{"id":4252,"date":"1999-12-01T22:05:25","date_gmt":"1999-12-01T22:05:25","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=4252"},"modified":"2023-03-07T22:05:36","modified_gmt":"2023-03-07T22:05:36","slug":"decembre-1999-la-nouvelle-sphere-intermediatique","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-1999-la-nouvelle-sphere-intermediatique\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 1999 – \u00abLa nouvelle sph\u00e8re interm\u00e9diatique\u00bb"},"content":{"rendered":"\n

Colloque \u00ab\u00a0La nouvelle sph\u00e8re interm\u00e9diatique\u00a0\u00bb, 2 au 6 mars 1999, Mus\u00e9e d’art contemporain de Montr\u00e9al, sous l’\u00e9gide du\u00a0Centre de recherche sur l’interm\u00e9dialit\u00e9\u00a0(CRI, Universit\u00e9 de Montr\u00e9al). Commentaires sur la notion d’interm\u00e9dialit\u00e9 et compte rendu du colloque.<\/p>\n\n\n\n

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D\u00e9finir simplement l’interm\u00e9dialit\u00e9 consisterait \u00e0 faire valoir le jeu de plus en plus complexe des m\u00e9dias entre eux. La t\u00e9l\u00e9vision et le cin\u00e9ma en seraient, \u00e0 ce titre, les exemples les plus convenus, la t\u00e9l\u00e9vision diffusant parfois des films alors que le cin\u00e9ma lui emprunte des effets vid\u00e9ographiques. Pour le CRI, la notion d’interm\u00e9dialit\u00e9 d\u00e9signe le croisement des m\u00e9dias dans la production culturelle contemporaine dans un cadre d’\u00e9tude empirique et historique. <\/p>\n\n\n\n

Dans la perspective de l’analyse des interrelations m\u00e9diatiques, l’interm\u00e9dialit\u00e9 prolonge en quelque sorte une s\u00e9miologie lib\u00e9r\u00e9e de son carcan linguistique. D’une part, elle interroge les zones interm\u00e9diaires, et non seulement le langage constitu\u00e9, d’autre part, la communication interm\u00e9diatique engage de nouveaux effets de sens. En effet depuis le d\u00e9but du 20e<\/sup> si\u00e8cle, l’analyse des signes a \u00e9t\u00e9 support\u00e9e par une pens\u00e9e ayant \u00e0 sa base la fragmentation des ensembles en \u00e9l\u00e9ments distincts, un proc\u00e9d\u00e9 dit scientifique. Les r\u00e9alit\u00e9s actuelles de la communication exigent de nouvelles approches, nettement plus nuanc\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n

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Selon Marshall McLuhan, l’alphabet phon\u00e9tique et le m\u00e9dia typographique ont entra\u00een\u00e9 la construction d’une pens\u00e9e fragmentaire, alors que l’environnement \u00e9lectrique globalise la conscience et s’oppose, en quelque sorte, au fractionnement. \u00c0 cet \u00e9gard, les yeux – organes de pr\u00e9cision et de centralisation – sont \u00e0 l’\u00e9crit et \u00e0 l’unicit\u00e9 ce que l’oreille – organe global et imm\u00e9diat – est \u00e0 la multiplicit\u00e9 et \u00e0 l’extase. \u00ab\u00a0Toutes les formes \u00e9lectriques ont une action d\u00e9centralisatrice qui tranche sur les formes m\u00e9caniques ant\u00e9rieures comme une cornemuse dans un orchestre symphonique.\u00a0\u00bb (McLuhan,\u00a0Pour comprendre les m\u00e9dias<\/em>,\u00a01993, p. 291). Le corps m\u00e9canique implose sous l’effet de l’\u00e9lectricit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Entre ces extr\u00eames, dans lesquels nous ne cessons de vivre, pullulent des zones m\u00e9diatiques interm\u00e9diaires, des relais, des ponts, des associations, des ph\u00e9nom\u00e8nes advenant sur un plan circonstanciel ou par une volont\u00e9 esth\u00e9tique. La communication, le quotidien et l’art entrent dans une nouvelle relation, une relation explicitement interm\u00e9diatique et beaucoup plus communicative. Par cons\u00e9quent, les sp\u00e9cialisations tels les beaux-arts (peinture, sculpture, etc.) se voient depuis pr\u00e8s d’un si\u00e8cle profond\u00e9ment contamin\u00e9es par le dispositif \u00e9lectrique, non seulement par l’accentuation de leur fr\u00e9quentation avec les nouveaux m\u00e9dias mais dans leur esprit m\u00eame. D’ailleurs, une part importante du d\u00e9veloppement de l’humanit\u00e9 au 21e<\/sup> si\u00e8cle consistera sans aucun doute \u00e0 la formation d’un esprit multifilaire, globalement g\u00e9n\u00e9r\u00e9 par les espaces interm\u00e9diatiques de la communication.<\/p>\n\n\n\n

