","modified_gmt":"2023-02-20T15:33:35","slug":"septembre-2003-les-malentendus","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/septembre-2003-les-malentendus\/","title":{"rendered":"Septembre 2003 – Les malentendus"},"content":{"rendered":"\n

L\u2019\u00e9change \u00e9pistolaire par courriel est une pratique maintenant courante, que beaucoup ont apprivois\u00e9. Que ce soit dans le domaine professionnel ou priv\u00e9, on \u00e9change, on communique par millions de messages tous les jours. <\/p>\n\n\n\n

Pourtant, combien d\u2019entre nous auront \u00e9t\u00e9 surpris un jour ou l\u2019autre, de voir leur message mal interpr\u00e9t\u00e9 par leur correspondant. Combien se seront \u00e9tonn\u00e9s de lire sous la plume d\u2019un tel des propos \u00e0 la limite du compr\u00e9hensible. <\/p>\n\n\n\n

Alors que tous les outils en notre possession devraient nous conduire \u00e0 l\u2019inverse, on peut l\u00e9gitimement se poser la question de savoir d\u2019o\u00f9 viennent les rat\u00e9s de la communication \u00e9crite par le r\u00e9seau.<\/p>\n\n\n\n

Pour commencer, donc, partons d\u2019un degr\u00e9 id\u00e9al de la communication, qui n\u2019existe pas : tel partirait le message, tel il arriverait. <\/p>\n\n\n\n

Tel l\u2019\u00e9metteur le concevrait, tel le r\u00e9cepteur l\u2019entendrait. <\/p>\n\n\n\n

Mis \u00e0 part des ph\u00e9nom\u00e8nes d\u2019incompatibilit\u00e9 entre syst\u00e8mes d\u2019exploitations, gestionnaires de courrier, ou autres probl\u00e8mes de serveur, largement r\u00e9solus en 2003, il est peu d\u2019occasions o\u00f9 un message transmis par le Net ne parviendra pas \u00e0 son destinataire exactement semblable \u00e0 son \u00e9tat d\u2019origine. <\/p>\n\n\n\n

Que l\u2019on suppose maintenant un r\u00e9cepteur et un \u00e9metteur partageant le m\u00eame contexte culturel, et rien ne s\u2019opposera \u00e0 leur parfaite compr\u00e9hension. L\u2019\u00e9tat id\u00e9al de la communication envisag\u00e9 plus haut semblerait donc tout pr\u00e8s d\u2019\u00eatre atteint. <\/p>\n\n\n\n

Pourtant, et beaucoup ont pu l\u2019\u00e9prouver \u00e0 leur d\u00e9pens parfois, il est loin d\u2019en \u00eatre ainsi.<\/p>\n\n\n\n

Combien de fois, au contraire aurons-nous re\u00e7u un message dont nous aurons mal interpr\u00e9t\u00e9 l\u2019intention r\u00e9elle? Combien de fois l\u2019ironie que nous voulions laisser percer n\u2019aura pas m\u00eame \u00e9t\u00e9 envisag\u00e9e par notre correspondant? Combien de fois une annotation lapidaire, laiss\u00e9e pour toute r\u00e9ponse en marge de notre question n\u2019aura soulev\u00e9 en nous que doute, interrogation, voir profond agacement? Combien de fois le second degr\u00e9 que pensait employer notre correspondant ne nous aura paru qu\u2019un premier degr\u00e9, au mieux plat, et au pire proche de l\u2019insulte? <\/p>\n\n\n\n

Dans toutes ces situations d\u2019incompr\u00e9hension, d\u00e8s lors qu\u2019aucun probl\u00e8me technique ne pouvait \u00eatre rendu responsable, et d\u00e8s lors que la qualit\u00e9 de communicant ni les capacit\u00e9s intellectuelles de notre interlocuteur ne faisaient aucun doute, on peut \u00eatre saisi de perplexit\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

D\u2019autant plus pour nous, de culture fran\u00e7aise, dont la langue permet tant de nuances d\u2019expression, et dont la litt\u00e9rature regorge de chefs-d\u2019\u0153uvre du genre \u00e9pistolaire. <\/p>\n\n\n\n

Alors \u2026 <\/p>\n\n\n\n

Les deux explications les plus couramment avanc\u00e9es sont d\u2019une part la vitesse de r\u00e9daction des courriels, et donc leur manque d\u2019\u00e9laboration, et d\u2019autre part l’absence de mod\u00e9ration que les inflexions de la parole, les mimiques corporelles, viendraient apporter au discours. <\/p>\n\n\n\n

S\u2019il est facile de r\u00e9gler son compte \u00e0 la premi\u00e8re source d\u2019erreur, il est par contre plus difficile de venir \u00e0 bout de la seconde. <\/p>\n\n\n\n

Pourquoi devrait-on en effet moduler l\u2019expression \u00e9crite comme s\u2019il s\u2019agissait d\u2019une expression orale?<\/p>\n\n\n\n

La communication \u00e9crite sur le Net reste toujours une communication \u00e9crite (pardon pour la lapalissade). Elle ne devrait pas avoir besoin des mod\u00e9rations tonales ou physiques que l’on \u00e9voque couramment.<\/p>\n\n\n\n

Le moyen utilis\u00e9 pour les pallier, ces fameux \u00e9moticons, permettrait de signaler \u00e0 notre interlocuteur, par l\u2019utilisation d\u2019un J, que nous mettons un b\u00e9mol \u00e0 l\u2019expression de notre doute, ou que nous voulons dire exactement le contraire de ce que nous \u00e9non\u00e7ons. <\/p>\n\n\n\n

