{"id":4106,"date":"2000-05-01T16:45:13","date_gmt":"2000-05-01T16:45:13","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=4106"},"modified":"2023-03-03T16:45:26","modified_gmt":"2023-03-03T16:45:26","slug":"mai-2000-copyleft-attitude-lart-a-lepreuve-de-leconomie-du-numerique","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/mai-2000-copyleft-attitude-lart-a-lepreuve-de-leconomie-du-numerique\/","title":{"rendered":"Mai 2000 – [Copyleft attitude] : l’art \u00e0 l’\u00e9preuve de l’\u00e9conomie du num\u00e9rique"},"content":{"rendered":"\n
\"\"<\/figure>\n\n\n\n

[Copyleft attitude] <http:\/\/copyleft.tsx.org\/> a eu lieu les 21, 22 et 23 Janvier 2000 et les 24, 25 et 26 Mars 2000 \u00e0 Paris, respectivement dans deux lieux g\u00e9r\u00e9s par des collectifs d’artistes : Acc\u00e8s Local et Public>. Sans doute la premi\u00e8re rencontre entre le monde de l’informatique libre et celui de l’art contemporain (num\u00e9rique et non-num\u00e9rique). Un croisement instructif de deux univers qui jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent n’avaient pas encore saisi leurs points communs.<\/p>\n\n\n\n

Le compte-rendu de ces journ\u00e9es est ici : <http:\/\/antomoro.free.fr\/c\/cc\/copyrendu.html><\/p>\n\n\n\n

Tout d’abord une intuition : N’y a-t-il pas un lien entre l’activit\u00e9 cr\u00e9atrice des hackers et celle des artistes? Et quelles sont les r\u00e8gles de l’art des uns et des autres? S’il y a un tel lien, en quoi l’exp\u00e9rience des uns peut-elle servir \u00e0 la pratique des autres et vice-versa?<\/p>\n\n\n\n

Lorsque Eric S. Raymond r\u00e9pond \u00e0 la question : \u00ab\u00a0Comment devenir un hacker?\u00a0\u00bb <http:\/\/www.tuxedo.org\/~esr\/faqs\/hacker-howto.html> j’ai tout de suite vu que ce cette r\u00e9ponse s’appliquait \u00e9galement au domaine de l’art.<\/p>\n\n\n\n

C’est pourquoi je lui ai demand\u00e9 l’autorisation de la r\u00e9\u00e9crire (avec l’aide de la traduction fran\u00e7aise de Stefane Fermigier) en modifiant la question : \u00ab\u00a0Comment devenir un artiste?\u00a0\u00bb <http:\/\/antomoro.free.fr\/artiste.html><\/p>\n\n\n\n

Bien s\u00fbr, il ne s’agit pas d’un texte \u00e0 prendre au pied de la lettre, il y a une certaine d\u00e9rision dans cette transposition, mais, comment ne pas se rendre compte que les deux activit\u00e9s, celle du hacker et de l’artiste, r\u00e9pondent \u00e0 la m\u00eame exigence esth\u00e9tique, \u00e9conomique et relationnelle? Il s’agit en fait de deux disciplines tr\u00e8s proches. Elles observent toutes les deux leur objet avec curiosit\u00e9 et portent leur attention \u00e0 sa m\u00e9canique interne o\u00f9 elles interviennent pour cr\u00e9er d’autres rouages, sans se satisfaire de la simple repr\u00e9sentation. C’est l\u00e0 une question d’\u00e9conomie. Qu’on ait pu r\u00e9duire, dans le sens commun, l’\u00e9conomie \u00e0 la seule marchandise est, pour les hackers comme pour les artistes, une aberration.<\/p>\n\n\n\n

Il y a en effet une \u00e9conomie propre \u00e0 l’art. Une \u00e9conomie \u00e0 prendre au sens large. Une \u00e9conomie qui n’est pas celle de la loi du march\u00e9. Celle-l\u00e0, nous la subissons tous les jours par la force des choses. Une force qui, selon certains, serait celle d’une nature r\u00e9gulatrice, d’une m\u00e9canique id\u00e9ale faisant le tri parmi ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. On conna\u00eet trop bien cette histoire : celle du plus fort, du plus gros, du plus voyant. Une fausse mythologie. Un mauvais r\u00eave.<\/p>\n\n\n\n

Les artistes savent que cette histoire est une r\u00e9vision en temps r\u00e9el de l’histoire en train de se faire. Ils n’y portent pas cr\u00e9dit. Car le fin du fin, le fin mot de l’histoire, ce sont les mots qui l’engendrent et sur lesquels elle rebondit sans cesse : \u00ab\u00a0libert\u00e9, \u00e9galit\u00e9, fraternit\u00e9\u00a0\u00bb. Tout simplement. Ce n’est pas une l\u00e9gende, c’est dans l’\u00e9conomie propre \u00e0 l’histoire. Son moteur, son carburant et son transport.<\/p>\n\n\n\n

