{"id":3663,"date":"2003-05-01T16:13:07","date_gmt":"2003-05-01T16:13:07","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3663"},"modified":"2023-02-20T16:13:22","modified_gmt":"2023-02-20T16:13:22","slug":"mai-2003-eleonore-un-film-flash-de-frederic-fenollabbate","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/mai-2003-eleonore-un-film-flash-de-frederic-fenollabbate\/","title":{"rendered":"Mai 2003 – \u00c9l\u00e9onore<\/i>,\u00a0un film (flash) de Fr\u00e9d\u00e9ric Fenollabbate"},"content":{"rendered":"\n

L’orgie c\u00e9leste<\/h2>\n\n\n\n

Fr\u00e9d\u00e9ric Fenollabbate : \u201c Pour le titre de mon film, j’ai eu tout de suite en t\u00eate cette phrase :\u00a0Elle est en or.\u00a0<\/em>Je ne savais pas qui c’\u00e9tait,\u00a0Elle<\/em>. Mais la sonorit\u00e9 m’a plu. Alors, m’est venu le pr\u00e9nom\u00a0\u00c9l\u00e9onore<\/em>\u2026 J’ai trouv\u00e9 la reine \u00c9l\u00e9onore de Habsbourg, fille de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle, amoureuse \u00e9perdue de Fr\u00e9d\u00e9ric le Palatin. Le Beau, la Folle, Fr\u00e9d\u00e9ric, tout y \u00e9tait. Je l’ai gard\u00e9. \u201d<\/p>\n\n\n\n

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Film aux multiples personnages mais tous dot\u00e9s de la m\u00eame sp\u00e9cificit\u00e9 forte, celle d’\u00eatre saisis en pleins \u00e9lans sexuels, apparaissant et se superposant les uns aux autres, se fondant ensemble dans un seul et gigantesque, indomptable acte d’amour. Sous la diversit\u00e9 de leurs aspects et des diff\u00e9rentes modalit\u00e9s \u00e9rotiques, on a l’impression qu’il s’agit toujours des m\u00eames, non pas en tant qu’individus mais en tant que principes humains, si je puis dire. Et l’on s’identifie \u00e0 toutes leurs m\u00e9tamorphoses. On obtient un\u00a0fondu d’individuation<\/em>. Ils se fondent parce qu’ils se diffractent. Ceci n’est d\u00fb qu’au mode d’apparition des images. Aucune image d’\u00c9l\u00e9onore<\/em>\u00a0ne se donne longtemps dans son enti\u00e8ret\u00e9. D\u00e8s qu’elle appara\u00eet, elle se fragmente. Et une, deux, trois\u2026 autres se mettent \u00e0 appara\u00eetre, par morceaux \u00e9galement sous elle, surgissant de tous c\u00f4t\u00e9s et jamais de la m\u00eame mani\u00e8re, par rotations aussi et basculements. Et c’est ainsi que l’image se met \u00e0 bouger. Par la fixit\u00e9 du tableau mais morcel\u00e9, manipul\u00e9, s’obtient le mouvement.<\/p>\n\n\n\n

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Pr\u00e8s des images d’\u00c9ros, tout contre, dans\u00a0\u00c9l\u00e9onore<\/em>1<\/sup>, surgissent aussi des paysages,\u00a0no man’s land<\/em>, des arbres d’une grande tristesse notamment, des vues urbaines, des portraits dont celui de l’artiste au d\u00e9but du film, des \u0153uvres d’art d’\u00e9poques \u00e9loign\u00e9es dans le temps. La crudit\u00e9\u00a0la plus pure au niveau du\u00a0sexuel s’allie \u00e0 la m\u00e9lancolie la plus opaque, au raffinement profond des \u0153uvres d’art aussi. Les spasmes de la chair, le d\u00e9bridement des passions, copulent avec les aspirations les plus \u00e9lev\u00e9es, avec les plaintes de tristesse des humains, leurs interrogations assoiff\u00e9es sur la Nature, la Fortune, le Temps. \u00c9l\u00e9onore de Habsbourg, fille de Philippe le Beau et Jeanne la Folle, comme \u00c9ros, fils d‘Indigence<\/em>et de\u00a0Prosp\u00e9rit\u00e9<\/em>.\u00a0\u00c9l\u00e9onore<\/em>\u00a0avec sa sauvagerie et sa douce et triste \u00e9l\u00e9vation : baroque. \u201c En quoi cet art appartient \u00e0 son extraordinaire \u00e9poque, dans laquelle toutes les contradictions d’une civilisation savante et sauvage s’affrontent \u00e0 tout moment, s’harmonisent et sont en lutte, et se jugent r\u00e9ciproquement, sur la sc\u00e8ne quotidienne d’une soci\u00e9t\u00e9 qui est tout enti\u00e8re un th\u00e9\u00e2tre. \u201d Pierre Jean Jouve2<\/sup>. Le Baroque : l’appel de l’Antique avant la christianisation, avant le partage de l’esprit et de la mati\u00e8re.<\/p>\n\n\n\n

