{"id":397,"date":"2019-07-01T18:17:32","date_gmt":"2019-07-01T18:17:32","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=397"},"modified":"2023-02-09T18:11:27","modified_gmt":"2023-02-09T18:11:27","slug":"juillet-2019-lecture-et-enonciation-quelques-reflexions-semiotiques-a-propos-dagir","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/juillet-2019-lecture-et-enonciation-quelques-reflexions-semiotiques-a-propos-dagir\/","title":{"rendered":"Juillet 2019 – Lecture et \u00e9nonciation: quelques r\u00e9flexions s\u00e9miotiques \u00e0 propos d’Agir<\/i>"},"content":{"rendered":"\n

Agir<\/em> est un r\u00e9cit num\u00e9rique qui se compose de quatre tableaux dont chacun mobilise un ou des modes sp\u00e9cifiques d\u2019interactivit\u00e9 avec le dispositif. D\u2019o\u00f9 vient que la lecture de cette installation s\u2019av\u00e8re un processus complexe de co-construction de sens en acte et non un simple d\u00e9codage : le lecteur doit agir diff\u00e9remment pour pouvoir lire le texte. Concevoir la lecture comme une configuration h\u00e9t\u00e9rog\u00e8ne qui implique des actes et des op\u00e9rations vari\u00e9s revient \u00e0 la consid\u00e9rer comme une pratique au sens s\u00e9miotique du terme. Nous \u00e9tudierons alors chacun des tableaux d\u2019Agir<\/em> comme une s\u00e9quence pratique tout en explicitant le lien qui s\u2019\u00e9tablit entre la lecture, en tant que cours syntagmatique, et l\u2019\u00e9nonciation, en tant qu\u2019acte interactif.  Agir<\/em><\/a> (2017)1<\/sup> est un r\u00e9cit num\u00e9rique interactif con\u00e7u, par Serge Bouchardon et aii, pour les tablettes et les portable. Cette installation se compose de quatre tableaux2<\/sup> dont chacun repr\u00e9sente une exp\u00e9rience interactive articul\u00e9e autour de l\u2019un de ces verbes : s\u2019adapter, agiter, \u00e9clairer et oublier. Tout en mobilisant un mode sp\u00e9cifique de lecture et d\u2019interactivit\u00e9, chaque tableau exige une certaine activit\u00e9 de construction de sens. Ainsi, la lecture d\u2019Agir<\/em> ne peut-elle se concevoir que dans les \u00e9tapes successives qu\u2019offre le d\u00e9roulement du logiciel et les actes divers effectu\u00e9s par le lecteur. Nous avons alors affaire \u00e0 un objet s\u00e9miotique dont le sens ne se r\u00e9v\u00e8le qu\u2019en acte, dans le processus m\u00eame de sa constitution.<\/p>\n\n\n\n

La lecture de cette installation s\u2019av\u00e8re alors un processus o\u00f9 le lecteur doit constamment effectuer des choix et des adaptations qui portent, entre autres, sur des signes ou sur des textes et font parfois appel \u00e0 des activit\u00e9s \u00e9trang\u00e8res \u00e0 la lecture. Nous concevrons donc la lecture d\u2019Agir<\/em> comme une pratique s\u00e9miotique au sens o\u00f9 l\u2019entend Fontanille (2008, 2011, 2015), \u00e0 savoir une suite syntagmatique dont le sens ne se d\u00e9couvre que dans le cours m\u00eame de l\u2019action, c\u2019est-\u00e0-dire en immersion dans la pratique. Celle-ci engloberait dans ce cas le dispositif num\u00e9rique, les modes d\u2019interaction du lecteur, \u00e0 c\u00f4t\u00e9 bien \u00e9videmment du texte \u00e0 lire. La lecture ainsi con\u00e7ue ne se limitera pas \u00e0 un simple d\u00e9chiffrement du sens d\u00e9j\u00e0 d\u00e9pos\u00e9 par une instance \u00e9nonciative mais elle deviendra plut\u00f4t une configuration \u00e0 dimensions multiples o\u00f9 l\u2019\u00e9nonciation ne s\u2019effectue que moyennant l\u2019agir du lecteur.<\/p>\n\n\n\n

