{"id":3880,"date":"2001-09-01T20:07:01","date_gmt":"2001-09-01T20:07:01","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3880"},"modified":"2023-03-06T14:23:46","modified_gmt":"2023-03-06T14:23:46","slug":"septembre-2001-le-long-voyage-histoire-veridique-de-la-conquete-des-nouvelles-technologies","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/septembre-2001-le-long-voyage-histoire-veridique-de-la-conquete-des-nouvelles-technologies\/","title":{"rendered":"Septembre 2001 – Le long voyage: Histoire v\u00e9ridique de la conqu\u00eate des nouvelles technologies"},"content":{"rendered":"\n
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L’esth\u00e9tique du multim\u00e9dia, multim\u00e9dium hybride, est encombr\u00e9e de mani\u00e8re obs\u00e9dante par les notions de m\u00e9tissage, de nomadisme et de migration. Ces notions ont une signification pr\u00e9cise li\u00e9e \u00e0 leur contexte d’\u00e9laboration, ces concepts ont une histoire. Pourtant ils fonctionnent comme les clefs magiques d’une r\u00e9flexion sur les enjeux des soci\u00e9t\u00e9s en r\u00e9seau, de mani\u00e8re absolument d\u00e9contextualis\u00e9e de l’horizon id\u00e9ologique qui a pr\u00e9sid\u00e9 \u00e0 leur \u00e9laboration. Ces notions sont aussi les clefs id\u00e9ologiques d’un certaine world culture<\/em>, les f\u00e9tiches d’un ir\u00e9nisme de pacotille, qui comprend le m\u00e9tissage comme une variante pseudo-g\u00e9n\u00e9reuse du slogan \u00ab\u00a0United colors of Bennetton\u00a0\u00bb.<\/p>\n\n\n\n

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Caravelle portuguaise89<\/sup><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Ces lignes voudraient montrer que l’arri\u00e8re-plan sur lequel se sont d\u00e9velopp\u00e9es ces notions n’est pas anodin. L’horizon \u00e9pist\u00e9mologique qui est le lieu d’\u00e9laboration de ces concepts a pour contexte l’aube des temps modernes, \u00e9poque des grandes d\u00e9couvertes. La colonisation du Nouveau Monde, la Conqu\u00eate, faite de violence et d’ouverture, d’ombre et de lumi\u00e8re inextricablement m\u00eal\u00e9es, a \u00e9t\u00e9 une chance et un drame. Il convient d’en prendre la mesure, et d’essayer de comprendre si nous ne vivons pas notre rapport aux \u00ab\u00a0nouvelles technologies\u00a0\u00bb, dans la r\u00e9p\u00e9tition d’une matrice imaginaire, de mythes propres \u00e0 la d\u00e9couverte du Nouveau Monde. Ces mythologies ont pr\u00e9cis\u00e9ment pour lieu d’\u00e9laboration la c\u00f4te de Californie, nouveau monde, devenu ancien pour l’occasion. Si l’on se place du point de vue de la vieille Europe, il n’est pas innocent que nous ayons pr\u00e9cis\u00e9ment quelque chose \u00e0 dire sur ces renouvellements. Ces lignes proposent donc l’examen d’une th\u00e8se, qu’il convient de mettre \u00e0 l’\u00e9preuve : la d\u00e9couverte du continent Internet s’est op\u00e9r\u00e9 selon des modalit\u00e9s similaires \u00e0 la d\u00e9couverte et la conqu\u00eate du Nouveau Monde<\/strong>, \u00e0 l’aube des temps modernes. L’all\u00e9gorie de la Conqu\u00eate, envisag\u00e9e comme m\u00e9taphore permet selon nous une articulation critique de divers th\u00e8mes exer\u00e7ant une forte fascination dans la technoculture, ceux-ci sont peut-\u00eatre solidaires d’une th\u00e9orie de l’image.<\/p>\n\n\n\n