L’\u00e9rotisme comme mode de repr\u00e9sentation<\/h2>\n\n\n\n

Film o\u00f9 se livre l’exhibition au sens le plus fort du terme. Ce qui s’y montre est ce qui, par nature, reste essentiellement cach\u00e9. Ce qui est cach\u00e9, c’est la fuite \u00e9perdue du Temps. Si nous avions constamment \u00e0 l’esprit que : tout na\u00eet pour mourir pour na\u00eetre pour mourir pour na\u00eetre pour mourir, pris dans le vertige de cette inutilit\u00e9 finalement fonci\u00e8re, sans doute nous ne ferions rien. En tout cas, aucun empire, aucune cit\u00e9 ne se seraient construits. Cependant, ce\u00a0cach\u00e9<\/em>, ce principe de gratuit\u00e9 absolue est le pivot de la vie \u00e9ternelle, le moteur qui fait que \u00e7a tourne\u2026 ind\u00e9finiment.<\/p>\n\n\n\n

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Or Klossowski dit, dans\u00a0Des dames romaines<\/em>3<\/sup>, que les cultes et les rites, les jeux solennels, en Gr\u00e8ce antique, \u00e9taient des moments de\u00a0pure d\u00e9pense<\/em>, en tant qu’offrandes aux divinit\u00e9s, reconnaissant par l\u00e0 leur pouvoir d’\u00e9ternit\u00e9 en leur principe de\u00a0gaspillage<\/em>, cassant pour un temps l’ordre social avec son principe utilitaire. Puis, ils pass\u00e8rent \u00e0 Rome, avec une d\u00e9sacralisation progressive. Et la prostitu\u00e9e sacr\u00e9e grecque ( offrant sa virginit\u00e9 \u00e0\u00a0tous<\/em>, D\u00e9esse abrogeant ainsi le r\u00f4le de paternit\u00e9 individuelle de chaque homme pour c\u00e9l\u00e9brer le pouvoir de fertilit\u00e9 anonyme et \u00e9ternel ), devint la \u201c figurante du plaisir \u201d dans les jeux sc\u00e9niques romains.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Tout le processus s’est mis l\u00e0 en sc\u00e8ne. S’est th\u00e9\u00e2tralis\u00e9. Est devenu pure image. C’est pourquoi, au c\u0153ur de toute vraie exhibition, l’on peut retrouver le r\u00f4le du premier culte antique : mettre au jour non la procr\u00e9ation mais, au-del\u00e0 d’elle, son principe. C’est : \u201c l’existence in\u00e9puisable parce que\u00a0\u00e9ternelle<\/em>, \u00e9ternelle parce que sans but, et donc\u00a0inutile<\/em>. \u201d Klossowski4<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

