{"id":4406,"date":"1999-03-01T23:39:53","date_gmt":"1999-03-01T23:39:53","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=4406"},"modified":"2023-03-07T23:40:01","modified_gmt":"2023-03-07T23:40:01","slug":"mars-1999-lintegron-et-la-cyberculture","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/mars-1999-lintegron-et-la-cyberculture\/","title":{"rendered":"Mars 1999 – L’int\u00e9gron et la cyberculture"},"content":{"rendered":"\n
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C’est en ces termes que Pierre L\u00e9vy termine son livre-synth\u00e8se sur la cyberculture. Il s’agit en fait d’un rapport pr\u00e9sent\u00e9 au Conseil de l’Europe dans le cadre du projet \u00ab\u00a0Nouvelles technologies: coop\u00e9ration culturelle et communication\u00a0\u00bb. En plus de faire montre d’une concision \u00e9clair\u00e9e en ce qui a trait aux perspectives engag\u00e9es par les NTIC, Pierre L\u00e9vy formule l’hypoth\u00e8se que \u00ab\u00a0la mont\u00e9e d’un nouvel universel<\/strong>\u00a0\u00bb est le v\u00e9ritable enjeu de la cyberculture, un universel \u00ab\u00a0diff\u00e9rent des formes culturelles qui l’ont pr\u00e9c\u00e9d\u00e9 en ce qu’il se construit sur l’ind\u00e9termination d’un quelconque sens global\u00a0\u00bb (Ibid<\/em>, p. 14). Une id\u00e9e qui refl\u00e8te la synchronie cyberspatiale des \u00e9changes dans laquelle la transmission mondiale (universelle) n’est soumise \u00e0 aucune id\u00e9ologie totalitaire, une id\u00e9e r\u00e9sum\u00e9e par le quasi slogan: \u00ab\u00a0L’universel sans totalit\u00e9\u00a0\u00bb. Loin, toutefois, d’\u00eatre un appel p\u00e9remptoire \u00e0 la mobilisation cyberculturelle, cette pens\u00e9e s’inscrit plut\u00f4t dans les r\u00e9flexions entam\u00e9es par les McLuhan, de Kerckhove, Couchot et autres penseurs des effets technologiques affectant la condition humaine, que ce soit \u00e0 travers la technesth\u00e9sie (les effets sensibles produits par les technologies) ou les structures sociales de la communication. <\/p>\n\n\n\n

Dans le champ sp\u00e9cifique de l’histoire de l’art, Walter Benjamin et Abraham Moles, entre autres, ont aussi anticip\u00e9 une pens\u00e9e technologique appliqu\u00e9e \u00e0 l’esth\u00e9tique. Le premier interrogeant l’impact et la valeur de la reproductibilit\u00e9, dont le fameux \u00ab\u00a0aura\u00a0\u00bb qui se perd dans le multiple, alors que le deuxi\u00e8me s’int\u00e9ressera, dans une perspective plus contemporaine, au spectateur en tant qu’acteur. L’un et l’autre ont ceci en commun qu’ils regrettent le temps de la vivacit\u00e9 humaine, de l’\u00e9v\u00e9nement \u00e9manent, qui auraient pour qualit\u00e9 de pourfendre la morosit\u00e9 sans \u00e2me de l’uniformisation industrielle. Alors que Benjamin constate la perte de l’aura constitutif \u00e0 l’objet \u00ab\u00a0fait main\u00a0\u00bb authentique, Moles con\u00e7oit le spectateur actif comme l’antidote \u00e0 cette m\u00eame perte.<\/p>\n\n\n\n

Rappelons ici ce passage tir\u00e9 de la\u00a0Th\u00e9orie des actes: vers une \u00e9cologie des actions\u00a0<\/em>de Moles et Rhomer, dans laquelle est amen\u00e9e la notion d’incertitude dans les processus:<\/p>\n\n\n\n

