{"id":3647,"date":"2003-06-01T15:58:18","date_gmt":"2003-06-01T15:58:18","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3647"},"modified":"2023-02-20T15:58:29","modified_gmt":"2023-02-20T15:58:29","slug":"juin-2003-du-generateur-poietique-a-la-perspective-numerique","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/juin-2003-du-generateur-poietique-a-la-perspective-numerique\/","title":{"rendered":"Juin 2003 – Du \u00ab\u00a0g\u00e9n\u00e9rateur po\u00ef\u00e9tique\u00a0\u00bb \u00e0 la perspective num\u00e9rique"},"content":{"rendered":"\n
\"\"<\/figure>\n\n\n\n

Dans un grand nombre de pratiques contemporaines, la participation des spectateurs est devenue un principe de composition. Cependant, plus le spectateur ou l’auditeur est cens\u00e9 intervenir au cours de la composition – par ses choix, son point de vue, son parcours, sa trace, son \u00e9coute, son regard, voire sa simple pr\u00e9sence – plus la chose compos\u00e9e semble se d\u00e9rober derri\u00e8re le dispositif de la composition ; dispositif avec lequel bien des auteurs entretiennent des rapports ambigus. La d\u00e9robade devient patente lorsque, par l’entremise de certains dispositifs appartenant au champ de l\u2019art ou non, tout un chacun peut devenir lui-m\u00eame celui qui requiert la participation des autres, s’il en reste encore d’autres.<\/p>\n\n\n\n

Est-il possible de contourner l’opacit\u00e9 du dispositif. Peut-on en rendre l’usage transparent – ou tout au moins appr\u00e9hensible – de telle fa\u00e7on qu’\u00e0 chaque moment le spectateur-acteur soit v\u00e9ritablement au courant de ce qu’il est en train de faire, et participe pleinement au travail de composition ? Telle est la question que je me pose depuis mes premiers travaux et notamment depuis le \u00ab\u00a0g\u00e9n\u00e9rateur po\u00ef\u00e9tique\u00a0\u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Le g\u00e9n\u00e9rateur po\u00ef\u00e9tique<\/h2>\n\n\n\n

J’eus en 1986, l’id\u00e9e d’un jeu collectif en r\u00e9seau – qui devait s’appeler un peu plus tard \u00ab\u00a0g\u00e9n\u00e9rateur po\u00ef\u00e9tique \u00ab\u00a01 <\/sup>– et qui pr\u00e9sente quelques traits communs avec le \u201cJeu de la Vie\u2019\u2019, cr\u00e9\u00e9 par Conway en 1976 pour mod\u00e9liser l\u2019\u00e9volution d\u2019une population de microbes. Les pixels qui repr\u00e9sentent les organismes, agenc\u00e9s en une matrice, peuvent passer du noir au blanc, ou l\u2019inverse, suivant l\u2019\u00e9tat de leurs voisins imm\u00e9diats. Rappelons que gr\u00e2ce \u00e0 cette exp\u00e9rience reconnue aujourd\u2019hui comme fondatrice en mati\u00e8re de \u201cvie artificielle\u2019\u2019, Conway a d\u00e9montr\u00e9 qu\u2019il existe un isomorphisme, entre les \u00ab parties \u00bb de Jeu de la Vie, et les \u00e9nonc\u00e9s logiques qui r\u00e8glent les comportements de voisinage des microbes, de telle mani\u00e8re qu\u2019\u00e0 une population qui survit \u00e9ternellement, correspond une proposition \u201cvraie\u2019\u2019, et vice versa.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Le G\u00e9n\u00e9rateur Po\u00ef\u00e9tique, lui, pose en quelque sorte la question : \u201cQue se passe\u2013t-il si l\u2019on remplace les microbes par des hommes ?\u2019\u2019. Dans le jeu collectif en r\u00e9seau du G\u00e9n\u00e9rateur Po\u00ef\u00e9tique, les hommes sont repr\u00e9sent\u00e9s non pas par un seul \u00e9l\u00e9ment noir ou blanc, mais par une petite mosa\u00efque color\u00e9e d\u2019une dimension arbitrairement fix\u00e9e \u00e0 20 par 20 pixels. Ils ne sont pas contraints, comme les microbes de Conway, par des r\u00e8gles de comportement relatives \u00e0 leur environnement imm\u00e9diat ; chacun est au contraire libre de modifier comme bon lui semble son dessin personnel, et ses actions sont r\u00e9percut\u00e9es en temps r\u00e9el au sein de la matrice globale constitu\u00e9e de la juxtaposition des dessins individuels. Ce dessin global vu en permanence par tous, permet \u00e0 chacun de rep\u00e9rer sa participation personnelle. D\u00e8s lors s\u2019engage une boucle de r\u00e9troaction : chacun modifie son signe local en fonction de l\u2019\u00e9tat de l\u2019image globale, et l\u2019\u00e9tat global varie en fonction des actions de chacun. Nul ne contr\u00f4le ce qui arrive, pourtant une sorte de narration graphique \u00e9merge de cette mise en pr\u00e9sence, qui apr\u00e8s coup, lorsque l\u2019on relie le film des \u00e9changes, para\u00eet \u00eatre dou\u00e9e d\u2019une certaine coh\u00e9rence.<\/p>\n\n\n\n

