{"id":4303,"date":"1999-10-01T22:36:11","date_gmt":"1999-10-01T22:36:11","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=4303"},"modified":"2023-03-07T23:32:03","modified_gmt":"2023-03-07T23:32:03","slug":"octobre-1999-notes-sur-quelques-interfaces-sonores","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/octobre-1999-notes-sur-quelques-interfaces-sonores\/","title":{"rendered":"Octobre 1999 – Notes sur quelques interfaces sonores"},"content":{"rendered":"\n

Electronic Japan Now <\/em>est l’expression utilis\u00e9e par l’organisme Champ Libre pour annoncer le projet de l’artiste japonais Akitsugu Maebayashi, Sonic Interface<\/em>, lors de la 4e<\/sup> Manifestation Internationale Vid\u00e9o et Art \u00e9lectronique, qui s’est tenue \u00e0 Montr\u00e9al du 20 au 26 septembre 1999. Une expression qu’aurait tout aussi bien pu utiliser le Festival international de musique actuelle de Victoriaville pour pr\u00e9senter la d\u00e9l\u00e9gation d’artistes japonais dans sa seizi\u00e8me \u00e9dition (20 au 24 mai 1999). Leur d\u00e9nominateur commun \u00e9tait sans contredit l’utilisation de l’\u00e9lectronique jumel\u00e9e \u00e0 une approche quelque peu visionnaire. On pense ici surtout \u00e0 Atau Tanaka, cr\u00e9ateur de musique virtuelle. Mais le Japon n’est pas l’objet de cette \u00e9tude. Il s’agit plut\u00f4t de pr\u00e9senter et de commenter trois modes de cr\u00e9ation utilisant une interface sonore. Il se trouve que deux de ces artistes sont d’origine japonaise, le troisi\u00e8me vit \u00e0 Montr\u00e9al. <\/p>\n\n\n\n

\"\"<\/figure>\n\n\n\n

Atau Tanaka travaille le multim\u00e9dia depuis le d\u00e9but des ann\u00e9es 1980 et son approche actuelle avec le syst\u00e8me BioMuse m\u00e9rite une attention particuli\u00e8re. BioMuse est une interface neuronale interactive, un appareil bio-capteur con\u00e7u par des scientifiques, r\u00e9agissant aux moindres modulations musculaires et \u00e9lectriques produites par le corps (Atau Tanaka, cliquez sur Intro<\/em>puis video clip <\/em>pour voir Atau en action). La musique ne s’\u00e9labore plus \u00e0 l’aide d’un instrument mais <\/strong>\u00e0 partir <\/strong>du mouvement qui transmet des signaux \u00e0 l’ordinateur. Les cr\u00e9ations sonores de Tanaka s’inscrivent plus souvent qu’autrement dans des contextes performatifs (spectacles, festivals et autres \u00e9v\u00e9nements li\u00e9s au multim\u00e9dia ou \u00e0 la musique actuelle o\u00f9 l’artiste se produit en compagnie de diff\u00e9rents musiciens). \u00c0 Victoriaville (Qu\u00e9bec), il \u00e9tait accompagn\u00e9 du compositeur-informaticien Zack Settel et du percussionniste L\u00ea Quan Ninh. L’interchangeabilit\u00e9 des musiciens permet \u00e0 Tanaka de multiplier \u00e0 l’infini les environnements sonores. Le type de cr\u00e9ation engendr\u00e9 par le BioMuse reste toutefois ancr\u00e9 dans le domaine musical et entra\u00eene une \u00e9coute qu’on qualifiera de passive, car l’interactivit\u00e9 s’adresse strictement au musicien. <\/p>\n\n\n\n

Le projet d’Akitsugu Maebayashi, Sonic Interface<\/em>, s’articule diff\u00e9remment car il s’agit d’un dispositif sonore qu’on nous invite \u00e0 exp\u00e9rimenter. Muni d’un casque d’\u00e9coute branch\u00e9 \u00e0 un ordinateur portable qu’il transporte dans un sac \u00e0 dos, l’utilisateur parcourt l’espace, en l’occurrence ici une usine d\u00e9saffect\u00e9e, autrefois vou\u00e9e \u00e0 la fabrication de trains o\u00f9 se tenait la 4e<\/sup>Manifestation Internationale Vid\u00e9o et Art \u00e9lectronique. Une exp\u00e9rience d\u00e9stabilisante quoique un peu br\u00e8ve (environ sept minutes). <\/p>\n\n\n\n

