{"id":3874,"date":"2001-10-01T20:00:05","date_gmt":"2001-10-01T20:00:05","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3874"},"modified":"2023-02-21T20:00:23","modified_gmt":"2023-02-21T20:00:23","slug":"octobre-2001-datadynamics","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/octobre-2001-datadynamics\/","title":{"rendered":"Octobre 2001 – Datadynamics"},"content":{"rendered":"\n

Organis\u00e9e par le Whitney Museum,\u00a0Datadynamics<\/em>\u00a0propose un \u00e9ventail de projets artistiques exploitant la figure du flux informationnel. Regroupant Mark Napier, Adrianne Wortzel, Beth Stryker et Sawad Brooks, Marek Walczak et Martin Wattenberg ainsi que Maciej Wisniewski, cette exposition refl\u00e8te une attitude envers le Web toute am\u00e9ricaine. Comme on le sait, le Whitney se consacre enti\u00e8rement \u00e0 la culture am\u00e9ricaine, il est donc repr\u00e9sentatif d\u2019une physionomie artistique\u00a0made in US<\/em>. L\u2019exposition avait lieu du 22 mars au 10 juin dans les salles du mus\u00e9e et en ligne. Nous nous int\u00e9ressons ici \u00e0 la partie en ligne de ce projet mus\u00e9al.<\/p>\n\n\n\n

Partant de la pr\u00e9misse selon laquelle la recherche artistique sur Internet s\u2019active \u00e0 mod\u00e9liser le flux informationnel, les \u0153uvres en exhibent diff\u00e9rentes facettes, sous diff\u00e9rents angles. Le d\u00e9nominateur commun de l\u2019exposition \u00e9tant le d\u00e9sir de capter un globalit\u00e9 fuyante.<\/p>\n\n\n\n

\"\"<\/figure>\n\n\n\n

D\u2019entr\u00e9e de jeu, sur le site, se pr\u00e9sente \u00e0 nous une bouteille remplie de liquide rose et huileux par laquelle on acc\u00e8de au contenu. De prime abord, l\u2019image para\u00eet contradictoire, contenir un flux qui, par d\u00e9finition, s\u2019\u00e9coule. On ne saisit pas tr\u00e8s bien \u00e0 quoi cette bouteille fait r\u00e9f\u00e9rence, qui plus est, la qualit\u00e9 de l\u2019image s\u2019av\u00e8re plut\u00f4t m\u00e9diocre. Elle a le profil et la couleur d\u2019une bouteille de parfum \u00e0 cinq sous, pas tr\u00e8s engageant.<\/p>\n\n\n\n

D\u00e8s que le curseur bouge, l\u2019int\u00e9rieur de la bouteille s\u2019anime, c\u2019est la premi\u00e8re couche interactive du site. Les hypermots\u00a0Whitney<\/em>,\u00a0Datadynamics,<\/em>\u00a0Artists<\/em>\u00a0et\u00a0Sponsors<\/em>\u00a0(par ordre d\u2019importance visuelle),sur un fond de bulles roses bonbons, circuleront dans la direction oppos\u00e9e aux d\u00e9placements de la souris, l\u2019\u00e9loignement du curseur par rapport \u00e0 l\u2019objet augmentera simultan\u00e9ment la vitesse des d\u00e9placements.\u00a0Ce proc\u00e9d\u00e9 d\u2019animation via la souris est \u00e0 proprement parler un clich\u00e9 sur le Web,<\/strong> nombre d\u2019artistes et de sites de tous ordres en usent ou en ont us\u00e9. Voulant faire image du flux, cette illustration para\u00eet facile, r\u00e9ductrice et sans grand int\u00e9r\u00eat. L\u2019entr\u00e9e en mati\u00e8re est, \u00e0 cet \u00e9gard, navrante. Qui plus est, les mots\u00a0Artists<\/em>\u00a0et\u00a0Sponsors<\/em>\u00a0ont la m\u00eame importance typographique, pas de distinction entre les deux. Les sponsors France Telecom North America et la fondation Rockfeller se partagent une pr\u00e9sence \u00e0 part \u00e9gale avec les artistes. On m\u00e9lange vraiment tout dans cette bouteille sign\u00e9e\u00a0Netomat<\/em>, terme qui sous-entend le brassage automatique du Net (comme une brass\u00e9e de linge dans une laveuse).<\/p>\n\n\n\n

