{"id":535,"date":"2018-12-01T14:58:33","date_gmt":"2018-12-01T14:58:33","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=535"},"modified":"2022-10-21T14:58:53","modified_gmt":"2022-10-21T14:58:53","slug":"decembre-2018-invasion-de-la-figure-feminine-dans-lespace-virtuel-interpellation-constante-sur-internet-pop-up-et-resistance","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-2018-invasion-de-la-figure-feminine-dans-lespace-virtuel-interpellation-constante-sur-internet-pop-up-et-resistance\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 2018 – Invasion de la figure f\u00e9minine dans l’espace virtuel. Interpellation constante sur internet, pop-up et r\u00e9sistance"},"content":{"rendered":"\n

C\u2019est dans une perspective f\u00e9ministe que nous souhaitons aborder la th\u00e9matique de la cybercorpor\u00e9\u00eft\u00e9. Partant du constat que dans le monde virtuel d\u2019internet les femmes sont tout autant interpell\u00e9es, envahies, voire harcel\u00e9es que dans l\u2019espace public \u201cr\u00e9el\u201d, nous nous proposons d\u2019analyser ce ph\u00e9nom\u00e8ne de \u201cpop-up\u201d et les strat\u00e9gies de r\u00e9sistance, de r\u00e9cup\u00e9ration et de d\u00e9tournement, mises en place par les femmes au sein m\u00eame de cet univers technologique qui alt\u00e8re leur ontologie.\u00a0Hypersexualis\u00e9es, les femmes sont \u00e9galement r\u00e9ifi\u00e9es et, alors m\u00eame que les \u00e9changes via les outils technologiques sont virtuels, c\u2019est leur corps qui est au centre de l\u2019attention. Nous sommes face \u00e0 la fois \u00e0 une marchandisation du corps f\u00e9minin mais aussi \u00e0 une mise en r\u00e9seau des individualit\u00e9s et des discours, permettant aux femmes de reformuler leur identit\u00e9 dans la fluidit\u00e9.\u00a0La sollicitation perp\u00e9tuelle fait du corps f\u00e9minin un enjeu d\u2019expression, c\u2019est pourquoi nous nous attacherons principalement \u00e0 la th\u00e9matique du corps-figure. Dans notre intervention, nous proposons de croiser diff\u00e9rentes disciplines : les dramaturgies contemporaines pour \u00e9voquer ce rapport de domination et cet empi\u00e8tement de l\u2019espace public d\u2019internet sur l\u2019espace priv\u00e9 qu\u2019est le corps, la performance activiste analys\u00e9e comme une fen\u00eatre pop-up de r\u00e9sistance alliant corps et m\u00e9diatisation technologique comme mat\u00e9riaux de base et les GIF artistiques compris comme des bugs au pouvoir subversif.<\/p>\n\n\n\n

