{"id":4427,"date":"1999-01-01T00:16:24","date_gmt":"1999-01-01T00:16:24","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=4427"},"modified":"2023-03-14T18:40:06","modified_gmt":"2023-03-14T18:40:06","slug":"janvier-1999-lhypermedia-une-tactilite-sans-matiere-i","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/janvier-1999-lhypermedia-une-tactilite-sans-matiere-i\/","title":{"rendered":"Janvier 1999 – L’hyperm\u00e9dia: une tactilit\u00e9 sans mati\u00e8re?\u00a0I"},"content":{"rendered":"\n

L’interactivit\u00e9 d’un point de vue physique et mat\u00e9riel<\/h2>\n\n\n\n

Dans un texte paru dans le num\u00e9ro 7 de la revue\u00a0Synesth\u00e9sie<\/a>\u00a0qui porte sur la\u00a0Transsensorialit\u00e9s<\/em>, Louise Poissant soul\u00e8ve la question des sens dans le champ virtuel du cyberespace. Selon un reproche que l’on entend souvent \u00e0 propos des technologies de l’hyperm\u00e9dia, elle souligne qu’ \u00ab\u00a0il est vrai que, pour l’heure, le cyberespace est essentiellement affaire d’oeil. Les sens de la proximit\u00e9, le toucher et l’odorat, ne sont que tr\u00e8s allusivement sollicit\u00e9s en t\u00e9l\u00e9pr\u00e9sence.\u00a0\u00bb On a, en fait, tous tendance \u00e0 croire que la pauvret\u00e9 au niveau sensoriel caract\u00e9riserait ces documents que l’on visualise sur cette surface de verre qu’est l’\u00e9cran de l’ordinateur. La perte concernerait surtout le sens du toucher, priv\u00e9 que l’on serait d’un contact avec des corps ou de la mati\u00e8re, et ce, au profit d’une perception purement optique, lisse et l\u00e9ch\u00e9e. Par contre, tout le monde appr\u00e9cie le fait que les textes et les m\u00e9dias soient devenus \u00ab\u00a0hyper\u00a0\u00bb, permettant ce nouveau mode de consultation qu’est l’interactivit\u00e9. Cependant, il serait peut-\u00eatre int\u00e9ressant d’\u00e9tablir une relation entre cette id\u00e9e d’interaction et nos habitudes de perception tactiles et visuelles. En effet, ces habitudes ont peut-\u00eatre \u00e9t\u00e9 modifi\u00e9es, ou vont \u00eatre modifi\u00e9es par les technologies num\u00e9riques, engendrant du m\u00eame coup une nouvelle sensorialit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

D’abord, l’interactivit\u00e9 est une notion assez vaste qu’il faut tenter de cerner. Pour mieux s’orienter, on peut se r\u00e9f\u00e9rer au compte rendu de Pierre Robert concernant la question soulev\u00e9e par Nathan Shedroff intitul\u00e9e \u00ab\u00a0What is Interactivity anyway?\u00a0\u00bb (article compl\u00e9mentaire ci-contre). Avec un certain scepticisme, l’auteur questionne la pr\u00e9tendue interactivit\u00e9 des nouveaux m\u00e9dias en la situant dans un ensemble plus vaste d’activit\u00e9s humaines. Il classe ces derni\u00e8res en fonction d’un spectre qui va du passif \u00e0 l’interactif: entre autres comparaisons, un repas entre amis est plus interactif que le fait de regarder la t\u00e9l\u00e9vision. Ce simple exemple sugg\u00e8re que le passif et l’actif d\u00e9pendent d’une mani\u00e8re d’\u00eatre pr\u00e9sent \u00e0 ce qui nous entoure, une pr\u00e9sence qui implique notre relation avec des objets et des sujets physiques. Le passif et l’actif sous-entendent peut-\u00eatre aussi cette incontournable notion de lin\u00e9arit\u00e9, notion qui renvoie \u00e0 des consid\u00e9rations sur le temps et l’espace. \u00c0 ce titre, participer \u00e0 une bagarre serait plus interactif que le fait de regarder un coucher de soleil. Cela dit, essayons dans un premier temps de comprendre plus sp\u00e9cifiquement nos rapports avec des contenus de nature plus symboliques, pour nous diriger dans un deuxi\u00e8me temps vers une r\u00e9flexion tr\u00e8s pragmatique sur le multim\u00e9dia.<\/p>\n\n\n\n

