{"id":3675,"date":"2003-04-01T16:26:48","date_gmt":"2003-04-01T16:26:48","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3675"},"modified":"2023-02-20T16:27:02","modified_gmt":"2023-02-20T16:27:02","slug":"avril-2003-4x-5-a-7-presentation-de-prototypes-interstices-partie-2","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/avril-2003-4x-5-a-7-presentation-de-prototypes-interstices-partie-2\/","title":{"rendered":"Avril 2003 – \u00ab 4x 5 \u00e0 7 \u2013 Pr\u00e9sentation de prototypes \u00bb\u00a0Interstices<\/i>\u00a0(Partie 2)"},"content":{"rendered":"\n

Still<\/em>\u00a0de Adad Hannah<\/h2>\n\n\n\n

L\u2019installation audiovisuelle interactive de Adad Hannah prenait place dans un espace sombre et clos \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur duquel les visiteurs \u00e9taient invit\u00e9s \u00e0 entrer. Une image vid\u00e9o recouvrait int\u00e9gralement un des murs. En prise directe, la vid\u00e9o ainsi projet\u00e9e nous renvoyait notre propre image, en taille r\u00e9elle. Seule la captation infra-rouge modifiait les couleurs des v\u00eatements. Chaque visiteur avait donc son double virtuel qui lui faisait face. Puis, plus rien, plus d\u2019image, l\u2019espace \u00e9tait plong\u00e9 dans le noir. Un instant apr\u00e8s, l\u2019image revenait, et il en allait de m\u00eame \u00e0 intervalles irr\u00e9guliers.<\/p>\n\n\n\n

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Le syst\u00e8me interactif de Still est bas\u00e9 sur le mouvement, ou plus exactement sur l\u2019absence de mouvement. Pour que la vid\u00e9o soit projet\u00e9e, il faut que chaque personne pr\u00e9sente reste immobile. Le moindre mouvement est capt\u00e9 par un syst\u00e8me infra-rouge qui enregistre et traite le niveau d\u2019activit\u00e9. Lors de la pr\u00e9sentation, nous \u00e9tions un groupe de dix personnes au moins. Dix personnes qui conservent\u00a0l\u2019immobilit\u00e9 d\u00e8s que chacun a\u00a0compris que le moindre geste fera dispara\u00eetre l\u2019image. Pourtant, tous, \u00e0 un moment ou \u00e0 un autre, avons \u00e9t\u00e9 tent\u00e9s de voir notre double se mouvoir, ne serait-ce qu\u2019un peu, en avan\u00e7ant doucement vers l\u2019\u00e9cran et en prenant garde d\u2019\u00eatre suffisamment lent.<\/p>\n\n\n\n

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L\u2019installation joue habilement et subtilement sur le narcissisme naturel de chacun. \u00ab Still essaie de mettre en place une situation dans laquelle l\u2019observateur est r\u00e9compens\u00e9 de rester immobile en pouvant se voir, explique Adad Hannah. Le narcissique que nous sommes r\u00e9ussi \u00e0 prendre plaisir \u00e0 s\u2019observer aussi longtemps qu\u2019il parvient \u00e0 accomplir la t\u00e2che relativement simple de rester immobile. \u00bb1<\/sup>\u00a0Mais justement, c\u2019est ce m\u00eame narcissisme qui nous incite \u00e0 bouger, m\u00eame l\u00e9g\u00e8rement. Car m\u00eame si nous avons l\u2019habitude de notre propre image, \u00e0 nous percevoir sur des photos ou des vid\u00e9os, la surprise de se voir en situation, d\u2019\u00eatre en repr\u00e9sentation, est toujours vivace. Il se cr\u00e9e ainsi, entre soi et l\u2019image, une relation ludique, comme il se cr\u00e9e une corr\u00e9lation ambigu\u00eb entre les participants. Nous observons tous notre reflet dans ce curieux miroir, puis, quelqu\u2019un va bouger, sortir ou entrer, et faire ainsi basculer l\u2019espace dans le noir. Nous voil\u00e0 priv\u00e9s de notre image\u2026 Rapidement, on se prend au jeu, et se d\u00e9veloppe alors entre les participants une complicit\u00e9 qui peut se rompre d\u00e8s que l\u2019image dispara\u00eet.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019artiste, par ce syst\u00e8me, parvient \u00e0 nous conditionner physiquement. L\u2019immobilit\u00e9 n\u2019est en rien naturelle, nous y sommes pourtant forc\u00e9s car un mouvement parasitera l\u2019\u0153uvre, pour soi-m\u00eame comme pour les autres. C\u2019est comme si l\u2019artiste nous disait, narquois : \u00ab mirez votre image, statues de sel\u2026 \u00bb <\/p>\n\n\n\n

