{"id":4469,"date":"1998-12-01T20:53:50","date_gmt":"1998-12-01T20:53:50","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=4469"},"modified":"2023-03-14T18:37:52","modified_gmt":"2023-03-14T18:37:52","slug":"decembre-1998-louise-poissant-groupe-de-recherche-en-arts-mediatiques","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-1998-louise-poissant-groupe-de-recherche-en-arts-mediatiques\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 1998 – Louise Poissant (Groupe de recherche en arts m\u00e9diatiques)"},"content":{"rendered":"\n
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Louise Poissant dirige depuis ses d\u00e9buts (1989) le Groupe de recherche en arts m\u00e9diatiques (GRAM). Elle a aussi dirig\u00e9 la publication de deux tomes sur l’Esth\u00e9tique des arts m\u00e9diatiques<\/em>. Le premier pr\u00e9sente les r\u00e9flexions et les pens\u00e9es de 26 artistes et th\u00e9oriciens de l’art dont Edmond Couchot, Roy Ascott, Derrick De Kerckhove, Fred Forest, Paul Virilio, Monique Brunet-Weinmann. Le deuxi\u00e8me tome pointe sur les caract\u00e9ristiques des pratiques artistiques \u00e9lectroniques et num\u00e9riques. On y retrouve Florence De M\u00e8redieu, Jo\u00ebl De Rosnay, Arthur Kroker, Pierre L\u00e9vy, Christine Ross, Stelarc et Barry Truax, entre autres. Vous retrouverez \u00e0 cette adresse les r\u00e9f\u00e9rences de l’ensemble des ses \u00e9crits.<\/p>\n\n\n\n

Je tiens tout de m\u00eame \u00e0 vous indiquer un court article int\u00e9ressant diffus\u00e9 par la revue Synesth\u00e9sie et repris du journal Lib\u00e9ration, dans lequel on peut lire: \u00ab\u00a0La recherche dans le domaine des interfaces s’engage d’ailleurs de plus en plus dans la voie des \u00ab\u00a0bioapparatus\u00a0\u00bb, pour reprendre l’expression de l’artiste canadienne Nell Tenhaaf, ces extensions mi-machines mi-organismes qui vont prochainement reconfigurer nos rapports \u00e0 l’environnement et toute notre sensibilit\u00e9.\u00a0\u00bb <\/p>\n\n\n\n

Louise Poissant a de plus cosc\u00e9naris\u00e9 avec Derrick de Kerckhove (directeur du programme universitaire Marshall McLuhan \u00e0 Toronto) une s\u00e9rie de 13 \u00e9missions de 30 minutes sur les arts et les technologies : Ne Art. La s\u00e9rie a \u00e9t\u00e9 coproduite avec TV Ontario et T\u00c9LUQ (1995).<\/p>\n\n\n\n

De plus, le GRAM a produit un Dictionnaire des arts m\u00e9diatiques en ligne (1997). Un ouvrage incontournable pour quiconque s’int\u00e9resse de pr\u00e8s ou de loin aux nouvelles technologies. Un pur d\u00e9lice. Il est aussi possible de se procurer le dictionnaire dans un format livre.<\/p>\n\n\n\n

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Selon Edmond Couchot, \u00ab\u00a0Avec le num\u00e9rique, la pr\u00e9sence masqu\u00e9e, au coeur des outils, de la science et de sa rationalit\u00e9 p\u00e8se tr\u00e8s lourdement sur l’acte artistique mais en revanche, la multimodalit\u00e9 des interfaces, l’accentuation des effets synesth\u00e9siques et de l’hybridation des formes qu’elle provoque, l’ouverture sur un espace et un temps diff\u00e9rents, prometteurs de d\u00e9couvertes, l’implication du corps et de son expressivit\u00e9 gestuelle dans le dialogue homme-machine, redonnent \u00e0 la transe des occasions de se manifester que l’art contemporain lui offre rarement.\u00a0\u00bb (La technologie dans l’art, 1998, p. 258)\u00a0
L’art contemporain a-t-il vraiment failli \u00e0 sa t\u00e2che dans l’ordre d’une esth\u00e9tique de l’exaltation? Et, selon vous, les NTIC r\u00e9int\u00e9greront-elles vraiment la transe dans l’art?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Cette remarque de Couchot me semble tr\u00e8s juste et j’encha\u00eenerai en disant que notre vieux fond dualiste refait vite surface en mati\u00e8re d’art technologique. On associe l’ordinateur \u00e0 un cerveau et l’art qui en d\u00e9coule \u00e0 des productions d\u00e9pourvues de sensibilit\u00e9. Il est vrai que le langage math\u00e9matique et algorithmique qui pr\u00e9side \u00e0 la programmation imprime sa marque sur ces cr\u00e9ations et que cet encodage, qui n’est pas toujours perceptible, d\u00e9termine n\u00e9anmoins les formes et les images qu’il engendre. D’ailleurs, nous n’avons pas fini d’analyser les effets de ce passage oblig\u00e9, et ce, m\u00eame avec les logiciels les plus conviviaux dans lesquels la programmation est parfois enti\u00e8rement camoufl\u00e9e ou recouverte. Il ne faut pas perdre de vue, par ailleurs, que l’ordinateur, lui-m\u00eame tr\u00e8s jeune, ne s’est dot\u00e9 d’un \u00e9cran qu’en 1963, que les imprimantes graphiques \u00e9taient encore bricol\u00e9es il y a seulement une quinzaine d’ann\u00e9es, que les entr\u00e9es et sorties audiovisuelles sont tr\u00e8s r\u00e9centes. En un mot, la visualisation rendue possible par les ordinateurs, un ph\u00e9nom\u00e8ne qui bouleverse presque toutes les sciences actuellement, est en fait tr\u00e8s r\u00e9cente, il n’y a pas si longtemps, ce super calculateur ne permettait m\u00eame pas de voir ce qu’on \u00e9crivait.<\/p>\n\n\n\n

