{"id":4477,"date":"1998-12-01T20:57:11","date_gmt":"1998-12-01T20:57:11","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=4477"},"modified":"2023-03-14T18:38:56","modified_gmt":"2023-03-14T18:38:56","slug":"decembre-1998-richard-sainte-marie","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-1998-richard-sainte-marie\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 1998 – Richard Sainte-Marie"},"content":{"rendered":"\n

Richard Sainte-Marie est le r\u00e9alisateur du premier site d’importance dans le domaine des arts visuels au Qu\u00e9bec. Arts Visuels Actuels (AVA) est un site de type portail qui a ses racines dans la r\u00e9gion de la Ville de Qu\u00e9bec. D’une part, il fait montre d’ouverture sur les informations sp\u00e9cifiques au Web, de l’autre, il convie et rassemble une mosa\u00efque libre d’artistes, de galeries et d’\u00e9v\u00e9nements. Cr\u00e9ation, diffusion, actualit\u00e9s, associations, enseignement, projets sp\u00e9ciaux et services forment le carrefour Arts Visuels Actuels.<\/p>\n\n\n\n

Richard Sainte-Marie est aussi professeur \u00e0 l’\u00c9cole des arts visuels de l’Universit\u00e9 Laval (Qu\u00e9bec) depuis plus de vingt-cinq ans et il poss\u00e8de une formation en musique et en arts visuels. Il a, de plus, publi\u00e9 en 1996 Fondements de la sculpture<\/em>, un manuel de 189 pages condensant, dans une perspective historique, les diff\u00e9rentes techniques de la sculpture.<\/p>\n\n\n\n

De votre pratique du Web r\u00e9sulte une connaissance implicite du type de communication actuellement engendr\u00e9 par l’interr\u00e9seau. Notre premi\u00e8re question porte sur vos attentes en regard de cette communication et elle se formule ainsi : Si on mettait l’information et la communication sur la balance de l’interr\u00e9seau, comment interpr\u00e9teriez-vous la pes\u00e9e?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Le principe de l’autoroute est de permettre une circulation automobile rapide et s\u00fbre, sur des chauss\u00e9es s\u00e9par\u00e9es, am\u00e9nag\u00e9es de telle sorte qu’il n’y ait aucun croisement \u00e0 niveau. Chaque voyageur chemine pour ainsi dire dans son sens unique. Sans possibilit\u00e9, sans risque et (mais) sans espoir de rencontre. Le terme d’autoroute de l’information est donc bien choisi.<\/p>\n\n\n\n

Apr\u00e8s deux ans de pratique du Web, je me rends compte que mon travail quotidien consiste g\u00e9n\u00e9ralement \u00e0 diffuser unilat\u00e9ralement de l’information, \u00e0 \u00e9mettre des opinions dans des chroniques \u00e9pisodiques qui restent malheureusement sans \u00e9cho ou presque. Sur pr\u00e8s de 22000 visiteurs, \u00e0 peine une dizaine de surfers ont pris la peine de r\u00e9pondre succintement \u00e0 mes chroniques. Les messages que je re\u00e7ois consistent g\u00e9n\u00e9ralement \u00e0 des demandes de compl\u00e9ment d’information. On recherche un artiste, l’adresse d’une galerie; on veut savoir si telle \u00e9cole enseigne la photographie, etc. La plupart du temps, ces informations sont d\u00e9j\u00e0 sur le Web.<\/p>\n\n\n\n

La quantit\u00e9 et la qualit\u00e9 de l’information sur Internet d\u00e9passent bien s\u00fbr tout ce qu’on aurait pu imaginer. Mais l’\u00e9tablissement de relations v\u00e9ritables avec autrui, m\u00eame avec le \u00ab\u00a0chat\u00a0\u00bb, me semble d\u00e9ficitaire. On n’a jamais parl\u00e9 d’autoroute de la communication. Je garde toujours en m\u00e9moire, par ailleurs, l’anecdote de cet internaute qui annon\u00e7ait au monde entier qu’il serait au coin des rues Saint-Denis et Ontario \u00e0 20 h le vendredi… Il est vrai que l’informatique d\u00e9cuple vos possibilit\u00e9s: gare \u00e0 vous si vous \u00eates c…<\/p>\n\n\n\n

