Interstices<\/em>, regroupement d\u2019artistes chercheurs en arts m\u00e9diatiques (Montr\u00e9al), pr\u00e9sente en collaboration avec le centre de diffusion d’art multidisciplinaire\u00a0Dare-Dare,\u00a0\u00ab\u00a04x 5 \u00e0 7 \u2013 Pr\u00e9sentation de prototypes\u00a0\u00bb<\/strong>. Huit artistes explorent la relation homme\/machine au sein d\u2019environnements m\u00e9diatiques.<\/p>\n\n\n\n
\u00c9tats et intervalles\u00a0<\/em>de Fran\u00e7ois Qu\u00e9villon<\/h2>\n\n\n\n
L\u2019exposition s\u2019est ouverte avec la pr\u00e9sentation de l\u2019\u0153uvre\u00a0\u00c9tats et intervalles<\/em>\u00a0de Fran\u00e7ois Qu\u00e9villon. Ce prototype, bas\u00e9 sur les probl\u00e9matiques de l\u2019incidence et de la relation interactive du corps sur un environnement visuel et sonore, invite le spectateur autant \u00e0 l\u2019exp\u00e9rimentation qu\u2019\u00e0 la contemplation tout en insistant sur cette dualit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n<\/figure>\n\n\n\n
L\u2019\u0153uvre s\u2019int\u00e8gre dans un couloir relativement \u00e9troit au fond duquel sont projet\u00e9es en boucle des images vid\u00e9o soutenues par une bande son. L\u2019utilisateur se retrouve immerg\u00e9 dans cet espace visuel et sonore et son comportement a une incidence sur celui-ci. En effet, une cam\u00e9ra infrarouge enregistre \u00e0 intervalles r\u00e9guliers le nombre de personnes pr\u00e9sentes ainsi que leur position. En s\u2019approchant de l\u2019\u00e9cran, l\u2019utilisateur agit sur la vitesse de d\u00e9filement des images tout comme sur le son. Le syst\u00e8me poss\u00e8de \u00e9galement une m\u00e9moire du passage des utilisateurs, m\u00e9moire qui affecte \u00e9galement l\u2019\u0153uvre.<\/p>\n\n\n\n
Les sentiments provoqu\u00e9s par l\u2019exp\u00e9rimentation de \u00c9tats et intervalles<\/em> sont relativement ambigus. L\u2019image, pourtant figurative, n\u2019est pas toujours intelligible et laisse grandement place \u00e0 l\u2019interpr\u00e9tation. De prime abord, on se croit immerg\u00e9 dans un paysage nu et d\u00e9sol\u00e9 assistant \u00e0 ce qui a l\u2019apparence d\u2019explosions, impressions largement accentu\u00e9es par un son ambiant parfois agressif. Un paysage de guerre, peut-\u00eatre. Pourtant, \u00e0 force d\u2019attention, l\u2019image prend un tout autre sens. Les collines deviennent de glace et les reliefs des gouttes d\u2019eau.<\/p>\n\n\n\n<\/figure>\n\n\n\n
Finalement, \u00ab\u00a0La vid\u00e9o de l’installation explore d’une mani\u00e8re quasi-abstraite les 3 \u00e9tats de la mati\u00e8re (solide \/ liquide \/ gazeux), il s’agit d’un passage de la mat\u00e9rialit\u00e9 \u00e0 l’immat\u00e9riel (qui peut d’ailleurs s’appliquer au processus de la m\u00e9diatisation par le biais du num\u00e9rique)\u00a0\u00bb, explique Fran\u00e7ois Qu\u00e9villon.<\/p>\n\n\n\n
La mati\u00e8re premi\u00e8re devient ambigu\u00eb par le fait qu’il s’agisse de n\u00e9gatifs d’images dont l’\u00e9chelle a \u00e9t\u00e9 amplifi\u00e9e par plus de cent et d’une trame sonore constitu\u00e9e d’\u00e9chantillons modifi\u00e9s provenant de sources vari\u00e9es (grin\u00e7age de porte, frottement de verre, respiration, modulation de fr\u00e9quences, etc.).<\/p>\n\n\n\n
Au niveau strictement visuel, l’objectif de ce simple filtre (n\u00e9gatif d’image) \u00e9tait de faire perdre la r\u00e9f\u00e9rence directe \u00e0 ce qui a \u00e9t\u00e9 film\u00e9 (car) l’essentiel est l’aspect transitoire de la mati\u00e8re et non sa r\u00e9f\u00e9rence. Il me fallait la camoufler sans l’\u00e9vacuer compl\u00e8tement afin qu’elle n’occupe pas le premier plan, qu’elle se d\u00e9voile progressivement selon l’attention que porte le spectateur.1<\/sup><\/p>\n\n\n\n
L\u2019aspect po\u00e9tique de l\u2019\u0153uvre se situe alors bel et bien dans la contemplation provoqu\u00e9e par l\u2019exp\u00e9rimentation. L\u2019image et le son nous appellent, forcent notre attention, et, en nous englobant dans le processus m\u00eame, finissent presque par nous happer.<\/p>\n\n\n\n
