{"id":4348,"date":"1999-06-01T23:00:44","date_gmt":"1999-06-01T23:00:44","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=4348"},"modified":"2023-03-07T23:00:54","modified_gmt":"2023-03-07T23:00:54","slug":"juin-1999-de-la-comtemplation-a-limmersion-une-theorie-de-lecran-proposee-par-raphael-lellouche","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/juin-1999-de-la-comtemplation-a-limmersion-une-theorie-de-lecran-proposee-par-raphael-lellouche\/","title":{"rendered":"Juin 1999 – De la comtemplation \u00e0 l’immersion : Une \u00ab\u00a0th\u00e9orie de l’\u00e9cran\u00a0\u00bb propos\u00e9e par Rapha\u00ebl Lellouche"},"content":{"rendered":"\n
Beaucoup de gens int\u00e9ress\u00e9s par l’art contemporain sont r\u00e9fractaires aux oeuvres diffus\u00e9es sur le Web du seul fait qu’elles doivent \u00eatre visualis\u00e9es \u00e0 l’\u00e9cran. Cette contrainte est la premi\u00e8re parmi d’autres, si on admet que les pratiques du cyberespace bouleversent de mani\u00e8re profonde notre relation avec l’art. Elle r\u00e9v\u00e8le avant tout que c’est au niveau des conditions techniques de perception que s’op\u00e8rent les changements d’habitudes. En effet, exp\u00e9rimenter une oeuvre sur la Toile, c’est se retrouver encore devant un \u00e9cran et non en pr\u00e9sence d’objets tangibles. On doit constater qu’\u00e0 l’\u00e8re des communications, nous sommes envahis par des \u00e9crans de toutes sortes qui impr\u00e8gnent de leur lumi\u00e8re le champ tr\u00e8s vaste de nos activit\u00e9s, qu’elles soient domestiques, professionnels, sociales, de divertissement, etc. Et l’employ\u00e9, l’\u00e9tudiant, l’artiste qui vient de passer quelques heures \u00e0 travailler \u00e0 l’ordinateur en a-t-il encore d’autres \u00e0 consacrer \u00e0 l’art en ligne? Ou pr\u00e9f\u00e8re-t-il se retrouver devant l’\u00e9cran de la t\u00e9l\u00e9? Quoi qu’il en soit, nous regardons de plus en plus le monde \u00e0 travers une vitre, la fen\u00eatre ouverte sur les d\u00e9cors de l’audiovisuel ou sur les environnements hyperm\u00e9diatiques. Nous vivons et vivrons incontestablement dans une civilisation de l’\u00e9cran, un ph\u00e9nom\u00e8ne maintenant indissociable du cybertravail et de la cyberculture. Et dire la nouveaut\u00e9 de cet univers consiste \u00e0 le situer par rapport \u00e0 la culture de la reproduction m\u00e9canique afin de marquer le passage de la surface imprim\u00e9e \u00e0 la surface \u00e9cran. <\/p>\n\n\n\n
Par ailleurs, pour comprendre pourquoi le travail de certains artistes doit se pr\u00e9senter sous forme de pixels de lumi\u00e8re, on peut se poser la simple question \u00ab\u00a0Mais qu’est-ce qu’un \u00e9cran, apr\u00e8s tout?\u00a0\u00bb comme le fait Rapha\u00ebl Lellouche dans son article portant sur la \u00ab\u00a0Th\u00e9orie de l’\u00e9cran\u00a0\u00bb (paru dans la revue en ligne\u00a0Traverses<\/em>\u00a0(no 2), publi\u00e9e par le Centre national d’art et culture Georges Pompidou). M\u00eame si l’article ne concerne pas sp\u00e9cifiquement la pratique artistique, des rapprochements sont possibles dans la mesure o\u00f9 l’auteur analyse de mani\u00e8re syst\u00e9matique notre rapport aux surfaces bidimensionnelles, qu’il s’agisse de supports physiques ou d’environnements simul\u00e9s. La r\u00e9ponse \u00e0 la question est simple: l’\u00e9cran est bien une surface. Les choses deviennent toutefois plus complexe si on tient compte du statut ambigu de l’\u00e9cran par rapport aux supports traditionnels.