La couche interactive menant vers les \u0153uvres est compos\u00e9e de petites images rectangulaires, identifi\u00e9es par les noms des artistes, et flotte sur le m\u00eame air d\u2019aller que pr\u00e9c\u00e9demment. En cliquant sur l\u2019une de ces images, on acc\u00e8de \u00e0 un troisi\u00e8me niveau pr\u00e9sentant le profil sommaire de l\u2019artiste, un bref r\u00e9sum\u00e9 du projet et un lien vers la page Web du projet.<\/p>\n\n\n\n

\"\"<\/figure>\n\n\n\n

Netomat<\/em>\u00a0est, en r\u00e9alit\u00e9, un utilitaire t\u00e9l\u00e9chargeable con\u00e7u et r\u00e9alis\u00e9 par Maciej Wisniewski. Dans la lign\u00e9e des \u0153uvres s\u2019attaquant \u00e0 l\u2019apparente stabilit\u00e9 des pages Web,\u00a0Netomat<\/em>\u00a0affirme que le Web s\u2019aborde aussi par l\u2019atomisation de son flux, en r\u00e9duisant son contenu \u00e0 des pi\u00e8ces d\u00e9tach\u00e9es. Les images, les textes, les sons et tout autre fichier sont dissoci\u00e9s les uns des autres et consid\u00e9r\u00e9s comme des objets distincts et manipulables. Sous la directive de mots inscrits dans l\u2019espace r\u00e9serv\u00e9 \u00e0 une requ\u00eate vers le Web,\u00a0Netomat<\/em>\u00a0ira chercher sur Internet des fragments reli\u00e9s au th\u00e8me de la requ\u00eate. Un amalgame de fragments s\u2019\u00e9coule alors sous nos yeux. Toutefois, et cela semble plut\u00f4t incongru, aucun hyperlien vers ceux-ci, on assiste passivement \u00e0 la parade des objets, on ne peut qu\u2019en changer la vitesse et la direction du d\u00e9bit. On se rappellera du succ\u00e8s m\u00e9diatique du Shredder 1.0 de Mark Napier (ce que j\u2019appelle un composteur de codes HTML), Maciej Wisniewski a obtenu une visibilit\u00e9 semblable avec son\u00a0Netomat<\/em>. Dans l\u2019un et l\u2019autre cas,\u00a0on travaille sur la forme et peu sur le contenu<\/strong>, certes s\u00e9duisant, mais cela demeure superficiel et relativement infructueux sur le plan du traitement des donn\u00e9es. Un brassage superf\u00e9tatoire, \u00e0 mon avis.<\/p>\n\n\n\n

Mark Napier pr\u00e9sentait pour sa part Point-to-Point<\/em>, une \u0153uvre reliant des participants en ligne avec les visiteurs dans le mus\u00e9e. La partie en ligne est un module de dessin. En r\u00e9pondant \u00e0 la question Who are you?<\/em>, dans l\u2019espace r\u00e9serv\u00e9 \u00e0 cette fin, les mots inscrits appara\u00eetront dans la zone dessin \u00e0 la suite des mouvements de la souris, formant des tra\u00een\u00e9es de lettres color\u00e9es, la taille typographique variant selon l\u2019intensit\u00e9 du mouvement. Dans le mus\u00e9e, un appareil \u00e9lectronique de d\u00e9tection, \u00e0 l\u2019aff\u00fbt des mouvements des visiteurs, provoquait sur un \u00e9cran lumineux l\u2019animation des mots inscrits via Internet. Le texte des internautes et le va-et-vient des visiteurs participant ainsi \u00e0 la m\u00eame oeuvre. Un principe interactif offrant beaucoup de possibilit\u00e9s. \u00c0 ce titre, rappelons l\u2019\u0153uvre Rendez-vous sur les bancs publics<\/em> de Luc Courchesne et Monique Savoie (1999) qui reliait en direct deux villes via un \u00e9cran dans l\u2019espace public, la cr\u00e9ation d\u2019interactions directes et publiques produit des \u00e9v\u00e9nements sociaux enthousiastes. Un concept int\u00e9ressant mais qui, sur le plan du contenu dans le cas de Napier, manque de profondeur.<\/p>\n\n\n\n