Elle est en or<\/h2>\n\n\n\n

Dans une \u00e9tude sur Salammb\u00f4<\/em>, \u201c Le T\u00e2bleau antique \u201d, Jacques Isolery nomme \u201c chromatisme de la vision \u201d les formidables effets obtenus par : accumulation, fragmentation\u2026 aboutissant, dit-il, \u00e0 un \u00e9vanouissement de l’objet. Et de rappeler alors cette phrase de Flaubert \u00e0 Sainte-Beuve : \u201c cette femme orientale que l’on ne peut ni conna\u00eetre ni fr\u00e9quenter. \u201d Dans le film de Fr\u00e9d\u00e9ric Fenollabbate, elle est l’\u00e9talon or, le principe vital. Inconnaissable. L’enti\u00e8re mais jamais finie, jamais \u00e9puis\u00e9e Nudit\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Au \u201c chromatisme de la vision \u201d obtenu par les jeux entre fixit\u00e9 et mouvement dans l’ordre esth\u00e9tique, produisant de la pure\u00a0apparition<\/em>\u00a0et non pas une chose fixe, durable5<\/sup>, v\u00e9ritable condition de l’art, irr\u00e9ductible \u00e0 l’unit\u00e9, correspond, dans l’ordre du d\u00e9sir, l’\u00e9puisement de la notion d’individualit\u00e9, \u00e9puisement qui est le nerf absolu de l’\u00e9rotisme. Que l’homme, perdant son nom d’auteur par la copulation avec la prostitu\u00e9e sacr\u00e9e se donnant \u00e0 mille hommes par quoi elle devient D\u00e9esse, l’\u00e9ternelle f\u00e9condatrice, devienne un participant de cette \u00e9ternit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

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C’est pourquoi, pas de demi-mesures dans\u00a0\u00c9l\u00e9onore.<\/em>\u00a0\u201c De nos demi-teintes cr\u00e9pusculaires et de nos matins h\u00e9sitants, ils ignoraient tout. ( \u2026 ) Transposant cette r\u00e9alit\u00e9 dans les domaines de l’esprit,\u00a0comme \u00e0 leur habitude, les po\u00e8tes chantaient la beaut\u00e9 des roses qui se fanent et des p\u00e9tales qui tombent. L’instant est fugitif, chantaient-ils : l’instant a fui et c’est d\u00e9j\u00e0 la longue nuit que tous doivent dormir. ( \u2026 ) Les complexit\u00e9s fl\u00e9tries et les ambigu\u00eft\u00e9s de notre temps, plus nuanc\u00e9 et plus sceptique, leur \u00e9taient inconnues. La violence \u00e9tait tout. \u201d Woolf6<\/sup>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Dans \u00c9l\u00e9onore<\/em>, est tapie la D\u00e9esse qui pr\u00e9side au Temps dont le ressort Premier est le t\u00e9lescopage : le d\u00e9roul\u00e9 et ce qui l’arr\u00eate, le mouvement et sa mort presque<\/em> au m\u00eame instant\u2026<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] R\u00e9alis\u00e9 en\u00a0flash<\/em>, avec une musique originale cr\u00e9\u00e9e \u00e9galement par l’artiste.\u00a0
(Ndlr: le t\u00e9l\u00e9chargement de d\u00e9marrage du film est un peu lent, la patience est recommand\u00e9e.)<\/p>\n\n\n\n

[2]\u00a0Pierre Jean Jouve, pr\u00e9face aux\u00a0Sonnets<\/em>\u00a0de Shakespeare, Po\u00e9sie\/Gallimard.<\/p>\n\n\n\n

[3]\u00a0Pierre Klossowski,\u00a0Origines cultuelles et mythiques d’un certain comportement des dames romaines<\/em>, Fata Morgana.<\/p>\n\n\n\n

[4]\u00a0Ibid.<\/em><\/p>\n\n\n\n

[5]\u00a0Georges Bataille, au sujet des peintures rupestres : \u201cLeurs sens se donnait dans l’apparition<\/em>, non dans la chose durable qui demeurait apr\u00e8s l’apparition.\u201c, \u201cLe passage de l’animal \u00e0 l’homme et la naissance de l’art\u201c in\u00a0\u0152uvres Compl\u00e8tes<\/em>, Tome XII, Gallimard.<\/p>\n\n\n\n

[6]\u00a0Virginia Woolf,\u00a0Orlando<\/em>.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

L’orgie c\u00e9leste Fr\u00e9d\u00e9ric Fenollabbate : \u201c Pour le titre de mon film, j’ai eu tout de suite en t\u00eate cette phrase :\u00a0Elle est en or.\u00a0Je ne savais pas qui c’\u00e9tait,\u00a0Elle. Mais la sonorit\u00e9 m’a plu. Alors, m’est venu le pr\u00e9nom\u00a0\u00c9l\u00e9onore\u2026 J’ai trouv\u00e9 la reine \u00c9l\u00e9onore de Habsbourg, fille de Philippe le Beau et de Jeanne … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[9],"tags":[227],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/3663"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=3663"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/3663\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":3669,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/3663\/revisions\/3669"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=3663"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=3663"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=3663"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}