<\/p>\n\n\n\n Nous nous int\u00e9resserons plus pr\u00e9cis\u00e9ment \u00e0 cette filiation dress\u00e9e par Lellouche, qui va du \u00ab\u00a0support fixe d’inscription\u00a0\u00bb \u00e0 l'\u00a0\u00bb\u00e9cran amn\u00e9sique\u00a0\u00bb, en passant par l'\u00a0\u00bbaffichage de l’\u00e9tat-machine\u00a0\u00bb, trois moment d’une g\u00e9n\u00e9alogie qui nous conduit \u00e0 un mode in\u00e9dit de traitement de l’information. <\/p>\n\n\n\n Depuis la pr\u00e9histoire, l’\u00eatre humain a d\u00e9velopp\u00e9 des techniques permettant d’objectiver la m\u00e9moire humaine sur des supports physiques. Dans toute leur vari\u00e9t\u00e9 ces supports enregistrent le texte et l’image permettant ainsi la conservation et la lecture en diff\u00e9r\u00e9 des messages. Et si l’information devient ind\u00e9pendante de l’\u00e9nonciateur, il importe de souligner qu’elle est, par contre, fix\u00e9e, c’est-\u00e0-dire localis\u00e9e physiquement<\/em>, ce qui n’est pas le cas de l’\u00e9cran dit \u00ab\u00a0amn\u00e9sique\u00a0\u00bb, bien que ce dernier proc\u00e8de, en premier lieu, de cette logique de l’enregistrement et de la lecture. <\/p>\n\n\n\n L’auteur d\u00e9crit ensuite un second type de surface que l’on retrouve, entre autres, dans les dispositifs signal\u00e9tiques des technologies m\u00e9caniques. Au principe d’enregistrement s’ajoute ici celui de l’affichage. Les cadrans des tableaux de bord, par exemple, nous renseignent de mani\u00e8re indicielle sur l’\u00e9tat interne des machines. De plus, ce mode de visualisation implique souvent des op\u00e9rations de la part d’un utilisateur cr\u00e9ant de la sorte une relation dynamique entre la lecture et la manipulation tactile (manipulation de boutons de contr\u00f4le par exemple). Qu’il s’agisse d’instruments de mesure coupl\u00e9s \u00e0 des syst\u00e8mes de commande ou du simple thermom\u00e8tre, la fonction d’affichage caract\u00e9rise une diversit\u00e9 technologique qui varient en complexit\u00e9. Par ailleurs, ces surfaces signal\u00e9tiques impliquent autant l’affichage analogique que digital. <\/p>\n\n\n\n En tant que surface d’inscription et de visualisation, l’\u00e9cran suppose une troisi\u00e8me logique qui est celle de l’interface <\/em>\u00ab\u00a0c’est-\u00e0-dire une surface permettant d’acc\u00e9der \u00e0 quelque chose qui ne se trouve \u00e0 proprement parler ni sur cette surface, ni dans cette machine.\u00a0\u00bb L’affirmation peut para\u00eetre \u00e9trange si on la prend au premier degr\u00e9. Car il est maintenant question des machines de communication (r\u00e9seaux de t\u00e9l\u00e9vision et r\u00e9seaux informatiques) qui ont int\u00e9gr\u00e9, en les transcendant, les technologies d’enregistrement et d’affichage. En ce sens, l’information visible \u00e0 l’\u00e9cran est ind\u00e9pendante des supports mat\u00e9riels et, d’une certaine fa\u00e7on, de la machine par laquelle elle est affich\u00e9e. L’\u00e9cran de l’ordinateur et de t\u00e9l\u00e9vision fait plus qu’afficher l’\u00e9tat-interne d’une machine, il re\u00e7oit de l’ext\u00e9rieur un message qui n’est plus prisonnier d’un support physique, une information qui est donc d\u00e9localis\u00e9e<\/em>: \u00ab\u00a0Le message, nous dit Rapha\u00ebl Lellouche, n’adh\u00e8re plus \u00e0 son support. C’est l\u00e0 le principe de l’\u00e9cran: il est interchangeable, substituable \u00e0 un autre pour l’information qu’il affiche.\u00a0\u00bb \u00c9tant lib\u00e9r\u00e9 du support le message se communique de mani\u00e8re fluide, il voyage et s’affiche sur une surface devenue universelle. Tel est le moment essentiel de cette arch\u00e9ologie de l’\u00e9cran: si, en se fixant (en se localisant) l’\u00e9criture et l’image devenait ind\u00e9pendante de l’\u00e9nonciateur, un fois d\u00e9mat\u00e9rialis\u00e9 (d\u00e9localis\u00e9 par l’\u00e9lectronique), celles-ci deviennent, en plus, ind\u00e9pendantes des supports et indiff\u00e9rente aux machines qui permettent son affichage. L’\u00e9cran est vraiment devenu un \u00ab\u00a0surface-milieu amn\u00e9sique\u00a0\u00bb, une membrane interm\u00e9diaire, une interface! <\/p>\n\n\n\n Suite \u00e0 ces consid\u00e9rations g\u00e9n\u00e9rales, l’auteur