Introduction<\/h2>\n\n\n\n

Il est 14h. Je tra\u00eene sur YouTube pour retarder le moment de r\u00e9diger ma th\u00e8se. Une vid\u00e9o en entra\u00eene une autre. Je lis les commentaires qui les accompagnent. Une YouTubeuse donne des conseils pour oublier son ex. On peut lire\u00a0: \u00ab I don\u2019t speak French but I don\u2019t care, you\u2019re SO BEAUTIFUL \u00bb. Il en est ainsi sur chaque vid\u00e9o r\u00e9alis\u00e9e par des femmes\u00a0: que le contenu soit scientifique ou plus anecdotique, elles sont ramen\u00e9es \u00e0 leur physique. 18h. Dans le m\u00e9tro je regarde mon Instagram. Une amie s\u2019est faite censur\u00e9e car on entre-aper\u00e7oit l\u2019un de ses seins sur une photo qu\u2019elle a post\u00e9e. Le vers\u00a0Couvrez ce sein que je ne saurais voir<\/em>\u00a0me vient directement \u00e0 l\u2019esprit. 23h. Je cr\u00e9e un profil sur un site de rencontres. En une heure, je re\u00e7ois une trentaine de messages compos\u00e9s de \u00ab Sexy\u2026Wanna hookup\u00a0? \u00bb, \u00ab Beau sourire \u00bb \u00ab T lesbienne\u00a0? On fait un plan a trois\u00a0? \u00bb. Est-ce ainsi que j\u2019existe, et que toutes les autres femmes existent, sur les r\u00e9seaux\u00a0? Le harc\u00e8lement quotidien li\u00e9 \u00e0 mon genre s\u2019est r\u00e9pandu comme le feu aux poudres dans le monde virtuel dans une v\u00e9ritable m\u00e9canique du pop-up, de la pub intempestive, que l\u2019on doit fermer pour naviguer tranquillement. Alors, oui, l\u2019empi\u00e8tement entre sph\u00e8re publique et sph\u00e8re priv\u00e9e s\u2019est accentu\u00e9, peu importe qu\u2019on se situe dans le monde r\u00e9el ou dans le monde virtuel, dichotomie qui n\u2019est d\u2019ailleurs plus d\u2019actualit\u00e9. Et l\u2019oppression reste li\u00e9e au genre. Des vagues de f\u00e9minismes ont pass\u00e9. Nombre de performeuses ont voulu transgresser les limites de leur corps genr\u00e9 dans les performances de body-art qui se sont succ\u00e9d\u00e9es depuis les ann\u00e9es 1960. Je cherche et, bien qu\u2019il en existe quelques-unes, rares sont encore celles qui se sont empar\u00e9es des technologies, m\u00e9dium que l\u2019on assimile encore au masculin, \u00e0 l\u2019outil, \u00e0 la technique, au pouvoir militaire. Mais aujourd\u2019hui, qu\u2019en est-il de la repr\u00e9sentation et de la mise en sc\u00e8ne des corps f\u00e9minins dans le num\u00e9rique\u00a0? Dans cette intervention, nous allieront diff\u00e9rents points de vue. Le\u00efla Cassar pr\u00e9sentera ses recherches dramaturgiques sur Pauline Peyrade et la mani\u00e8re dont elle \u00e9crit cette invasion de l\u2019espace f\u00e9minin technologique. Ensuite, j\u2019\u00e9voquerai diff\u00e9rentes artistes qui mettent en place une sorte \u00ab\u00a0hacking-feminism<\/em>\u00a0\u00bb afin de r\u00e9sister et agir au travers de performances web. (MB)<\/p>\n\n\n\n

Corps f\u00e9minins appropri\u00e9s dans l\u2019espace du num\u00e9rique\u00a0:\u00a0l\u2019exemple des \u0153uvres de Pauline Peyrade<\/h2>\n\n\n\n

1. \u00ab\u00a0Les gens rentrent, ils mettent le bazar, ils aiment toucher \u00e0 tout\u00a0\u00bb\u00a0: l\u2019envahissement\u00a0via<\/em> l\u2019espace du num\u00e9rique.<\/h2>\n\n\n\n

Je m\u2019appuierai ici sur deux pi\u00e8ces de\u00a0Pauline Peyrade\u00a0, dramaturge contemporaine, dont le travail a la sp\u00e9cificit\u00e9 de se passer en partie sur internet ou par le biais d\u2019instances technologiques, posant ainsi un r\u00e9el d\u00e9fi \u00e0 la sc\u00e8ne. Dans Ctrl-X, pi\u00e8ce de Pauline Peyrade (2016), o\u00f9 les instances num\u00e9riques sont centrales (les personnages ne parlent jamais, sauf par le biais du t\u00e9l\u00e9phone, de textos ou de recherche google), Ida, le personnage principal, qui est recluse dans son appartement mais pourtant toujours poursuivie par les sons de sonnette, sonneries et messages vocaux et textuels, jusqu\u2019\u00e0 l\u2019oppression totale, d\u00e9clare au t\u00e9l\u00e9phone\u00a0:<\/p>\n\n\n\n

\u00ab\u00a0Je ne veux personne. Les gens rentrent, ils mettent le bazar, ils aiment toucher \u00e0 tout. Moi je ne dois rien, rien, rien \u00e0 personne. \u00c0 personne, juste \u00e0 moi, \u00e0 moi, et c\u2019est moi, c\u2019est moi qui d\u00e9cide.\u00a0 [\u2026] Je vais tr\u00e8s bien. Je crois que j\u2019ai compris quelque chose.\u00a0 J\u2019ai compris. Les gens ne veulent pas te rencontrer. Ils ne veulent pas te rencontrer. Ils veulent autre chose. Ils veulent te vendre quelque chose. Se vendre eux-m\u00eames ou bien faire en sorte que toi tu te vendes \u00e0 eux, mais ils ne veulent pas te rencontrer. Ils ne veulent pas que tu les rencontres\u00bb (Peyrade, 2016, p. 204).<\/p>\n\n\n\n

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