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Cette quantit\u00e9 d’incertitude correspond aux variations dans l’exp\u00e9rience esth\u00e9tique apport\u00e9es par l’action des intervenants. Cette incertitude est aussi le propre du cyberespace et de l’interactivit\u00e9. Une notion d’incertitude soutenue et aliment\u00e9e par la synchronie cyberspatiale des informations et des \u00e9changes. Dans cette grouillante sph\u00e8re communicationnelle, la seule certitude repose sur le contexte actuel de l’\u00e9change, impossible d’y percevoir une totalit\u00e9 comme un objet stable ou sur lequel il serait possible de se r\u00e9f\u00e9rer.<\/p>\n\n\n\n

Depuis l’av\u00e8nement de la photographie, une pens\u00e9e technologique chemine et la cyberculture, dans cette perspective, marque un point de non-retour.\u00a0Un mouvement \u00e9pist\u00e9mologique cependant peu remarqu\u00e9 par les historiens de l’art<\/strong>. En effet, pour plusieurs la technologie est un passage oblig\u00e9 vaguement associ\u00e9 \u00e0 l’industrialisation et aux entrelacs machiniques. On y fait r\u00e9f\u00e9rence sans y accoler un v\u00e9ritable ancrage dans la continuit\u00e9. Cette attitude correspond malheureusement \u00e0 un dualisme trop longuement entretenu \u00e0 la faveur de la dissociation du corps et de l’esprit, un mod\u00e8le dont on retrouve de multiples clones \u00e0 diff\u00e9rents niveaux. Cette dissociation n’a pas manqu\u00e9 d’\u00eatre appliqu\u00e9e aux arts technologiques comme le souligne Louise Poissant: \u00ab\u00a0[\u2026]\u00a0notre vieux fond dualiste refait vite surface en mati\u00e8re d’art technologique<\/strong>. On associe l’ordinateur \u00e0 un cerveau et l’art qui en d\u00e9coule \u00e0 des productions d\u00e9pourvues de sensibilit\u00e9.\u00a0\u00bb (Louise Poissant, Arch\u00e9e, d\u00e9cembre 1998).<\/p>\n\n\n\n

L’aspect horizontal (non hi\u00e9rarchique) des \u00e9changes dans le cyberespace permet justement de contrer ce clivage entre la sensibilit\u00e9 et la machine, entre le corps et l’esprit.\u00a0The Unreliable Archivist<\/em>\u00a0des artistes Janet Cohen, Keith Frank et Jon Ippolito propose une avenue fort int\u00e9ressante dans cette direction. Non seulement parce qu’il s’agit d’une oeuvre d\u00e9di\u00e9e a priori au Web, cr\u00e9\u00e9e dans un esprit participatif, mais aussi parce que son mat\u00e9riau repose enti\u00e8rement sur les archives de ce site pionnier qu’est\u00a0ad\u00e4’web<\/em>. Nous nageons ici en plein cyberespace et en pleine cyberculture, un projet Web enti\u00e8rement nourri par la virtualit\u00e9. La\u00a09 Gallery<\/em>\u00a0du\u00a0Walker Art Center, dirig\u00e9e par Steve Dietz (voir\u00a0le profil de S. Dietz\u00a0sur Arch\u00e9e), est l’initiatrice de ce projet.<\/p>\n\n\n\n

\u00e4da’web<\/em>, pour sa part, est consid\u00e9r\u00e9 comme un des premiers sites dont le mandat visait \u00e0 favoriser la communication entre les artistes contemporains et le monde en ligne. Le trio Cohen, Frank et Ippolito est, d’autre part, consid\u00e9r\u00e9 comme une r\u00e9f\u00e9rence en mati\u00e8re d’exp\u00e9rimentations \u00e0 partir des ressources interactives du Web. Il allait donc de soi qu’\u00e0 titre inaugural, suite \u00e0 l’acquisition par le Walker Art Centre de la totalit\u00e9 des archives d’\u00e4da’web<\/em>\u00a0(\u00e4da’web\u00a0sur Arch\u00e9e), que Steve Dietz propose \u00e0 ce trio de cr\u00e9er une oeuvre ayant comme mat\u00e9riau les archives elles-m\u00eames,\u00a0The unreliable Archivist<\/em>.<\/p>\n\n\n\n

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