Perversely Interactive System<\/em>\u00a0de Lynn Hugues et Simon Laroche<\/h2>\n\n\n\n
Pour la seconde semaine de l\u2019\u00e9v\u00e9nement,\u00a0Interstices<\/em>\u00a0pr\u00e9sentait\u00a0Perversely Interactive System<\/em>\u00a0de Lynn Hugues et Simon Laroche. Dans un style tr\u00e8s diff\u00e9rent mais non moins d\u00e9routant, ce prototype provoque un \u00e9trange face \u00e0 face entre un personnage virtuel et un utilisateur.<\/p>\n\n\n\n<\/figure>\n\n\n\n
Sur un \u00e9cran, une femme nous tourne le dos. Invit\u00e9 \u00e0 exp\u00e9rimenter seul le syst\u00e8me, on tient \u00e0 la main un bo\u00eetier recouvert de deux lamelles m\u00e9talliques sur lesquelles on place deux doigts. Cet appareil, habituellement utilis\u00e9 en m\u00e9decine, enregistre la tension nerveuse gr\u00e2ce au taux d\u2019humidit\u00e9 d\u00e9gag\u00e9 par la main. Plus l\u2019utilisateur est nerveux, plus sa main est moite. Cette moiteur stimule la circulation d\u2019un contact \u00e9lectrique de tr\u00e8s faible intensit\u00e9. Le bo\u00eetier est reli\u00e9 par ondes radio \u00e0 un syst\u00e8me informatique qui traite le signal \u00e9lectrique. Le syst\u00e8me r\u00e9agira ou non en fonction de ce signal. L\u2019utilisateur doit donc arriver \u00e0 contr\u00f4ler son corps et ses r\u00e9actions naturelles pour que l\u2019\u0153uvre fonctionne.<\/p>\n\n\n\n
Lorsque l\u2019on est calme, le personnage virtuel vient petit \u00e0 petit \u00e0 notre rencontre. Mais \u00e0 l\u2019approche de cette femme, certains utilisateurs expriment une nervosit\u00e9 croissante et bloquent alors le processus. D\u2019apr\u00e8s Lynn Hugues, \u00ab\u00a0l\u2019interactivit\u00e9 est souvent per\u00e7ue comme quelque chose de facile. Or, avec ce syst\u00e8me, l\u2019interactivit\u00e9 est perverse. L\u2019attente et le d\u00e9sir de r\u00e9action de l\u2019utilisateur par rapport au syst\u00e8me vont faire augmenter son anxi\u00e9t\u00e9 et donc bloquer le processus.\u00a0\u00bb2<\/sup>. Il faut alors en arriver \u00e0 contr\u00f4ler ses \u00e9motions.<\/p>\n\n\n\n<\/figure>\n\n\n\n
Le r\u00f4le du son est \u00e0 cet \u00e9gard extr\u00eamement important. Tout au long de l\u2019exp\u00e9rience, une ambiance sonore est pr\u00e9sente mais tr\u00e8s basse. Lorsque l\u2019utilisateur devient nerveux, la fr\u00e9quence du son augmente. \u00ab\u00a0C\u2019est un son tr\u00e8s physique, presque abdominal, qui agit comme un signal, un indice sur son \u00e9tat d\u2019anxi\u00e9t\u00e9. L\u2019utilisateur va r\u00e9pondre intuitivement au son et savoir, en fonction de sa fr\u00e9quence, si ses efforts de d\u00e9tente fonctionnent.\u00a0\u00bb2<\/sup><\/p>\n\n\n\n
L\u2019interrelation est extr\u00eamement complexe et demande un effort inhabituel sur nous-m\u00eames. De plus, la confrontation a ceci de particulier que le personnage virtuel, de taille r\u00e9elle, nous fait face et nous regarde droit dans les yeux, provoquant une confusion, voire un certain malaise. \u00ab\u00a0La connexion entre le personnage virtuel et l\u2019utilisateur est tr\u00e8s intime \u00e9tant donn\u00e9 que ce dernier le contr\u00f4le de mani\u00e8re sensorielle. Le personnage nous regarde, nous cherche, ce qui renforce \u00e9galement l\u2019intimit\u00e9.\u00a0\u00bb2<\/sup><\/p>\n\n\n\n
Perversely Interactiv System<\/em> explore donc notre corps, nos sens et nos \u00e9motions jusqu\u2019\u00e0 leurs plus imperceptibles variations. Par le biais de cette exp\u00e9rience, Lynn Hugues et Simon Laroche mettent en exergue l\u2019influence de notre corps et de son langage dans le processus relationnel. Toute rencontre est finalement conditionn\u00e9e par des ph\u00e9nom\u00e8nes naturels plus ou moins perceptibles, plus ou moins conscients, mais dont la port\u00e9e est r\u00e9elle.<\/p>\n\n\n\n
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