Mais pourquoi ne disons-nous pas tout simplement ce que nous voulons dire, exactement comme nous l\u2019entendons. Pourquoi aller vers une communication tr\u00e8s imparfaite, graphico-iconique? <\/p>\n\n\n\n

Est-ce parce que, quand nous \u00e9crivons notre courriel, nous sommes en face d’un syst\u00e8me complexe, multim\u00e9dia, dont nous n\u2019arrivons toujours pas \u00e0 int\u00e9grer les capacit\u00e9s et les limites?<\/p>\n\n\n\n

Cet \u00e9cran si familier, devant lequel nous passons tant d\u2019heures, et sur lequel nous voyons les lettres s\u2019afficher comme des ic\u00f4nes, et les ic\u00f4nes se charger de d\u00e9peindre notre sentiment intime, sur l\u2019instant, ne pensons-nous pas qu\u2019il devient peu \u00e0 peu davantage qu\u2019un \u00e9cran? Ne croyons-nous pas qu\u2019il finit par nous voir, par capter nos pens\u00e9es, par comprendre le moindre de nos hochements de t\u00eate, de nos courbements d\u2019\u00e9chine? <\/p>\n\n\n\n

Les haut-parleurs, qui transmettent jusqu\u2019\u00e0 la voix de nos interlocuteurs, dans les mails sonores, ne croyons-nous pas qu\u2019ils enregistrent dans le m\u00eame temps notre message?<\/p>\n\n\n\n

Le brouillage perceptif que ce syst\u00e8me complexe aura cr\u00e9\u00e9 en nous, nous ne le connaissions pas dans la communication \u00e9crite, \u00e0 main nue, quand nous devions faire appel \u00e0 cette m\u00e9moire profonde des lettres, et de leur composition en mots, quand nous devions pour la moindre phrase nous rappeler que la chose \u00e9tait absente, et que nous ne la ferions pas acc\u00e9der \u00e0 la pr\u00e9sence si nous ne la d\u00e9crivions pas correctement, et m\u00eame l\u2019orthographions correctement, rivi\u00e8re et non rizi\u00e8re, baie et non b\u00e9e, jeune et non je\u00fbne.<\/p>\n\n\n\n

Mais est-ce seulement \u00e7a? <\/p>\n\n\n\n

Sommes-nous seulement en phase de transition, devant un moyen de communication qui nous donne d\u00e9j\u00e0 beaucoup, et dont nous croyons qu\u2019il nous offre davantage encore? <\/p>\n\n\n\n

Cet ordinateur, connect\u00e9 au r\u00e9seau, nous le voyons certainement tel qu\u2019il sera dans quelques ann\u00e9es, bard\u00e9 de capteurs audio-olfactivo-visuels, de sondes corticales plongeant dans une connexion \u00e0 m\u00eame notre peau, de palpeurs d\u2019humidit\u00e9 soupesant la moiteur de notre paume. <\/p>\n\n\n\n

Notre corps, que nous projetons d\u00e9j\u00e0 vers notre destinataire, lui susurrant \u00e0 l\u2019oreille notre message dans toutes ses nuances, nous le voudrions pr\u00e9sent dans le r\u00e9seau, \u00e0 la fois ici et l\u00e0-bas, un corps dou\u00e9 d\u2019ubiquit\u00e9, et qui n\u2019aurait besoin pour s\u2019exprimer correctement que de penser ce qu\u2019il a \u00e0 dire.<\/p>\n\n\n\n

Ce que nous avons du mal \u00e0 accepter, c\u2019est que notre corps soit absent de cette communication, quand nous le pensons d\u00e9j\u00e0 si pr\u00e9sent. <\/p>\n\n\n\n

Ce que nous ne voulons pas voir, c\u2019est que notre corps n\u2019est toujours pr\u00e9sent que dans l\u2019ici et le maintenant.<\/p>\n\n\n\n

La communication par courriel se joue des cat\u00e9gories les plus anciennement apprises, par ce qu\u2019elle donne d\u2019un c\u00f4t\u00e9, et ne donne pas de l\u2019autre. Au rebours du t\u00e9l\u00e9phone, qui laisse passer une partie de notre corps, \u00e0 travers le grain de notre voix, ou encore de la photographie, avec cette part de mat\u00e9rialit\u00e9 qu\u2019elle nous arrache, nous emprunte, la communication interpersonnelle sur le net met le corps entre parenth\u00e8ses, dans un entredeux o\u00f9 nous ne savons pas encore comment ni o\u00f9 le saisir. <\/p>\n\n\n\n

Quand nous aurons apprivois\u00e9 cette pr\u00e9sence dans l\u2019absence, ou cette absence dans la pr\u00e9sence, nous aurons r\u00e9solu les pi\u00e8ges de ces \u00e9changes interpersonnels. Il nous faudra pour cela cr\u00e9er de nouvelles cat\u00e9gories, certainement plus l\u00e2ches, plus floues que celles apprises jusqu\u2019\u00e0 maintenant : un ici qui soit \u00e0 la fois un n\u2019importe o\u00f9, un maintenant qui soit \u00e0 la fois un n\u2019importe quand, un \u00e9tant qui soit \u00e0 la fois un peut-\u00eatre. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

L\u2019\u00e9change \u00e9pistolaire par courriel est une pratique maintenant courante, que beaucoup ont apprivois\u00e9. Que ce soit dans le domaine professionnel ou priv\u00e9, on \u00e9change, on communique par millions de messages tous les jours.  Pourtant, combien d\u2019entre nous auront \u00e9t\u00e9 surpris un jour ou l\u2019autre, de voir leur message mal interpr\u00e9t\u00e9 par leur correspondant. Combien se … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[37],"tags":[222],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/3626"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=3626"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/3626\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":3628,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/3626\/revisions\/3628"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=3626"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=3626"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=3626"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}