On reconna\u00eetra que l’hybridit\u00e9 de la science-fiction a profond\u00e9ment aliment\u00e9 l’imaginaire du vingti\u00e8me si\u00e8cle et de la fin du dix-neuvi\u00e8me. Elle pr\u00e9disposait, \u00e0 travers l’assemblage farfelu de l’humain, du v\u00e9g\u00e9tal, de l’animal et de la robotique, aux fonctions futures des m\u00e9dias. Aujourd’hui, la hantise des extraterrestres gluants et des sc\u00e9narios apocalyptiques d’Orson Welles ne nous obs\u00e8de plus, car l’interm\u00e9dialit\u00e9 orchestre la noosph\u00e8re (la conscience globale) dans un espace mental mieux int\u00e9gr\u00e9. L’aventure cosmique et la conqu\u00eate de l’espace interplan\u00e9taire ressortent maintenant d’une pratique parfaitement domestique. Les m\u00e9dias, Internet en t\u00eate, en rendent compte jour apr\u00e8s jour, sinon de minute en minute. Les rep\u00e8res civilisationnels \u00e9labor\u00e9s de longue date sur des notions territoriales et leurs corollaires divins n’ont plus cours. La forteresse identitaire anthropocentrique s’engage dans une phase de reconstruction en profondeur et la communication m\u00e9diatis\u00e9e en est un des maillons essentiels. Le cyberespace, les implants, les composantes \u00e9lectroniques portables, l’immersion virtuelle et le r\u00e9chauffement de la terre font partie des pr\u00e9occupations in\u00e9dites du si\u00e8cle qui s’amorce, et elles ont toutes \u00e0 la base un syst\u00e8me de communication. <\/p>\n\n\n\n

Dans la perspective de ces changements pour le moins p\u00e9n\u00e9trants, une pens\u00e9e orient\u00e9e vers l’interm\u00e9dialit\u00e9 arrive \u00e0 point nomm\u00e9 et elle occupera, sur un plan tant pragmatique que th\u00e9orique, une place certes importante dans les ann\u00e9es \u00e0 venir. C’est donc avec beaucoup de pertinence que le colloque sur \u00ab\u00a0La nouvelle sph\u00e8re interm\u00e9diatique\u00a0\u00bb s’engage sur cette voie du r\u00e9el communiquant. Une voie culturellement mixte, il va sans dire. <\/p>\n\n\n\n

L’hybridation des lieux de vie, des convergences culturelles et des syst\u00e8mes de communication suscite fortement l’interaction. Malgr\u00e9 qu’elle institue une nouvelle discipline, l’interm\u00e9dialit\u00e9 est, pour le CRI, un axe de pertinence plus qu’un syst\u00e8me de pens\u00e9e. Cette nuance, entre l’\u00e9tude et la th\u00e8se, fut amen\u00e9e avec beaucoup d’\u00e0-propos par J\u00fcrgen M\u00fcller (Universit\u00e9 d’Amsterdam, cin\u00e9ma et t\u00e9l\u00e9vision), lui qui utilisait le terme \u00ab\u00a0interm\u00e9dialit\u00e9\u00a0\u00bb d\u00e8s 1987. <\/p>\n\n\n\n

Si, pour M\u00fcller, le mot\u00a0Intermezzo<\/em>\u00a0est un parent lointain de l’interm\u00e9dialit\u00e9, Plutarque, pour sa part, proc\u00e8de \u00e0 sa mani\u00e8re d’une pens\u00e9e interm\u00e9diatique lorsqu’il compare la peinture \u00e0 une po\u00e9sie muette. Plus pr\u00e8s de nous, la philosophie de Fluxus en puisant \u00e0 toutes les dimensions m\u00e9diatiques disponibles s’engage dans cette voie. Le film de Peter Greenaway,\u00a0Prospero’s Book<\/em>, constitue pour J. M\u00fcller un formidable exemple de l’utilisation de diff\u00e9rents m\u00e9dias dans une m\u00eame oeuvre1<\/sup>. <\/p>\n\n\n\n

Le d\u00e9partage de l’influence des m\u00e9dias les uns sur les autres n’est pas simple, cela soul\u00e8ve de nombreuses probl\u00e9matiques. Parmi celles-ci, on rel\u00e8vera le principe mcluhanien selon lequel un m\u00e9dia, en tant que prolongement du corps (yeux, nerfs, oreilles, etc.), rend simultan\u00e9ment amn\u00e9sique une partie du corps correspondante, comme si le prolongement artificiel atrophiait l’organe concern\u00e9. Serons-nous alors, dans un monde pleinement interm\u00e9diatis\u00e9, que la moiti\u00e9 de nous-m\u00eames? La probl\u00e9matique du clonage ne rel\u00e8ve-t-elle pas de l’incarnation par m\u00e9dias interpos\u00e9s? Qui du m\u00e9dia ou du sujet prime sur la fabrication de l’identit\u00e9, que devient la conscience dans un tel contexte? Les m\u00e9dias eux-m\u00eames ne sont-ils pas voil\u00e9s par les contenus? Des questions encore tr\u00e8s vives.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

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