Or, le d\u00e9veloppement des technologies ne va pas que dans le sens de l’am\u00e9lioration de la performance et de la puissance de l’ordinateur. Toute une s\u00e9rie de recherches non moins importante porte sur les interfaces, sur ces multiples dispositifs allant de la souris aux lunettes de visualisation. Ces interfaces se d\u00e9veloppent constamment et explorent diverses fa\u00e7ons de se relier \u00e0 l’ordinateur. Elles repr\u00e9sentent en quelque sorte l’appareil sensoriel, \u00e0 la fois extension des sens, amplificateur et relais permettant de se relier aux autres et aux choses dans des contextes jusqu’alors in\u00e9dits. Tout comme le t\u00e9l\u00e9phone transporte la voix et la pr\u00e9sence du souffle \u00e0 distance, les interfaces permettent d’explorer d’autres portions du r\u00e9el, d’autres modalit\u00e9s de liaison \u00e0 l’autre, et peut-\u00eatre surtout, d’autres dispositions et de nouvelles postures. Le r\u00f4le des artistes est essentiel dans ce registre puisqu’ils sont actuellement les mieux \u00e9quip\u00e9s pour cette exploration. La liste de leurs r\u00e9alisations est d’ailleurs impressionnante (gant de donn\u00e9es, casque de visualisation, etc.) et illustre l’un des enjeux les plus importants de l’art actuel : r\u00e9habiliter ou d\u00e9couvrir d’autres formes de sensorialit\u00e9s ouvrant sur une synesth\u00e9sie et une sensibilit\u00e9 impr\u00e9gn\u00e9es de la rationalit\u00e9 des choses et des situations. <\/p>\n\n\n\n

La place de la transe l\u00e0-dedans? Je ne sais pas. Les arts m\u00e9diatiques sont sans doute moins c\u00e9r\u00e9braux que la plupart des formes de l’art moderne. Ils visent une r\u00e9habilitation du corps dans le processus esth\u00e9tique et impliquent tr\u00e8s imm\u00e9diatement un rapport \u00e0 l’autre que l’interactivit\u00e9 exprime encore souvent maladroitement. Comme dans l’exp\u00e9rience de la transe, le rapport \u00e0 l’objet devient secondaire et fait place \u00e0 la connexion en quelque sorte avec l’autre. Mais je ne pense pas que les dispositifs actuels soient propices \u00e0 une exp\u00e9rience de transe. Les interfaces sont encore trop lourdes, trop mat\u00e9rielles, trop encombrantes. Elles recherchent la transparence, mais on n’y est pas. Par ailleurs, je pense que les arts technologiques visent une r\u00e9appropriation du sujet, de ses possibilit\u00e9s, de sa corporalit\u00e9 alors que la transe implique une possession. Si la transe devait en quelque sorte \u00eatre l’issue des arts m\u00e9diatiques, on pourrait parler d’\u00e9chec. C’est, d’ailleurs, ce que craignent tous ceux qui voient dans la fascination de l’instrument une menace de schize. L’ordinateur aurait alors, d’une certaine fa\u00e7on, reconduit et accentu\u00e9 le dualisme, livrant sur l’\u00e9cran tous les sc\u00e9narios de vie pour le seul plaisir de l’oeil et, ce faisant, inhibant tous les autres sens. Ce n’est pas, \u00e0 mon avis, la perspective la plus probable. Le corps a ses raisons comme disait l’autre, et je pense qu’il n’a pas fini de se faire entendre.<\/p>\n\n\n\n

