{"id":3653,"date":"2003-05-01T16:00:55","date_gmt":"2003-05-01T16:00:55","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3653"},"modified":"2023-02-20T16:01:17","modified_gmt":"2023-02-20T16:01:17","slug":"alchimie-lumineuse-du-pigment-et-du-pixel-interfaces-vers-linvisible","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/alchimie-lumineuse-du-pigment-et-du-pixel-interfaces-vers-linvisible\/","title":{"rendered":"Mai 2003 – Alchimie lumineuse du pigment et du pixel\u00a0: interfaces vers l\u2019invisible"},"content":{"rendered":"\n

Le voyage dans la vie intime des \u00e9l\u00e9ments se situe dans la biologie du visible, dans cette micro-analyse ou chirurgie de l\u2019image, dans ce d\u00e9sir de creuser la mati\u00e8re afin d\u2019aller jusqu\u2019au c\u0153ur analytique des choses, jusqu\u2019aux particules qui deviennent progressivement invisibles, nous conduisant vers l\u2019immat\u00e9rialit\u00e9 des mol\u00e9cules. Alors la granularit\u00e9 du pigment et la parcellisation du pixel tendent \u00e0 se confondre et \u00e0 \u00e9changer leur expressivit\u00e9.<\/em><\/p>\n\n\n\n

L\u2019alchimiste est friand du processus de sublimation et de transmutation. Il explore un micromonde, l\u2019infiniment petit et mouvant, la fine fleur de la mati\u00e8re. La mati\u00e8re se r\u00e9v\u00e8le comme un monde de formes, de textures, de structures, de r\u00e9seaux, de rhizomes, de tissus et de r\u00e9ticules. La particule pigmentaire ou phosphoreuse tellement fine et serr\u00e9e dans sa contexture renferme les secrets propres \u00e0 la vie picturale \u00e9l\u00e9mentaire. Couleur-mati\u00e8re et couleur-lumi\u00e8re se t\u00e9lescopent au c\u0153ur de ces entit\u00e9s minimales. Pigment et pixel sont ici saisis comme des interfaces entre deux mondes, interfaces entre le monde sensible et le monde intelligible, entre le r\u00e9el et le virtuel, entre l\u2019image et le calcul. L\u2019interface est ce qui se glisse entre deux \u00e9l\u00e9ments pour les relier, les mettre en r\u00e9seau, les faire interagir et les modifier profond\u00e9ment en les int\u00e9grant dans un tout beaucoup plus vaste auxquels ils se soumettent. Pigment et pixel, au sein de leur propre espace, cristallisent cet entre-deux, interm\u00e9diaire incarnant une zone d\u2019interaction, de contact. Leur nature est fluide, a\u00e9rienne et labile. Il s\u2019agit l\u00e0 d\u2019un passage d\u2019un int\u00e9rieur vers un ext\u00e9rieur, d\u2019une br\u00e8che poreuse <\/strong>par laquelle fuse et se r\u00e9pand ce qui auparavant \u00e9tait invisible. Au creux de chacune de ces deux entit\u00e9s, il est question d\u2019une mutation, de l\u2019ascension d\u2019un stade physique et sensible \u00e0 un stade spirituel et immat\u00e9riel, d\u2019une travers\u00e9e des fronti\u00e8res et des apparences.<\/p>\n\n\n\n

D\u00e8s les premiers temps, l’homme a toujours \u00e9t\u00e9 confront\u00e9 au probl\u00e8me de la production de couleurs. Depuis des mill\u00e9naires, il s\u2019est empar\u00e9 des pigments naturels pour repr\u00e9senter son environnement mais aussi un monde impalpable habit\u00e9 pas des puissances surnaturelles. Pour peindre sur la paroi, il a su trouver des pigments issus du r\u00e8gne animal, v\u00e9g\u00e9tal ou min\u00e9ral qu\u2019il a int\u00e9gr\u00e9s \u00e0 de multiples exp\u00e9riences. En les manipulant, les calcinant pour arriver \u00e0 des changements de couleur ou de texture, l\u2019homme ouvrait d\u00e9j\u00e0 ainsi la voie aux travaux des alchimistes, et, plus pr\u00e8s de nous, aux chimistes. D\u00e8s le XVIII\u00e8me<\/sup>, la chimie des couleurs a d\u00e9velopp\u00e9 une infinit\u00e9 de mati\u00e8res colorantes et a permis la profusion d\u2019une infinit\u00e9 de nouveaux pigments synth\u00e9tiques. Depuis, la palette des artistes n\u2019a cess\u00e9 de s\u2019enrichir. D\u00e8s lors, apr\u00e8s l\u2019alchimie et la chimie des couleurs, la production des couleurs reste au c\u0153ur des nouvelles technologies ordonnant aux pixels de l\u2019ordinateur la cr\u00e9ation d\u2019une infinit\u00e9 de teintes. Pigment et pixel t\u00e9moignent de l\u2019ing\u00e9niosit\u00e9 et de l\u2019ardeur avec lesquelles l\u2019homme a su mener une aventure scientifique et technique fascinante. <\/p>\n\n\n\n

D\u00e9sormais, un nouvel imaginaire se dessine dans lequel les images virtuelles se substituent aux peintures rupestres, les pixels aux pigments et le cyberespace \u00e0 la grotte. Aujourd\u2019hui, l\u2019art num\u00e9rique ne peut \u00eatre imperm\u00e9able \u00e0 son pass\u00e9 et se nourrit d\u2019un certain h\u00e9ritage pictural. Transversale aux diff\u00e9rents arts d\u00e9j\u00e0 constitu\u00e9s, cette nouvelle forme artistique tend \u00e0 les hybrider intimement entre eux, les redynamisant en m\u00e9langeant les genres et les techniques. Cet art mouvant s\u2019enrichit \u00e0 la fois des nouvelles technologies et d\u2019une culture ancienne qu\u2019il tend \u00e0 revisiter. Les mat\u00e9riaux de l\u2019art traditionnel se retrouvent in\u00e9vitablement investis de cette nouvelle mouvance. Loin d\u2019esquisser une id\u00e9e de progr\u00e8s technique ou de continuit\u00e9 entre les diff\u00e9rentes formes d\u2019art et leurs outils, des connexions plurielles se tissent alors entre un mat\u00e9riau ancestral li\u00e9 aux traditions picturales, le pigment, et un \u00e9l\u00e9ment pictural de l\u2019image num\u00e9rique, le pixel. <\/p>\n\n\n\n

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