1. <\/em>Les pratiques s\u00e9miotiques<\/h2>\n\n\n\n

Fontanille a \u00e9labor\u00e9 un parcours signifiant allant du niveau des figures-signes jusqu\u2019\u00e0 celui des formes de vie, tout en passant respectivement par les textes, les objets (et \u00e9ventuellement les supports qui accueillent les textes et les signes), les pratiques et les strat\u00e9gies : chaque niveau proc\u00e8de ainsi de mani\u00e8re sp\u00e9cifique pour produire de la signification : tandis qu\u2019au niveau des signes on a affaire \u00e0 des unit\u00e9s isolables, on traite les r\u00e9seaux et les isotopies au niveau textuel et les sc\u00e8nes pr\u00e9dicatives au niveau des pratiques (Fontanille, 2008, p.110 et suiv., 2015, p. 44).<\/p>\n\n\n\n

Dans cette perspective, le niveau des pratiques s\u2019av\u00e8re le plus important pour la constitution du sens car la pratique englobe, par un effet d\u2019int\u00e9gration descendante, les niveaux inf\u00e9rieurs, \u00e0 savoir les signes, les textes et les objets-supports et en m\u00eame temps, elle fait appel, par int\u00e9gration descendante, aux strat\u00e9gies, voire aux formes de vie : la lecture d\u2019Agir<\/em>, on le verra, nous met en confrontation avec un ensemble h\u00e9t\u00e9rog\u00e8ne fait, entre autres, de signes linguistiques ou visuels, de support, de gestes interactifs mais la lecture se trouve en m\u00eame temps en relation avec d\u2019autres pratiques comme l\u2019\u00e9criture, la reconstitution des phrases\u2026, ce qui place la lecture au niveau strat\u00e9gique, d\u00e9fini comme celui o\u00f9 on a affaire aux pratiques en tension ou en harmonie.<\/p>\n\n\n\n

D\u2019ailleurs, c\u2019est seulement au niveau des pratiques que l\u2019on pourrait saisir le sens en acte, c\u2019est-\u00e0-dire, dans le processus m\u00eame de sa construction :<\/em> contrairement au niveau textuel o\u00f9 les limites du texte sont facilement identifiables par un d\u00e9but et une fin, la pratique s\u00e9miotique semble constituer un processus et non un \u00e9tat d\u00e9finitif de la signification (Dondero, 2006) : la lecture envisag\u00e9e au niveau des signes ou des textes s\u2019int\u00e9resse au r\u00e9sultat de l\u2019action, \u00e0 savoir le sens d\u00e9j\u00e0 r\u00e9alis\u00e9 tandis que la lecture envisag\u00e9e comme pratique s\u00e9miotique s\u2019av\u00e8re une op\u00e9ration o\u00f9 le sens \u00e9merge et se construit en processus (Frame, 2013).<\/p>\n\n\n\n

1.1. La lecture d\u2019Agir :<\/em> une pratique s\u00e9miotique<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

En tant que pratique, la lecture d\u2019Agir<\/em> se pr\u00e9sente comme un cours syntagmatique qui se poursuit au prix des confrontations et d\u2019adaptations multiples que le lecteur doit effectuer (Fontanille, 2008, p. 130, 131, Dondero, 2017). La lecture de chacun des quatre tableaux d\u2019Agir<\/em> peut alors \u00eatre analys\u00e9e comme une s\u00e9quence pratique ayant comme point de d\u00e9part un d\u00e9faut de sens et comme point d\u2019arriv\u00e9e une accommodation avec d\u2019autres pratiques : puisqu\u2019on ne conna\u00eet, d\u2019avance, ni la fin ni le sens de l\u2019action qu\u2019on est en train de faire en lisant, on essaie alors d\u2019en chercher un certain sch\u00e9ma organisateur d\u00e9j\u00e0 connu ou innovant\u2026 Suite \u00e0 cette sch\u00e9matisation qui tient \u00e0 ouvrir les possibilit\u00e9s signifiantes, on passe \u00e0 la r\u00e9gulation o\u00f9 on projette une solution sur l\u2019occurrence tout en engageant l\u2019interaction (en l\u2019occurrence entre le lecteur et le dispositif num\u00e9rique), avant d\u2019atteindre enfin l\u2019accommodation de la pratique avec d\u2019autres pratiques concurrentes ou semblables, l\u2019accommodation ne se r\u00e9alisant que via des points \u2013 cl\u00e9s dits des zones critiques qui portent les traces de cette interaction strat\u00e9gique entre les pratiques (Fontanille, 2008, p. 142-145, Fontanille, 2011). La s\u00e9quence pratique pourrait \u00eatre ainsi sch\u00e9matis\u00e9e :<\/p>\n\n\n\n