Paragraphie<\/em>\u00a0de Manon de Pauw<\/h2>\n\n\n\n

Pr\u00e9sent\u00e9e le m\u00eame soir, Paragraphie de Manon de Pauw, mettait \u00e9galement les participants en situation. Une table, une chaise, des feuilles de papier rang\u00e9es ou froiss\u00e9es, quelques crayons. Une invitation \u00e0 l\u2019\u00e9criture\u2026<\/p>\n\n\n\n

\"\"<\/figure>\n\n\n\n

Assis devant une page blanche, commence alors un travail d\u2019\u00e9criture en public. D\u00e8s que la pointe du crayon se pose sur le papier, le son r\u00e9sonne dans toute la galerie. Ainsi, chaque bruit produit par le crayon, les mains, ou tout objet entrant en contact avec la table est amplifi\u00e9. Puis, d\u2019autres mains se m\u00ealent aux n\u00f4tres, d\u2019autres traits se superposent sur ceux que l\u2019on vient de\u00a0tracer ; une image vid\u00e9o, restreinte aux dimensions du papier, est projet\u00e9e sur la table.<\/p>\n\n\n\n

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L\u2019interactivit\u00e9 de cette installation se base sur le son. Des micros ins\u00e9r\u00e9s dans la table enregistrent les bruits \u00e9mis par \u00ab l\u2019\u00e9crivain \u00bb. Un syst\u00e8me informatique les traite et s\u00e9lectionne une image vid\u00e9o parmi une biblioth\u00e8que de s\u00e9quences pr\u00e9enregistr\u00e9es. Comme l\u2019explique Manon de Pauw, \u00ab ce qui est int\u00e9ressant avec ce proc\u00e9d\u00e9, c\u2019est qu\u2019il permet de mesurer l\u2019amplitude du son g\u00e9n\u00e9r\u00e9, amplitude reli\u00e9e \u00e0 la force avec laquelle on entre en contact avec la surface d\u2019\u00e9criture, donc \u00e0 une certaine attitude. \u00c0 partir de l\u2019amplitude, on obtient une donn\u00e9e num\u00e9rique, qui, selon sa valeur, d\u00e9clenche au hasard une s\u00e9quence vid\u00e9o dans une des trois cat\u00e9gories pr\u00e9-\u00e9tablies (15 s\u00e9quences par cat\u00e9gorie). Par exemple, un son faible provoquera des gestes d\u2019h\u00e9sitation, un son moyen des gestes d\u2019\u00e9criture et un son fort des gestes d\u2019impatience. \u00bb2<\/sup>\u00a0Cependant, la vid\u00e9o projet\u00e9e n\u2019est pas toujours en relation directe avec les gestes de l\u2019utilisateur. La vid\u00e9o ne mime en aucun cas l\u2019action, mais elle la soutient, lui fait \u00e9cho ou encore, peut la parasiter. Plus que l\u2019acte lui-m\u00eame, Paragraphie s\u2019int\u00e9resse \u00e0 la gamme des sentiments d\u00e9velopp\u00e9e lors du travail d\u2019\u00e9criture. Un gribouillage intempestif conduira les mains virtuelles \u00e0 d\u00e9chirer la feuille. En somme, le syst\u00e8me agit comme un miroir grossissant de notre attitude et de nos sentiments, trahis par l\u2019intensit\u00e9 de nos gestes :\u00a0<\/p>\n\n\n\n

\u00ab Je tenais \u00e0 explorer l\u2019aspect sensoriel (textures, sons, etc.) mais aussi les paradoxes du travail d\u2019\u00e9criture, lieu de frustrations et de plaisirs, de blocages et de cr\u00e9ativit\u00e9, de communication et de repli sur soi. Le but de ce projet est aussi \u00ab d\u2019amplifier \u00bb cet acte habituellement solitaire et intime, d\u2019une part, en provoquant des liens ludiques et po\u00e9tiques entre l\u2019action directe et les images pr\u00e9enregistr\u00e9es et d\u2019autre part, en faisant r\u00e9sonner dans l\u2019espace de la galerie les sons cr\u00e9\u00e9s par le contact avec le papier (sons qui s\u2019av\u00e8rent \u00eatre d\u2019une musicalit\u00e9 tr\u00e8s riche et unique \u00e0 chaque personne). Ainsi, en y participant, on se donne un peu en spectacle. On laisse une trace \u00e0 la fois visuelle et sonore. \u00bb2<\/sup>