L’oeuvre est constitu\u00e9e de trois programmes successifs qui modifient le son ambiant, incluant la voix, le tout capt\u00e9 par un micro fix\u00e9 au casque d’\u00e9coute. En premier lieu, le son, amplifi\u00e9, est transmis avec un retard d’environ 5 secondes. Ce d\u00e9lai peut sembler court mais il est assez long pour brouiller consid\u00e9rablement notre perception auditive. L’oeuvre cr\u00e9e une scission entre l’oeil et l’oreille qui, g\u00e9n\u00e9ralement, travaillent de mani\u00e8re simultan\u00e9e, produisant un \u00e9tat d’anticipation constante. Par exemple, la vue d’un objet qui tombe suscitera l’attente du bruit qu’il produira quelques secondes plus tard. Devant un interlocuteur, la confusion devient presque insoutenable. Cette premi\u00e8re \u00e9tape nous oblige \u00e0 reconsid\u00e9rer notre rapport au monde et au temps et nous fait prendre conscience, entre autres choses, de l’importance accord\u00e9e \u00e0 la communication dans nos soci\u00e9t\u00e9s actuelles. Le deuxi\u00e8me programme consiste \u00e0 fragmenter les sons environnants en une mosa\u00efque quasi hallucinatoire. Selon l’endroit o\u00f9 on se trouve, cette s\u00e9quence produira des effets tant\u00f4t angoissants, tant\u00f4t ludiques. Finalement, dans la derni\u00e8re partie qui propose une structure sonore bas\u00e9e sur la superposition et la r\u00e9p\u00e9tition, les sons semblent s’\u00e9loigner \u00e0 un point tel qu’il devient difficile de percevoir sa propre voix. <\/p>\n\n\n\n

Dans l’ensemble, malgr\u00e9 sa courte dur\u00e9e, Sonic Interface<\/em> comporte des \u00e9l\u00e9ments interactifs int\u00e9ressants qui d\u00e9bouchent vers une probl\u00e9matique relationnelle entre le corps et l’espace, la vision et l’audition, l’individualit\u00e9 et l’alt\u00e9rit\u00e9. Puisque dans cette oeuvre, l’interactivit\u00e9 s’adresse \u00e0 tous et qu’elle engage le corps et les sens, notamment l’activit\u00e9 auditive, on parlera ici d’\u00e9coute active1<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

Quittons la haute technologie num\u00e9rique pour aborder une troisi\u00e8me oeuvre sonore dont le dispositif, tout aussi interactif que les pr\u00e9c\u00e9dents, s’\u00e9nonce encore une fois bien diff\u00e9remment. Contrairement \u00e0 Tanaka et Maebayashi, qui se d\u00e9finissent comme des compositeurs-musiciens, la d\u00e9marche de l’artiste qu\u00e9b\u00e9cois Jean-Pierre Gauthier, prend ses assises dans le champ des arts plastiques. Le point de d\u00e9part de l’oeuvre Son en vrac<\/em>, cr\u00e9\u00e9e \u00e0 Saint-Jean-Port-Joli (Qu\u00e9bec) dans le cadre de l’\u00e9v\u00e9nement La Cueillette (25 juin au 24 juillet 1999), organis\u00e9 par le Centre de sculpture Est-Nord-Est, est non pas le son mais l’espace. L’artiste choisit d’abord le lieu o\u00f9 prendra forme son projet sonore. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit d’un moulin d\u00e9saffect\u00e9 datant du si\u00e8cle dernier, le moulin de la Rivi\u00e8re des Trois-Saumons. \u00ab\u00a0Ce lieu, raconte l’artiste, envahit par un magnifique d\u00e9sordre o\u00f9 prolif\u00e9rait un bric-\u00e0-brac d’objets recouverts d’une \u00e9paisse couche de poussi\u00e8re, fut pour moi une mine d’or d’objets r\u00e9cup\u00e9rables pour leurs qualit\u00e9s de r\u00e9sonances sonores2<\/sup>.\u00a0\u00bb <\/p>\n\n\n\n