Avec\u00a0DissemiNET<\/em>, Sawad Brooks et Beth Stryker ont cr\u00e9\u00e9 une diaspora sur le Web. Un lieu o\u00f9 il est possible de d\u00e9poser, d\u2019appeler ou de perdre des souvenirs personnels ou collectifs. \u00c9crit en Java, le t\u00e9l\u00e9chargement des modules ne se fait pas sans quelques accrocs, le navigateur a compl\u00e8tement fig\u00e9 lors de notre premier appel, mais tout fonctionne tr\u00e8s bien\u00a0lorsque le contact est \u00e9tabli. D\u2019entr\u00e9e de jeu, on reconna\u00eet le style fluide des animations de Sawad Brooks. Toutefois, la navigation y est plut\u00f4t ardue, le texte est peu visible et le balancement incessant des images et du texte provoqu\u00e9 par les mouvements de la souris finit par agacer. Comme il s\u2019agit d\u2019une \u0153uvre enti\u00e8rement bas\u00e9 sur le contenu que les internautes y inscrivent, le design de l\u2019interface, malgr\u00e9 sa beaut\u00e9, en perturbe l\u2019acc\u00e8s. \u00c9videmment, le propos de l\u2019\u0153uvre cherche \u00e0 nous sensibiliser \u00e0 la nature mouvante du Web et \u00e0 son contenu labile. Le design de la navigation exprime l\u2019\u00e9tat du contenu, mais contrecarre l\u2019int\u00e9r\u00eat de ce dernier lorsque vient le temps de lire les r\u00e9cits et les textes d\u00e9pos\u00e9s par les internautes.\u00a0Si on en reste \u00e0 ces consid\u00e9rations duales entre la forme et le contenu, dans le cas de\u00a0DissemiNET<\/em>\u00a0la qualit\u00e9 de l\u2019un et de l\u2019autre entre en conflit pour l\u2019usager.<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Adrianne Wortzel utilise la robotique dans un espace th\u00e9\u00e2tralis\u00e9 mettant en vedette un robot d\u00e9nomm\u00e9 Kiru, ce dernier vit dans le mus\u00e9e et interagit avec les visiteurs en leur montrant sur \u00e9cran vid\u00e9o sa perception des choses et l\u2019interaction en cours. Il devient par ailleurs l\u2019avatar de qui le d\u00e9sire puisque un syst\u00e8me de contr\u00f4le informatis\u00e9 permet d\u2019exiger du robot qu\u2019il cr\u00e9e \u00e0 la demande des visiteurs des espaces virtuels qui sont diffus\u00e9s sur le Web. Malheureusement, le site de l\u2019\u0153uvre intitul\u00e9e Camouflage Town <\/em>n\u2019\u00e9tait pas actif lors de nos essais de connexion, m\u00eame les fichiers en m\u00e9moire suite \u00e0 une recherche sur Google.com se sont av\u00e9r\u00e9s n\u00e9gatifs. Peut-\u00eatre que Kiru en avait assez !<\/p>\n\n\n\n