Selon Edmond Couchot, \u00ab\u00a0Avec le num\u00e9rique, la pr\u00e9sence masqu\u00e9e, au coeur des outils, de la science et de sa rationalit\u00e9 p\u00e8se tr\u00e8s lourdement sur l’acte artistique mais en revanche, la multimodalit\u00e9 des interfaces, l’accentuation des effets synesth\u00e9siques et de l’hybridation des formes qu’elle provoque, l’ouverture sur un espace et un temps diff\u00e9rents, prometteurs de d\u00e9couvertes, l’implication du corps et de son expressivit\u00e9 gestuelle dans le dialogue homme-machine, redonnent \u00e0 la transe des occasions de se manifester que l’art contemporain lui offre rarement.\u00a0\u00bb (La technologie dans l’art, 1998, p. 258). L’art contemporain a-t-il vraiment failli \u00e0 sa t\u00e2che dans l’ordre d’une esth\u00e9tique de l’exaltation? Et, selon vous, les NTIC r\u00e9int\u00e9greront-elles vraiment la transe dans l’art?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Tous les artistes que je connais (y compris moi-m\u00eame) qui ont choisi les nouvelles technologies comme m\u00e9dium ont eu, au d\u00e9part de leur d\u00e9couverte, le m\u00eame comportement. Tous ont essay\u00e9 de continuer \u00e0 faire avec les nouveaux moyens ce qu’ils faisaient avec les anciens. C’est un comportement normal, l’art est atavique. Et la culture fonctionne par appropriation r\u00e9troactive. Mais, au gr\u00e9 des exp\u00e9riences neuves, au fur et \u00e0 mesure de leur avanc\u00e9e dans la d\u00e9couverte de nouvelles possibilit\u00e9s et des effets propres du nouveau m\u00e9dium, en ma\u00eetrisant et en adaptant les outils \u00e0 leurs d\u00e9sirs, les artistes ont requestionn\u00e9 leurs acquis et leur d\u00e9marche s’est transform\u00e9e. Ils se sont rendus compte que dire une chose autrement \u00e9quivaut \u00e0 dire autre chose. Et que s’il est vrai qu’on ne peut ind\u00e9finiment vivre au-dessus de ses moyens, de la m\u00eame mani\u00e8re on ne peut travailler au-del\u00e0 de son imaginaire. Or, en \u00e9laborant des nouvelles mani\u00e8res de rendre compte de notre r\u00e9alit\u00e9, les nouvelles technologies ouvrent justement une voie vers le renouvellement de cet imaginaire.<\/p>\n\n\n\n

Les nouvelles technologies utilis\u00e9es par les artistes vont-elles r\u00e9int\u00e9grer la transe dans l’art ? Je n’en sais rien. Ce qui manque dans l’art m\u00e9diatique c’est la mati\u00e8re. Cette mati\u00e8re qui jusqu’\u00e0 r\u00e9cemment agissait encore comme talisman, comme v\u00e9hicule du sublime. Malraux n’a t-il pas appel\u00e9 les oeuvres d’art : la monnaie de l’absolu ? Mais ce qu’il y a de beau (de sublime ?) dans l’art m\u00e9diatique, c’est aussi et justement son absence de mati\u00e8re. Autant, pour les estampiers, l’odeur de l’encre demeure un des plaisirs journaliers, autant, pour l’artiste num\u00e9rique il est exaltant de savoir que son image voyage (existe) par c\u00e2ble sous-marin, fibre optique et satellite tout autour de la plan\u00e8te. Mais son plaisir est d’ordre intellectuel, non sensible, tout autant que ses images sont impalpables.<\/p>\n\n\n\n

L’image, pour l’artiste du Web est un principe, une matrice, un script interpr\u00e9table \u00e0 souhait par des machines lointaines dont il n’aura pas le contr\u00f4le. \u00c0 cet \u00e9gard, il n’est pas loin de r\u00e9pondre \u00e0 ce loustic qui disait, dans les ann\u00e9es soixante-dix, que le v\u00e9hicule id\u00e9al pour l’art conceptuel aurait d\u00fb \u00eatre la transmission de pens\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