En montant l’escalier qui m\u00e8ne \u00e0 ce <\/strong>lieu sombre et encombr\u00e9 par les traces du pass\u00e9, le visiteur actionne, \u00e0 son insu, le dispositif sonore en passant devant un d\u00e9tecteur de mouvement. Une fois arriv\u00e9 dans l’espace,<\/strong> il d\u00e9couvre progressivement que les sons, apparaissant furtivement et de fa\u00e7on impr\u00e9visible, proviennent de petits appareils dissimul\u00e9s dans les recoins ou camoufl\u00e9s au travers des objets tous plus incongrus les uns que les autres. Il s’agit en fait de minuscules moteurs qui percutent des \u00e9l\u00e9ments (baguettes de bois, tiges de m\u00e9tal, etc.) sur des surfaces comportant diverses textures (bois, verre, m\u00e9tal, etc.) ou encore qui soufflent de l’air dans des mati\u00e8res liquides \u00e0 l’aide de tuyaux mous. <\/p>\n\n\n\n

Les bruits sont en fait contr\u00f4l\u00e9s par une interface, elle-m\u00eame cach\u00e9e parmi les d\u00e9bris, soit une vieille t\u00e9l\u00e9 dont l’\u00e9cran est muni de capteurs d’intensit\u00e9s lumineuses. L’information provenant du flux lumineux est ensuite transmise \u00e0 trois s\u00e9quenceurs \u00e9lectroniques qui \u00e0 leur tour envoient des signaux \u00e0 pr\u00e8s de vingt petits moteurs g\u00e9n\u00e9rant en tout vingt-deux sons diff\u00e9rents. Il en r\u00e9sulte un concert de sons dont l’effet est \u00e9tonnamment coh\u00e9rent et surtout tr\u00e8s ludique, tout en redonnant une vie sonore \u00e0 ce lieu depuis longtemps inanim\u00e9. Dans cette installation sonore, l’espace joue un r\u00f4le important car le sujet, impliqu\u00e9 dans une \u00e9coute active, se d\u00e9place constamment \u00e0 la recherche des sons cach\u00e9s. <\/p>\n\n\n\n

Ces quelques observations sur trois interfaces sonores tentent de d\u00e9montrer comment la dimension sonore, lorsqu’elle nous met dans un \u00e9tat d’\u00e9coute active et interactive, peut modifier notre perception du temps et de l’espace. Les oeuvres sonores cr\u00e9\u00e9es pour le Web, bien que la plupart du temps interactives, restent, \u00e0 mon avis, ancr\u00e9es dans une dynamique temporelle faisant appel uniquement \u00e0 l’activit\u00e9 c\u00e9r\u00e9brale. Elle auront peut-\u00eatre pour d\u00e9fi dans l’avenir de simuler l’espace ou de trouver d’autres fa\u00e7ons de solliciter l’oreille.<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Pour en savoir davantage sur Akitsugu Maebayashi : profil de l’artiste, en anglais – Akitsugu Maebayashi, site japonais comprenant l’ensemble de son oeuvre.<\/p>\n\n\n\n

[2] Texte tir\u00e9 d’un feuillet distribu\u00e9 aux visiteurs.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Electronic Japan Now est l’expression utilis\u00e9e par l’organisme Champ Libre pour annoncer le projet de l’artiste japonais Akitsugu Maebayashi, Sonic Interface, lors de la 4e Manifestation Internationale Vid\u00e9o et Art \u00e9lectronique, qui s’est tenue \u00e0 Montr\u00e9al du 20 au 26 septembre 1999. Une expression qu’aurait tout aussi bien pu utiliser le Festival international de musique actuelle de Victoriaville … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[9],"tags":[261],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/4303"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=4303"}],"version-history":[{"count":3,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/4303\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":4396,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/4303\/revisions\/4396"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=4303"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=4303"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=4303"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}