On a longtemps cru que l’art contemporain, parce qu’il engendrait un m\u00e9connaissance en regard du public g\u00e9n\u00e9ral, agissait dans un monde relativement parall\u00e8le. Avec le recul, on s’aper\u00e7oit que la mondialisation a largement affect\u00e9 le syst\u00e8me de l’art contemporain et qu’il n’a pas \u00e9t\u00e9 \u00e9pargn\u00e9 par les mouvements socio-\u00e9conomiques occidentaux. On a mis\u00e9 sur les grands centres (mus\u00e9es, biennales, festivals) et sur une homologie quant au contenu, mettant ainsi une pression quasi destructrice sur les \u00e9paules des jeunes artistes (de tous les pays concern\u00e9s par cette internationalisation). 
En quoi selon vous, l’interr\u00e9seau, en tant que syst\u00e8me de communication ouvert et non hi\u00e9rarchique, peut-il changer la donne?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Effectivement, l’art moderne a effectu\u00e9 un repli sur la pratique artistique, sorte de retour r\u00e9flexif sur les genres artistiques, sur le dispositif pictural, sculptural, etc. Et ce repli a \u00e9t\u00e9 dans le sens d’une sp\u00e9cialisation de plus en plus grande qui s’est faite au prix d’une particularisation des publics. On a abondamment reproch\u00e9 \u00e0 l’art moderne de s’\u00eatre coup\u00e9 de la vie et de s’\u00eatre travesti en \u00a0\u00bb ready made \u00a0\u00bb pour mus\u00e9es. Cependant on perd de vue, dans ce proc\u00e8s, que l’art moderne \u00e9tait en quelque sorte une immense tentative d’affranchissement, de tout id\u00e9al ou de tout principe exog\u00e8ne, pour l’art mais surtout pour l’humanit\u00e9. L’art moderne est en quelque sorte la r\u00e9ponse trou\u00e9e de chutes et de rechutes, maladroite et incompl\u00e8te, \u00e0 la mort de dieu et \u00e0 la lente et difficile appropriation du statut d’humain. C’est en tombant que l’on apprend \u00e0 marcher disait Kant. <\/p>\n\n\n\n

Il me semble que l’art des r\u00e9seaux part de cet acquis et en explore les nouvelles figures. L\u00e0 encore, rien n’est facile. Il faut inventer des savoir-faire, d’autres routines, de nouvelles modalit\u00e9s de liaison, d’\u00e9change, dans des contextes et avec des moyens \u00e0 inventer. L’esth\u00e9tique \u00e9mergente mise sur la diversit\u00e9 des modes de relation dans un environnement sans objet, fait de sons, d’images et de mots mais qui doit convoquer de nouvelles formes de sensorialit\u00e9. La perspective la plus s\u00e9duisante pour l’heure : Construire \u00e0 deux ou trois, sur une base consensuelle et \u00e0 distance, un environnement, genre auberge espagnol, o\u00f9 chacun y va de sa contribution. Et que la f\u00eate commence! Mais il reste bien des ingr\u00e9dients \u00e0 trouver pour conduire \u00e0 l’ivresse. Il manque encore des odeurs et des saveurs, des textures et des frissons que l’on devine seulement pour l’instant.<\/p>\n\n\n\n

Certes, le d\u00e9fi est \u00e9norme. On comprend bien qu’il ne peut se r\u00e9aliser que par petites tranches. Et les artistes ont un r\u00f4le essentiel \u00e0 jouer ici. Bricoler le petit truc qui va permettre d’aller chercher une petite portion en plus de tactilit\u00e9, quelques sensations olfactives, de d\u00e9couvrir l’impact de la respiration, la force d’un coup de pouce, etc. Ce bricolage est bien ingrat. Je ne m’appesantirai pas l\u00e0-dessus. Mais il rencontre, au del\u00e0 des difficult\u00e9s mat\u00e9rielles, toutes les r\u00e9sistances face \u00e0 la machine et la d\u00e9ception du public devant de si minces r\u00e9alisations, par ailleurs terrorisantes pour plus d’un. <\/p>\n\n\n\n

L’art des r\u00e9seaux reconduit en quelque sorte un id\u00e9al du spectaculaire emprunt\u00e9 ailleurs, dans les grandes expositions, les installations, les grands formats. Les artistes tentent d’y \u00e9chapper en introduisant d’autres fa\u00e7ons de se relier \u00e0 travers les oeuvres, mais leurs tentatives semblent encore le plus souvent frustrantes, pour eux aussi bien que pour ceux qui l’exp\u00e9rimentent. Il faut provoquer une nouvelle attitude convoquant l’implication et la contribution du partenaire plut\u00f4t que sa stricte r\u00e9ception, quelle qu’en soit la qualit\u00e9. En fait, il y a tout \u00e0 faire. Est-ce trop? Pour certains sans doute. Pour d’autres au contraire, il semble que le d\u00e9fi soit un des plus exaltant.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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