Paragraphie explore notre relation \u00e0 l\u2019\u00e9criture tout en la transposant, tant d\u2019un point de vue physique que s\u00e9mantique. \u00ab L\u2019\u00e9crivain \u00bb n\u2019est plus dans une relation personnelle et intime aux mots. D\u2019ailleurs, force est de constater que peu de gens \u00e9crivaient v\u00e9ritablement. Il \u00e9tait plus facile de dessiner, au mieux, ou de gribouiller, au pire. Car, \u00e9crire, d\u2019accord, mais pour dire quoi ? Peut-on se mettre \u00e0 nu devant t\u00e9moins ? Mais, que l\u2019on \u00e9crive ou que l\u2019on gribouille, notre gestuelle laisse transpara\u00eetre un sentiment, amplifi\u00e9 par le son et la vid\u00e9o. Alors nul besoin de mots pour se d\u00e9voiler.<\/p>\n\n\n\n

Habitgram Prototype<\/em>\u00a0de Beewoo<\/h2>\n\n\n\n

L\u2019\u0153uvre Habitgram Prototype de Beewoo cl\u00f4turait de l\u2019\u00e9v\u00e9nement. Premier volet d\u2019une \u0153uvre en d\u00e9veloppement, Habitgram Prototype invite l\u2019utilisateur \u00e0 rev\u00eatir un manteau truff\u00e9 de cam\u00e9ras num\u00e9riques. Ce dispositif lui assignait donc \u00e9galement le r\u00f4le de performeur central. Des projecteurs recevaient, par ondes radio, les images vid\u00e9o en captation directe pour les projeter sur les murs de la galerie \u00e0 des \u00e9chelles et sous des angles diff\u00e9rents. Le mot Habitgram, nous dit l\u2019artiste, \u00ab est form\u00e9 de la combinaison des mots habit (v\u00eatement) et t\u00e9l\u00e9gramme ; c\u2019est un habit qui transmet l\u2019information vid\u00e9o qu\u2019il capte par les ondes hertziennes pour les re-transposer sur les murs m\u00eame de l\u2019espace architectural qu\u2019il interpr\u00e8te. \u00bb3<\/sup><\/p>\n\n\n\n

\"\"<\/figure>\n\n\n\n

Ainsi, en fonction de ses d\u00e9placements, l\u2019utilisateur est amen\u00e9 \u00e0 red\u00e9finir l\u2019espace qu\u2019il parcourt. Ce n\u2019est plus lui qui est projet\u00e9 sur les murs mais la galerie elle-m\u00eame \u00e0 travers lui. L\u2019espace devient alors intangible, ind\u00e9termin\u00e9, \u00e9volutif puisqu\u2019il est fonction d\u2019un point de vue, ou pour \u00eatre plus pr\u00e9cis, de points de vue multiples, la perception de l\u2019espace \u00e9tant en effet d\u00e9multipli\u00e9e par le nombre de cam\u00e9ras. Bien entendu, la projection n\u2019efface pas l\u2019architecture originale du lieu, mais l\u2019image vid\u00e9o se superpose \u00e0 celle-ci, lui ouvrant de nouvelles perspectives ; une architecture hybride et mouvante dans laquelle nous nous trouvons immerg\u00e9s. En endossant le manteau, l\u2019utilisateur devient partie int\u00e9grante de l\u2019espace, et l\u2019on peut finir par se demander si ce n\u2019est pas l\u2019espace qui avale le porteur de l\u2019habit ?<\/p>\n\n\n\n

\"\"<\/figure>\n\n\n\n

Cette exp\u00e9rimentation provoque chez certains un malaise. Comme l\u2019explique Beewoo, \u00ab l\u2019\u00e9tourdissement ou la naus\u00e9e qui r\u00e9sultent de cette immersion est une r\u00e9action naturelle qui est \u00e0 mon avis similaire au ph\u00e9nom\u00e8ne du mal de mer. C\u2019est la corr\u00e9lation du mouvement des images li\u00e9 aux mouvements du corps qui en est la cause. \u00bb3<\/sup>\u00a0L\u2019artiste qualifie cet \u00e9tourdissement de \u00ab mal des m\u00e9dias \u00bb, comme si la surconsommation et l\u2019envahissement par les images finissaient \u00e9galement par red\u00e9finir notre conscience de l\u2019espace.<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Adad Hannah, entretien<\/p>\n\n\n\n

[2] Manon de Pauw, entretien<\/p>\n\n\n\n

[3] Beewoo, entretien<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Still\u00a0de Adad Hannah L\u2019installation audiovisuelle interactive de Adad Hannah prenait place dans un espace sombre et clos \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur duquel les visiteurs \u00e9taient invit\u00e9s \u00e0 entrer. Une image vid\u00e9o recouvrait int\u00e9gralement un des murs. En prise directe, la vid\u00e9o ainsi projet\u00e9e nous renvoyait notre propre image, en taille r\u00e9elle. Seule la captation infra-rouge modifiait les … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[9],"tags":[229],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/3675"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=3675"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/3675\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":3683,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/3675\/revisions\/3683"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=3675"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=3675"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=3675"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}