On peut affirmer d’embl\u00e9e que l’interactivit\u00e9 est li\u00e9e \u00e0 un choix, une libre d\u00e9cision. La nature et la conception d’un document interactif est fond\u00e9e sur cette r\u00e9ponse, cette participation d’un \u00ab\u00a0utilisateur\u00a0\u00bb. Les interventions de ce dernier peuvent, \u00e0 la limite, modifier \u00e0 divers degr\u00e9s le document lui-m\u00eame. L’interactivit\u00e9 suppose donc un acte volontaire (une notion immense), qui peut, entre autres, se manifester dans le seul fait de regarder. Cependant, l’interactivit\u00e9 implique peut-\u00eatre aussi l’acte qui consiste \u00e0 \u00ab\u00a0entrer en contact avec quelqu’un ou quelque chose en \u00e9prouvant les sensations du toucher1<\/sup>\u00ab\u00a0. En tant qu’exp\u00e9rience globale et plurielle le tactile aurait alors le corps comme organe de perception, particuli\u00e8rement la peau, avec des zones plus sensibles comme par exemple, le bout des doigts. Si l’interactivit\u00e9 peut \u00eatre repr\u00e9sent\u00e9e sur un spectre allant du passif \u00e0 l’actif on peut tenter de classer les m\u00e9dias sur une gamme, o\u00f9 les degr\u00e9s d’interactivit\u00e9 co\u00efncideraient avec ceux de la tactilit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Dans cette optique, on aurait d’abord des contenus dont la pr\u00e9sentation ne demanderait rien d’autre que la passivit\u00e9, dans laquelle tout geste serait per\u00e7u de mani\u00e8re n\u00e9gative. Pensons aux m\u00e9dias de masse par rapport auxquels nous devons id\u00e9alement nous comporter comme de simples spectateurs<\/em>. Ouvrir la t\u00e9l\u00e9vision est bien un choix qui nous appartient, mais pour le reste, on pr\u00e9f\u00e8re d\u00e9cider pour nous: \u00ab\u00a0revenez-nous apr\u00e8s la pause\u00a0\u00bb, nous r\u00e9p\u00e8te-t-on souvent. Ainsi, la libert\u00e9 de choisir son programme est aussi mal vue que le zapping et le balayage, car ils sont consid\u00e9r\u00e9s comme de vraies calamit\u00e9s, autant par les producteurs d’\u00e9missions de t\u00e9l\u00e9vision et de radio que par leurs commanditaires. Enfin, le geste d’\u00e9teindre est aussi difficile pour le spectateur hypnotis\u00e9 que fatal pour le diffuseur hypnotiseur. Il est donc clair qu’en bas<\/em> de la gamme, le contr\u00f4le de l’information ne peut \u00eatre partag\u00e9 et que celle-ci se transmet sur le mode radical de la domination et de l’asservissement. Et la commande (contr\u00f4le!) \u00e0 distance n’est pas vraiment con\u00e7ue pour nous faire bouger plus que n\u00e9cessaire.<\/p>\n\n\n\n

Cet abandon, auquel on se pr\u00eate (souvent volontiers) devant le petit \u00e9cran, vaut aussi pour la salle de cin\u00e9ma bien que s’y ajoutent l’effort du d\u00e9placement et la s\u00e9lection d’un film. Sauf qu’une fois dans la salle de projection, on a d’autre option que de dormir ou sortir si on veut… r\u00e9agir; des choix qui d\u00e9rangent autant le r\u00e9alisateur que les autres spectateurs. Bref, ne doit-on pas tout simplement s’oublier dans la noirceur d’une salle de cin\u00e9ma?<\/p>\n\n\n\n

Par ailleurs, on fait un saut qualitatif quand on a acc\u00e8s aux supports sur lesquels les contenus sont enregistr\u00e9s. On place dans nos lecteurs des bandes audio et vid\u00e9o achet\u00e9es ou lou\u00e9es; un acte de consommation qui suppose consultations, recherches et d\u00e9placements. Et lorsque la lecture n’est plus lin\u00e9aire, gr\u00e2ce aux supports num\u00e9riques (CD et DVD), le saut est encore plus significatif. Du bout des doigts… on peut trouver et donc choisir plus ais\u00e9ment des passages sur un disque laser que sur une bande.<\/p>\n\n\n\n