Nous avons suivi une piste indiqu\u00e9e dans deux ouvrages qui ne traitent pas de la culture des r\u00e9seaux. Le premier est celui \u00e9crit par Bernal D\u00edaz del Castillo en 1551, Histoire v\u00e9ridique de la conqu\u00eate de la nouvelle Espagne<\/em>2<\/sup>, <\/em>chronique envoy\u00e9e \u00e0 la cour d’Espagne en 1575. L’histoire v\u00e9ridique <\/em>est la premi\u00e8re description de ce qu’a \u00e9t\u00e9, non pas la d\u00e9couverte de l’Am\u00e9rique telle que Colomb \u00e0 la recherche d’un passage vers les Indes (via les Antilles et Cuba) a pu la vivre au cours de ses voyages successifs, mais la conqu\u00eate du Mexique par les premiers conquistadors. Elle diff\u00e8re sensiblement du texte ant\u00e9rieur, laudatif, d\u00e9crivant la geste h\u00e9ro\u00efque des exploits de Cort\u00e9s, r\u00e9dig\u00e9 par G\u00f3mara. Elle marque sa diff\u00e9rence du fait que l’Histoire v\u00e9ridique<\/em>t\u00e9moigne de l’exp\u00e9rience par un soldat du rang, compagnon de Cort\u00e9s, de ce qu’a \u00e9t\u00e9 le quotidien de l’\u00e9pop\u00e9e cort\u00e9sienne qui fournira le mod\u00e8le des r\u00e9cits de conqu\u00eate post\u00e9rieurs (P\u00e9rou, Chili, Am\u00e9rique latine). Le r\u00e9cit de Bernal D\u00edaz, s’il n’est pas une \u00e9tude critique de l’entreprise cort\u00e9sienne -comme la c\u00e9l\u00e8bre relation de Las Casas3 <\/sup>-, d\u00e9mythologise toutefois cette entreprise. Le second ouvrage qui nous a inspir\u00e9 t\u00e9moigne du renouvellement des \u00e9tudes ib\u00e9ro-am\u00e9ricaines concernant la Conqu\u00eate. Il s’agit de La pens\u00e9e m\u00e9tisse<\/em>4<\/sup> de Serges Gruzinsky. Ce livre, se d\u00e9marquant d’approches purement \u00e9conomiques, politiques ou historiques, rend compte du formidable travail d’\u00e9laboration – intellectuel et mental – qu’a \u00e9t\u00e9 la Conqu\u00eate. Il envisage de comprendre les ph\u00e9nom\u00e8nes de mondialisation et de r\u00e9-identification5<\/sup> au travers de la notion de m\u00e9tissage, telle qu’elle fut \u00e9labor\u00e9e sur horizon de conqu\u00eate. La globalisation n’est pas de son point de vue un ph\u00e9nom\u00e8ne r\u00e9cent.<\/p>\n\n\n\n

L’enjeu esth\u00e9tique de notre travail se noue quelque part autour des formidables d\u00e9placements de fronti\u00e8res qui se sont op\u00e9r\u00e9s dans le monde de l’art cons\u00e9cutivement aux grandes d\u00e9couvertes. L’art baroque de la contre-r\u00e9forme comme r\u00e9ponse \u00e0 une infinitisation du monde fait \u00e9clater le cadre de l\u2019\u0153uvre. Peut-on voir dans l’esth\u00e9tique du multim\u00e9dia et des r\u00e9seaux (hyperesth\u00e9tique), un lointain \u00e9cho d’une m\u00eame infinitisation que les concepts d’hybridation, de nomadisme, et de m\u00e9tissage viendraient th\u00e9matiser? La m\u00eame question avait \u00e9t\u00e9 pos\u00e9e par l’historien d’art allemand Aby Warburg6<\/sup>, quand il partit en 1896 chez les indiens Hopis du Nouveau-Mexique, avec le projet d’op\u00e9rer une synth\u00e8se de l’indianit\u00e9 et de l’imagination mythique. Warburg a propos\u00e9 de croiser anthropologie et histoire de l’art, de les hybrider. \u00ab\u00a0Sans l’\u00e9tude de leur culture primitive, je n’aurais jamais \u00e9t\u00e9 en mesure de donner un fondement \u00e9largi \u00e0 la psychologie de la Renaissance\u00a0\u00bb \u00e9crit-il.<\/p>\n\n\n\n