Marek Walczak et Martin Wisniewski pr\u00e9sente Apartment<\/em>. \u00c0 partir de textes \u00e9crits par les utilisateurs sur un \u00e9cran vierge, un bleu d\u2019architecte se dessine. La s\u00e9mantique des mots utilis\u00e9s sert de locomotive aux formes cr\u00e9\u00e9es qui seront ensuite traduites en trois dimensions comme s\u2019il s\u2019agissait d\u2019un espace profond dans le prolongement de l\u2019\u00e9cran (le t\u00e9l\u00e9chargement d\u2019un plugiciel est exig\u00e9 pour la navigation en 3D). Lors de la navigation dans cet espace les mots, initialement inscrits sous forme de texte, sont prononc\u00e9s par un logiciel de traitement de la voix. Les appartements se regroupent en \u00e9difices et les \u00e9difices en villes dans un ordre de d\u00e9pendances s\u00e9mantiques. L\u2019utilisateur a aussi l\u2019opportunit\u00e9 d\u2019imprimer le bleu de l\u2019appartement cr\u00e9\u00e9 et de conserver ainsi un artefact de sa pr\u00e9sence dans ce projet. Ce dernier s\u2019inspire d\u2019une technique de m\u00e9morisation imagin\u00e9e par Cic\u00e9ron (de son vrai nom Marcus Tullius, Cic\u00e9ron <\/em>est un surnom d\u00fb \u00e0 une petite verrue sur le visage qui ressemblait \u00e0 un pois chiche, \u201ccicero\u201d en latin), les diff\u00e9rentes pi\u00e8ces d\u2019un appartement fictif servaient \u00e0 contenir les d\u00e9veloppements th\u00e9matiques d\u2019un long discours, parcourir mentalement l\u2019appartement permettait de bien accorder les proximit\u00e9s de la m\u00e9moire. Le but de l\u2019\u0153uvre \u00e9tant ici de spatialiser le texte. Sur ce plan, l\u2019\u0153uvre est des plus r\u00e9ussie. Les quelques th\u00e9matiques d\u00e9velopp\u00e9es sont repr\u00e9sent\u00e9es sous forme graphique et le passage de l\u2019une \u00e0 l\u2019autre nous informe visuellement des agglom\u00e9rats d\u2019appartements selon les \u00e9tats psychiques qu\u2019ils repr\u00e9sentent. <\/p>\n\n\n\n

Plus on ajoute des mots pr\u00e9alablement associ\u00e9s \u00e0 diff\u00e9rentes pi\u00e8ces de l\u2019appartement (par exemple market<\/em> pour Office<\/em>, walk<\/em>pour Hall<\/em>, observing<\/em> pour Window<\/em>, chair<\/em> pour Living<\/em>, etc.) plus le nombre de pi\u00e8ces augmentent et se transforment pour accueillir les nouveaux mots. Ceux qui ne sont pas r\u00e9pertori\u00e9s pour la construction du bleu demeurent pr\u00e9sents mais flottent tout autour du sch\u00e9ma. Malgr\u00e9 cette apparente simplicit\u00e9, on se laisse prendre au jeu et un profil personnel se met en place. Le niveau de complexit\u00e9 augmente selon l\u2019int\u00e9r\u00eat accord\u00e9 \u00e0 la construction.<\/p>\n\n\n\n

Il s\u2019agit du projet le plus int\u00e9ressant de l\u2019exposition\u00a0Datadynamics<\/em>, car il fait pleinement usage des diff\u00e9rentes dimensions impliqu\u00e9es par la communication et l\u2019interactivit\u00e9.\u00a0On peut ainsi d\u00e9placer nos centres d\u2019int\u00e9r\u00eat, voyager dans les villes, d\u00e9couvrir des appartements individuels, cr\u00e9er et s\u2019inspirer de la multitude. S\u2019ensuit un v\u00e9ritable sentiment de collectivit\u00e9, de participation et de voisinage fourmillant d\u2019\u00e9tats psychiques h\u00e9t\u00e9rog\u00e8nes. Superbe, bien con\u00e7u et adapt\u00e9 au Web.<\/strong><\/p>\n\n\n\n

\u00c0 l\u2019encontre des autres artistes pr\u00e9sents dans cette exposition, Marek Walczak et Martin Wisniewski vont au del\u00e0 de cette tendance \u00e0 vouloir rendre une image du Web pour se concentrer sur des \u0153uvres dont la dynamique construit en continu tout en enrichissant le contenu. Il s\u2019agit l\u00e0 d\u2019un mod\u00e8le exemplaire pour qui veut int\u00e9grer l\u2019art dans le flux informationnel du Web.<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

Le site MobileGaze nous autorise \u00e0 reproduire cet article qui lui \u00e9tait d\u00e9di\u00e9 \u00e0 l\u2019origine. Une version anglaise de ce texte est aussi disponible sur\u00a0MobileGaze.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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