En ce qui concerne les documents imprim\u00e9s (livres, revues, journaux), le contr\u00f4le s’\u00e9quilibre un peu plus entre ceux qui \u00e9mettent et ceux qui re\u00e7oivent, dans la mesure o\u00f9 l’on s’\u00e9loigne quelque peu la passivit\u00e9 des m\u00e9dias de masse. L\u00e0 aussi on a le support en main, sauf que la machine n’est plus n\u00e9cessaire. La lecture se fait par notre propre manipulation. Ce contact est on ne peut plus physique et mat\u00e9riel: on tourne des pages en plus d’appr\u00e9cier poids, souplesse, qualit\u00e9 des surfaces et odeurs d’encres. La consultation est donc assez flexible puisque je peux visualiser, selon mes choix, des surfaces de textes et d’images, surfaces ou pages, relativement ind\u00e9pendantes les unes des autres. C’est l\u00e0 d’ailleurs que r\u00e9side toute la r\u00e9volution du livre lorsque, du rouleau de papyrus de l’Antiquit\u00e9, on passe, au d\u00e9but du moyen \u00e2ge, au codex, soit un assemblage de cahiers faits de feuilles de parchemin pli\u00e9es – un support qui, comparativement au papyrus, se plie sans se d\u00e9chirer, rendant ainsi l’invention du livre possible.<\/p>\n\n\n\n

Illustrations, lettrines, alin\u00e9as, gros titres des livres, revues et journaux sont autant de points de rep\u00e8res visuels qui autorisent une consultation qui n’est pas n\u00e9cessairement celle qui a \u00e9t\u00e9 dict\u00e9e par le ou les auteurs ou r\u00e9dacteurs. La lecture est donc une activit\u00e9 plus active que passive puisque notre capacit\u00e9 \u00e0 manipuler l’objet permet de briser un encha\u00eenement textuel d\u00e9termin\u00e9 \u00e0 l’avance. Car les documents imprim\u00e9s (sauf les livres de r\u00e9f\u00e9rences dont le contenu est class\u00e9 par ordre alphab\u00e9tique) ne sont-ils pas con\u00e7us sur un mode lin\u00e9aire du seul fait que les pages soient reli\u00e9es? Et les structures temporelles du genre r\u00e9cit, chronologie, biographies, sans parler de la simple pagination, ne sont-elle pas possible sans la reliure? Cependant, en comparant d’un point de vue tr\u00e8s mat\u00e9riel l’imprim\u00e9 aux m\u00e9dias de masse, on se rend compte qu’une relation plus active et moins lin\u00e9aire avec les contenus d\u00e9pend d’un possible rapport tactile avec les objets mat\u00e9riels. <\/p>\n\n\n\n

Autre comparaison possible entre le principe de la bande enroul\u00e9e et celui de la reliure, c’est que ce dernier se d\u00e9ploie beaucoup plus facilement dans l’espace. On parle ici d’un espace b\u00eatement g\u00e9om\u00e9trique qui met en rapport des plans (des pages) et un volume (un livre ouvert), et dont la configuration peut \u00e9voquer autant l’\u00e9ventail que le carrousel. Et, de ce point de vue, le cahier, qu’il soit simplement pli\u00e9 (journaux) ou reli\u00e9 (livres et magazines), est s\u00fbrement plus interactif que le rouleau de papyrus ou la cassette vid\u00e9o.<\/p>\n\n\n\n

Il devient \u00e9vident maintenant que le tactile est plus pr\u00e8s de l’espace que du temps, et que le partage du contr\u00f4le sur les contenus, est relatif \u00e0 la fa\u00e7on d’\u00eatre physiquement pr\u00e9sent aux diff\u00e9rents m\u00e9dias. Mais le probl\u00e8me avec les hyperm\u00e9dias n’est-il pas li\u00e9 \u00e0 la perte du support? Comment expliquer alors ce gain d’interactivit\u00e9 puisqu’il y a d\u00e9ficit du point de vue de la mat\u00e9rialit\u00e9 des corps. Dans un prochain article on reprendra la question qui devra \u00eatre abord\u00e9e par le biais de la virtualit\u00e9. On se demandera en fait si le toucher est toujours, avec les nouveaux m\u00e9dias, une ouverture vers l’interactivit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Note<\/h2>\n\n\n\n

[1] D\u00e9finition du Petit Robert<\/em> du verbe toucher.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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