On compare en effet souvent l’\u00e9poque de Gutenberg, qui op\u00e9ra une r\u00e9volution de la diffusion du texte biblique depuis sa petite imprimerie de Mayence, et le partage d’informations qu’op\u00e8rent les r\u00e9seaux interactifs7<\/sup>. D’un point de vue strictement m\u00e9thodologique, on sait sur quoi d\u00e9bouche la m\u00e9thode comparative en histoire : arbitraire, oubli des singularit\u00e9s d’une histoire chaotique et dont la probabilit\u00e9 de r\u00e9p\u00e9tition est infime. A quoi bon comparer les contextes diff\u00e9rents de la conqu\u00eate des Am\u00e9riques et de la conqu\u00eate par l’Am\u00e9rique d’un continent virtuel; aventures s\u00e9par\u00e9es par plus de quatre si\u00e8cles de distance? L’histoire ne se r\u00e9p\u00e8te pas. Dit-on. Si l’histoire traite d’objets, d’\u00e9v\u00e9nements soumis aux lois du chaos et de l’incertitude, dans une irr\u00e9gularit\u00e9 quasi m\u00e9t\u00e9orologique, ce fait oblige \u00e0 un scepticisme nominaliste. Nous pensons qu’il n’en va pas de m\u00eame de l’histoire des mentalit\u00e9s. <\/p>\n\n\n\n

L’histoire ne se r\u00e9p\u00e8te pas, mais la psychanalyse nous apprend sur le versant de la critique des id\u00e9ologies, que l’esprit humain, du fait de ses limites internes, fait l’exp\u00e9rience de continuelles r\u00e9p\u00e9titions. Rapprocher l’histoire de la conqu\u00eate du Nouveau Monde de la conqu\u00eate des \u00ab\u00a0nouvelles technologies\u00a0\u00bb proc\u00e8de donc du collage onirique (condensation, d\u00e9placement). La m\u00e9taphore peut-elle se pr\u00e9valoir de s\u00e9rieux m\u00e9thodologique sur de telles bases m\u00e9tapsychologiques, imaginaires? On r\u00e9pondra que la m\u00e9taphore propose positivement des m\u00e9tamorphoses de sens. Son aspect arbitraire peut faire figure d’exercice de style, de formule rh\u00e9torique; mais son aspect m\u00e9tamorphique, mutant, s’accorde pr\u00e9cis\u00e9ment avec le type d’\u00e9criture d\u00e9ploy\u00e9 sur le web, fait de collage et de rh\u00e9torique. On dira que l’objet de notre recherche contamine notre d\u00e9marche; \u00e0 moins qu’on puisse penser que le type d’objet analys\u00e9 induise sa saisie par l’invention d’outils propres. A la mani\u00e8re des a\u00e8des de l’antiquit\u00e9, pour qui l’histoire \u00e9tait po\u00e9sie8<\/sup>, l’usage de la m\u00e9taphore fait ici se rejoindre les r\u00e9gimes concurrentiels de l’histoire et de la po\u00e9sie. Nous voudrions montrer qu’une certaine impuret\u00e9 m\u00e9thodologique, plus famili\u00e8re au po\u00e8te qu’au scientifique, permet d’obtenir des r\u00e9sultats justes \u00e0 partir de pr\u00e9mices fausses (d’un point de vue puriste)<\/strong>.Nietzsche distinguait \u00e0 l’origine du probl\u00e8me de la v\u00e9rit\u00e9 les deux valences de la probit\u00e9 philologique et de l’erreur utile9<\/sup>. Nous nous situerons du point de vue pragmatique de l’erreur utile, pour comprendre le lien critique qui unit imaginaire du r\u00e9seau et imaginaire de la conqu\u00eate de la Nouvelle-Espagne. Car les horizons \u00e9pist\u00e9mologiques des deux \u00e9poques communiquent, selon nous, au travers de la m\u00e9taphore de la d\u00e9couverte. La m\u00e9taphore, image po\u00e9tique et m\u00e9thode, constituera donc l’organon de cette r\u00e9flexion. Son genre hybride, composite, se veut \u00e0 la hauteur de la fugacit\u00e9 des reflets, leurres, mirages et hallucinations qui brillent \u00e0 l’horizon des conqu\u00eates. En voici le r\u00e9cit.<\/p>\n\n\n\n

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