Il faut noter que le G\u00e9n\u00e9rateur Po\u00ef\u00e9tique se distingue aussi du Cadavre Exquis des surr\u00e9alistes, par deux aspects pratiques : le temps r\u00e9el de l\u2019interaction collective (sans compter que celle-ci est plan\u00e9taire gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019Internet), et pr\u00e9cis\u00e9ment par cette visibilit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rale et permanente du dessin global comme de l\u2019action individuelle (les surr\u00e9alistes cachaient leur dessin avant que le suivant le poursuive). Mais la diff\u00e9rence essentielle entre ces trois cr\u00e9ations, r\u00e9side surtout dans les intentions de leurs auteurs : une recherche sur la logique formelle pour Conway, une sp\u00e9culation sur l\u2019inconscient pour les surr\u00e9alistes, et pour ma part, une interrogation prospective d\u2019ordre anthropologique. A savoir : \u201cQue se passera-t-il quand tout le monde verra tout, tout le temps ?\u2019\u2019. Ou a minima : \u201cLa technologie peut-elle donner \u00e0 chacun une sorte de vision totale, ordinairement r\u00e9serv\u00e9e \u00e0 Dieu, en m\u00eame temps que la vision particuli\u00e8re de sa place dans cette totalit\u00e9 ?\u2019\u2019. <\/p>\n\n\n\n

Voil\u00e0 comment je me formulais les choses en 1986. Bien entendu, j\u2019\u00e9tais conscient qu\u2019il s\u2019agissait l\u00e0 d\u2019une question t\u00e9l\u00e9ologique qui ne trouverait probablement jamais de r\u00e9ponse. Mais je croyais avoir trouv\u00e9 un moyen pratique de l\u2019\u00e9prouver \u00e0 une toute petite \u00e9chelle et de confronter ainsi la technologie \u00e0 son propre mythe. J\u2019ai donc fabriqu\u00e9 ce jeu. La premi\u00e8re exp\u00e9rience du G\u00e9n\u00e9rateur Po\u00ef\u00e9tique eut lieu en 1987, tr\u00e8s modestement sur minitel. Je l\u2019ai d\u00e9velopp\u00e9 ensuite sur l\u2019Internet, en 1995, gr\u00e2ce au concours de chercheurs de l\u2019\u00c9cole Nationale Sup\u00e9rieure des T\u00e9l\u00e9communications (ENST) \u00e0 Paris. Depuis cette date, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont pu participer \u00e0 des exp\u00e9riences po\u00ef\u00e9tiques dont les traces sont conserv\u00e9es sur le site poietic-generator.net, encore tout \u00e0 fait vivant aujourd\u2019hui. <\/p>\n\n\n\n

Que montre le G\u00e9n\u00e9rateur Po\u00ef\u00e9tique ? Et bien, je dirai en premi\u00e8re approximation, en paraphrasant Conway, qu\u2019il existe un isomorphisme, entre les \u201cparties\u2019\u2019 de G\u00e9n\u00e9rateur Po\u00ef\u00e9tique, c\u2019est \u00e0 dire la narration autonome qui en \u00e9merge, et la r\u00e8gle qui r\u00e9git l\u2019interaction des participants, de telle mani\u00e8re qu\u2019\u00e0 une population qui produit de mani\u00e8re auto-organis\u00e9e une sorte de conscience collective, correspond une \u201cr\u00e8gle l\u00e9gitime\u2019\u2019, et vice versa.<\/p>\n\n\n\n

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A la diff\u00e9rence des microbes de Conway dont la \u00ab conscience \u00bb se limite \u00e0 l\u2019horizon des fronti\u00e8res avec leurs voisins, les hommes per\u00e7oivent non seulement l\u2019ensemble du dessin, mais aussi, l\u2019artificialit\u00e9 du cadre d\u2019action qui leur est impos\u00e9, c\u2019est \u00e0 dire le dispositif. Aussi, lorsque l\u2019on parle de r\u00e8gles, l\u00e9gitimes ou non, il s\u2019agit des r\u00e8gles d\u2019interaction internes au dispositif, mais aussi celles plus g\u00e9n\u00e9rales de la soci\u00e9t\u00e9 qui lui propose ou impose ce jeu.<\/p>\n\n\n\n

Au d\u00e9but de 1988, j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 m\u2019int\u00e9resser \u00e0 ces r\u00e8gles internes et externes, et j’eus le sentiment qu’elles agissaient \u00e0 la mani\u00e8re des r\u00e8gles de la perspective spatiale de la Renaissance, appel\u00e9e perspective l\u00e9gitime\u00a0\u00bb. Conceptualiser le fonctionnement de cette exp\u00e9rience et son statut permettrait sans doute une meilleure compr\u00e9hension des dispositifs impliquant la participation en g\u00e9n\u00e9ral.<\/p>\n\n\n\n

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