Le probl\u00e8me, c’est que l’\u00e9conomie marchande n’entend rien aux r\u00e8gles de l’art. Elle impose sa loi naturelle \u00e0 toute activit\u00e9 et fait de l’objet de l’art un objet d’art. Une marchandise jalousement prise et gard\u00e9e pour la seule gloire de son propri\u00e9taire. Une r\u00e9duction de l’art \u00e0 son inscription dans un mat\u00e9riau contr\u00f4lable, facilement saisissable et finalement bon \u00e0 mettre dans le coffre d’une banque.<\/p>\n\n\n\n

Pour tout dire, ce rapport \u00e0 l’art d\u00e9go\u00fbte franchement.<\/p>\n\n\n\n

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L’\u00e9conomie, \u00e0 laquelle nous sommes sensibles en adoptant l’attitude copyleft, a \u00e0 voir avec la connaissance infinie, l’\u00e9change sans fronti\u00e8re et l’attention sensible. La moindre des choses, non?<\/p>\n\n\n\n

Oui, \u00ab\u00a0Libert\u00e9, \u00e9galit\u00e9, fraternit\u00e9\u00a0\u00bb (qui rigole?… \ud83d\ude09 oui, \u00e7a fait presque rire, sous cape ou \u00e0 gorge d\u00e9ploy\u00e9e, tellement les mots qui commandent nos actions aujourd’hui sont \u00e9loign\u00e9s de cette trilogie r\u00e9volutionnaire dont nous sommes tout de m\u00eame les h\u00e9ritiers. Lorsqu’il commence ses conf\u00e9rences par ces trois mots, Richard Stallman annonce la couleur et il a, quitte \u00e0 para\u00eetre grandiloquent et ridicule, bien raison.<\/p>\n\n\n\n

Sa pr\u00e9occupation n’est pas \u00ab\u00a0artistique\u00a0\u00bb, mais les artistes pr\u00e9sents lors de \u00ab\u00a0copyleft attitude\u00a0\u00bb ont bien vu tout l’art contenu dans la philosophie du logiciel libre.<\/p>\n\n\n\n

On peut tr\u00e8s bien ne pas \u00eatre un artiste et, paradoxalement, en \u00eatre un, encore plus justement que les artistes reconnus comme tels. Ainsi Linus Torvalds, r\u00e9compens\u00e9 par Ars Electronica en 1999, dans la cat\u00e9gorie Net, pour le syst\u00e8me d’exploitation Linux. Bien avant lui, Marcel Duchamp d\u00e9signait le non-art comme nettement plus pertinent que l’art des artistes patent\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n

Nous reconnaissons la cr\u00e9ation des logiciels libres, comme des oeuvres fabriqu\u00e9es dans les r\u00e8gles de l’art et ayant \u00e0 voir avec nos pr\u00e9occupations artistiques.<\/p>\n\n\n\n

1\/ Nous voulons \u00eatre libres de cr\u00e9er sans avoir, en priorit\u00e9, de compte \u00e0 rendre \u00e0 l’\u00e9conomie marchande. Cette cr\u00e9ation doit aussi compter pour ce qu’elle est : une recherche fondamentale et exigeante. Elle est une connaissance qui doit pouvoir profiter \u00e0 tout un chacun. L’achever sous la forme d’un objet captif et sp\u00e9culatif, c’est tirer un trait sur un travail en d\u00e9veloppement. C’est donner tout pouvoir au f\u00e9tiche de l’art (litt\u00e9ralement \u00ab\u00a0fait main\u00a0\u00bb) sans envisager que l’objet de l’art n’est pas en totalit\u00e9 dans l’objet d’art. Il n’y est que pour des raisons pratiques. Je cite Kathy Alliou, doctorante en propri\u00e9t\u00e9 litt\u00e9raire et artistique (sujet de th\u00e8se : les probl\u00e8mes juridiques soulev\u00e9s par les nouvelles formes d’expression artistiques) : \u00ab\u00a0La distinction entre le support et l’oeuvre, est depuis longtemps l\u00e9galement constat\u00e9e (loi du 9 avril 1910). L’oeuvre est donc immat\u00e9rielle (m\u00eame si elle doit s’incarner, pour des commodit\u00e9s de preuve et de d\u00e9limitation des droits) et donne lieu \u00e0 un droit de propri\u00e9t\u00e9 incorporelle. ART L.111-3 CPI : \u00ab\u00a0La propri\u00e9t\u00e9 incorporelle est ind\u00e9pendante de la propri\u00e9t\u00e9 de l’objet mat\u00e9riel.\u00a0\u00bb<\/p>\n\n\n\n