On a longtemps cru que l’art contemporain, parce qu’il engendrait un m\u00e9connaissance en regard du public g\u00e9n\u00e9ral, agissait dans un monde relativement parall\u00e8le. Avec le recul, on s’aper\u00e7oit que la mondialisation a largement affect\u00e9 le syst\u00e8me de l’art contemporain et qu’il n’a pas \u00e9t\u00e9 \u00e9pargn\u00e9 par les mouvements socio-\u00e9conomiques occidentaux. On a mis\u00e9 sur les grands centres (mus\u00e9es, biennales, festivals) et sur une homologie quant au contenu, mettant ainsi une pression quasi destructrice sur les \u00e9paules des jeunes artistes (de tous les pays concern\u00e9s par cette internationalisation). En quoi selon vous, l’interr\u00e9seau, en tant que syst\u00e8me de communication ouvert et non hi\u00e9rarchique, peut-il changer la donne? <\/strong><\/p>\n\n\n\n

Je me rappelle encore de mon impression, la premi\u00e8re fois que j’ai surf\u00e9. J’avais cherch\u00e9 \u00ab\u00a0estampe\u00a0\u00bb et \u00ab\u00a0print making\u00a0\u00bb pour d\u00e9couvrir quelques artistes (il n’y en avait presque pas \u00e0 cette \u00e9poque) en Scandinavie, en Angleterre et aux U.S.A. \u00c9trangement, ils me ressemblaient : ils avaient plus ou moins mon \u00e2ge, la plupart \u00e9taient professeurs d’art, anciens photographes, peintres ou estampiers reconvertis en infographes. Plusieurs \u00e9taient regroup\u00e9s dans ce qu’on appelle ici des Centres autog\u00e9r\u00e9s. Leur \u00e9quipement \u00e9tait comparable au mien et leurs oeuvres infographiques, facilement transformables en vue du Web, \u00e9taient de la m\u00eame famille que les miennes.<\/p>\n\n\n\n

L’effet qu’eurent mes visites dans ces pages fut curieux. Je me dis que du simple point de vue statistique, il devait raisonnablement y avoir des dizaines de milliers d’artistes de leur (de mon) genre et de leur calibre sur la plan\u00e8te. J’abandonnai du coup tout espoir, s’il m’en restait encore, de terminer ma carri\u00e8re au Museum of Modern Art. Par contre, je d\u00e9couvrais une fraternit\u00e9 avec ces artistes. En dehors de toute hi\u00e9rarchie. Or, mes tentatives de nouer des liens avec eux s’av\u00e9r\u00e8rent infructueuses. Plusieurs n’avaient pas d’adresse de courriel ou ceux qui en avaient ne me r\u00e9pondirent pas : leurs pages web n’\u00e9tait qu’une vitrine. Il semble qu’encore aujourd’hui, les pages web d’artistes ne soient surtout que des vitrines immuables (on n’a qu’\u00e0 visiter les pages de Rescol pour s’en convaincre) et que les artistes soient plus int\u00e9ress\u00e9s \u00e0 \u00e9mettre qu’\u00e0 v\u00e9ritablement \u00e9changer.<\/p>\n\n\n\n

Avec l’\u00e9lagage qui se fera \u00e0 mesure que le Web atteindra sa vitesse de croisi\u00e8re, les r\u00e9seaux seront d\u00e9barrass\u00e9s des badeaux et peut-\u00eatre \u00e0 ce moment pourrons-nous assister \u00e0 la cr\u00e9ation d’une nouvelle culture. Ou peut-\u00eatre, au contraire, la culture du Web sera-t-elle celle de l’encombrement ?<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Richard Sainte-Marie est le r\u00e9alisateur du premier site d’importance dans le domaine des arts visuels au Qu\u00e9bec. Arts Visuels Actuels (AVA) est un site de type portail qui a ses racines dans la r\u00e9gion de la Ville de Qu\u00e9bec. D’une part, il fait montre d’ouverture sur les informations sp\u00e9cifiques au Web, de l’autre, il convie et rassemble … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[10],"tags":[201],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/4477"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=4477"}],"version-history":[{"count":3,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/4477\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":4649,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/4477\/revisions\/4649"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=4477"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=4477"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=4477"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}