approfondit cette logique stratifi\u00e9e de l’\u00e9cran en relevant diff\u00e9rents facteurs qui d\u00e9terminent cette culture naissante de l’\u00e9cran. Les \u00ab\u00a0fondements de la logique de l’\u00e9cran\u00a0\u00bb renvoient, entre autres, \u00e0 l’hyperm\u00e9dia, \u00e0 l’aspect int\u00e9grateur de la mise en r\u00e9seau et \u00e0 la simulation. Tout \u00e7a dans \u00ab\u00a0le contexte de la t\u00e9l\u00e9-exp\u00e9rience du monde\u00a0\u00bb. Lellouche dresse aussi une typologie des \u00e9crans articul\u00e9e sur deux p\u00f4les, celui de la t\u00e9l\u00e9vision et de l’ordinateur, \u00e0 partir de laquelle il sera possible d’anticiper l’universalisation et la fusion des m\u00e9dias. Dans le contexte d’une guerre des \u00e9crans, la machine intelligente, caract\u00e9ris\u00e9e par la souplesse de la simulation et l’universalit\u00e9 de son langage, poss\u00e8de une longueur d’avance: \u00ab\u00a0La force de l’ordinateur est son fonctionnement digital, le num\u00e9rique \u00e9tant la base de r\u00e9duction commune de langages autrefois prisonniers de leur configurations physiques sp\u00e9cifiques: l’image, le son, l’\u00e9criture, etc.\u00a0\u00bb<\/p>\n\n\n\n Apr\u00e8s avoir analys\u00e9 et d\u00e9fini les conditions qui rendent possible la g\u00e9n\u00e9ralisation des \u00e9crans, il est finalement possible d’envisager l’hypoth\u00e8se de leur disparition. Car \u00ab\u00a0l’av\u00e8nement de la r\u00e9alit\u00e9 virtuelle marque une coupure\u00a0\u00bb correspondant au passage des interfaces de visualisation vers l’absence de barri\u00e8re (l’abolition des \u00e9crans), nous plongeant alors directement dans un environnement tridimensionnel simul\u00e9. Sans le pr\u00e9ciser, l’auteur \u00e9voque sans doute les technologies, comme les casques de visualisation, o\u00f9 l’interfa\u00e7age co\u00efncide avec les organes humains de perception. <\/p>\n\n\n\n Ajoutons, pour terminer, que l’art contemporain est peut-\u00eatre, dans sa crise profonde, en train de vivre cette coupure entre un rapport contemplatif des surfaces et une relation active avec des objets virtuels menant \u00e0 divers degr\u00e9s d’immersion. Les oeuvres interactives en r\u00e9seau, par exemple, font partie d’un nouveau paradigme quant \u00e0 l’exp\u00e9rimentation des objets d’art. Une nouvelle relation dynamique et int\u00e9grante s’est maintenant \u00e9tablie, puisque les oeuvres visualis\u00e9es \u00e0 l’\u00e9cran n\u00e9cessitent maintenant les interventions en temps r\u00e9el de l’utilisateur. Oui, nous sommes encore devant un \u00e9cran, mais en m\u00eame temps, nous sommes aussi de l’autre c\u00f4t\u00e9<\/em> gr\u00e2ce \u00e0 la virtualisation du geste. <\/p>\n\n\n\n Les amateurs d’art qui r\u00e9sistent courageusement \u00e0 la dictature des \u00e9crans et \u00e0 l’avanc\u00e9e du cyberart, pourront patienter jusqu’\u00e0 cette r\u00e9volution qui se dessine \u00e0 l’horizon de la r\u00e9alit\u00e9 virtuelle: l’abolition g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e des interfaces. Ceux qui, entre temps, acceptent de jouer le jeu doivent apprendre \u00e0 g\u00e9rer leur pr\u00e9sence \u00e0 l’ordinateur. D’une certaine fa\u00e7on, ce sont dor\u00e9navant eux qui s’exposent et non plus les oeuvres puisqu’elles sont maintenant d\u00e9localis\u00e9es.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" La civilisation de l’\u00e9cran Beaucoup de gens int\u00e9ress\u00e9s par l’art contemporain sont r\u00e9fractaires aux oeuvres diffus\u00e9es sur le Web du seul fait qu’elles doivent \u00eatre visualis\u00e9es \u00e0 l’\u00e9cran. Cette contrainte est la premi\u00e8re parmi d’autres, si on admet que les pratiques du cyberespace bouleversent de mani\u00e8re profonde notre relation avec l’art. 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La coupure<\/h2>\n\n\n\n