2\/ Il nous semble important aujourd’hui de prendre en compte ceux qui parmi les acteurs des nouvelles technologies sont les plus respectueux des r\u00e8gles de l’art, c’est-\u00e0-dire les inventeurs de l’Internet et les informaticiens du libre. Ceci pour correspondre au mieux avec la nouvelle \u00e9conomie qui se profile \u00e0 l’horizon. Cette nouvelle \u00e9conomie n’est pas marchande avant toute autre chose, contrairement \u00e0 ce qu’il para\u00eet. Elle est aussi esth\u00e9tique, \u00e9thique et politique. Nous prenons d\u00e9lib\u00e9r\u00e9ment mod\u00e8le sur le fonctionnement de l’Internet originel et sur celui des logiciels libres pour nous en inspirer et l’appliquer librement \u00e0 d’autres types de cr\u00e9ations non logicielles. Dans le domaine de l’art. Dans le quotidien de la vie.<\/p>\n\n\n\n

3\/ Pour nous, cr\u00e9er avec le num\u00e9rique, ce n’est pas produire de l’imagerie cyber, des formes de haute vol\u00e9e technologique, des d\u00e9monstrations rouleuses de m\u00e9caniques. Non. Cr\u00e9er avec le num\u00e9rique, c’est \u00eatre en intelligence avec le mat\u00e9riau, attentif \u00e0 son \u00e9cologie propre pour en capter l’esprit et produire quelque chose qui interroge l’art dans ce contexte l\u00e0. A partir de cette observation, nous entrons en intelligence avec le contexte, le mat\u00e9riaux et les utilisateurs. Nous changeons tout simplement de paradigme, non pas de fa\u00e7on radicale et bruyante, mais en nous abandonnant, confiants, \u00e0 l’op\u00e9ration qui est en train de se faire en ce moment sous nos yeux. Nous nous fondons dans la matrice pour produire d’autres matrices \u00e0 l’infini. Contrairement \u00e0 ce qui se cache derri\u00e8re les imageries techno et cyber, nous ne nous int\u00e9ressons pas \u00e0 la mise en avant de postures conqu\u00e9rantes, de statures hi\u00e9ratiques en leurs pr\u00e9tentions de visibilit\u00e9 : nous sommes persuad\u00e9s que l’image en r\u00e9seau, l’image num\u00e9rique n’a rien \u00e0 voir avec ces imageries, plus proches des habitudes obsol\u00e8tes que du changement qui se fait. Ce qui nous int\u00e9resse, ce sont les conditions de productions de l’art et intervenir dans ces conditions par diff\u00e9rents moyens, l’art d’une part, mais aussi le juridique, le politique, le social et l’\u00e9conomique.<\/p>\n\n\n\n

Avec l’aide de M\u00e9lanie Cl\u00e9ment-Fontaine, doctorante en droit de la propri\u00e9t\u00e9 intellectuelle et auteur d’une \u00e9tude juridique sur la GPL <http:\/\/crao.net\/gpl>, nous avons, au terme de ces journ\u00e9es \u00ab\u00a0copyleft attitude\u00a0\u00bb, pos\u00e9 les bases pour la r\u00e9daction d’une licence copyleft pour l’art.<\/p>\n\n\n\n

Elle sera prochainement disponible sur <http:\/\/copyleft.tsx.org\/> et pourra \u00eatre utilis\u00e9e par tous les artistes, selon leurs besoins. Elle pourra se trouver aussi sur d’autres sites, le v\u00f4tre, si cela vous plait. Nous pensons aussi qu’il y aura cr\u00e9ation d’autres licences copyleft avec des intentions proches. Tant mieux! Cela ne remet pas en cause celle que nous aurons d\u00e9velopp\u00e9. L’important c’est la mise \u00e0 disposition de ce qui peut aider \u00e0 cr\u00e9er des oeuvres libres. La pr\u00e9sence dans le cybespace d’une licence copyleft pour l’art, traduite dans de nombreuses langues, sera un outil pour ne pas laisser la cr\u00e9ation artistique \u00e0 la seule merci de la loi du march\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Ce qui s’est pass\u00e9 en d\u00e9but d’ann\u00e9e avec \u00ab\u00a0Copyleft Attitude\u00a0\u00bb 1 et 2 a \u00e9t\u00e9 un commencement en actes, en rencontres et en informations de quelque chose qui se met en place de fa\u00e7on irr\u00e9versible : une nouvelle \u00e9conomie de l’art en intelligence avec le num\u00e9rique et l’internet.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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