{"id":542,"date":"2018-12-01T15:58:13","date_gmt":"2018-12-01T15:58:13","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=542"},"modified":"2022-10-21T17:39:47","modified_gmt":"2022-10-21T17:39:47","slug":"decembre-2018-puis-je-fondre-mon-visage-dans-le-tien-corps-a-corps-au-casque-de-realite-virtuelle","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-2018-puis-je-fondre-mon-visage-dans-le-tien-corps-a-corps-au-casque-de-realite-virtuelle\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 2018 &#8211; Puis-je fondre mon visage dans le tien (?) Corps-\u00e0-corps au casque de r\u00e9alit\u00e9 virtuelle"},"content":{"rendered":"\n<p>Partons de ce geste&nbsp;: portant un casque de r\u00e9alit\u00e9 virtuelle (RV), je baisse la t\u00eate et constate en amorce un autre corps que le mien. L\u2019identification avec ce corps dont je ne vois pas le visage, dont, d\u2019une certaine fa\u00e7on, je porte le visage, est-elle plus saisissante&nbsp;? Quelle relation particuli\u00e8re se d\u00e9veloppe entre ces deux corps, le mien et celui \u00e0 l\u2019image&nbsp;? Dans cette situation, le dispositif du casque de RV peut-il m\u2019aider \u00e0 me mettre \u00ab&nbsp;\u00e0 la place de l\u2019autre&nbsp;\u00bb, et ainsi me rendre plus empathique&nbsp;?<\/p>\n\n\n\n<p>J\u2019examinerai les ambitions narratives et esth\u00e9tiques li\u00e9es \u00e0 un tel projet, et les enjeux \u00e9thiques et politiques qui s\u2019en trouvent soulev\u00e9s, gr\u00e2ce \u00e0 deux projets du collectif\u00a0BeAnotherLab, un r\u00e9cit de<em>\u00a0The Library of ourselves<\/em>, et l\u2019exp\u00e9rience\u00a0<em>The Machine to be Another \u00a0.<\/em><\/p>\n\n\n\n<p>Partons de ce geste&nbsp;: portant un casque de r\u00e9alit\u00e9 virtuelle (RV), je baisse la t\u00eate et constate en amorce&nbsp; un autre corps que le mien. L\u2019identification avec ce corps dont je ne vois pas le visage, dont, d\u2019une certaine fa\u00e7on, je porte le visage, est-elle plus saisissante&nbsp;? Quelle relation particuli\u00e8re se d\u00e9veloppe entre ces deux corps, le mien et celui \u00e0 l\u2019image&nbsp;? Dans cette situation, le dispositif du casque de RV peut-il m\u2019aider \u00e0 me mettre \u00ab&nbsp;\u00e0 la place de l\u2019autre&nbsp;\u00bb, et ainsi me rendre plus empathique&nbsp;?<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-full\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"768\" height=\"432\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-1.png\" alt=\"\" class=\"wp-image-543\" srcset=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-1.png 768w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-1-300x169.png 300w\" sizes=\"(max-width: 768px) 100vw, 768px\" \/><figcaption><em>The Machine to be Another<\/em>, BeAnotherLab, 2018, image Alice Lenay<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-embed aligncenter is-type-video is-provider-youtube wp-block-embed-youtube wp-embed-aspect-16-9 wp-has-aspect-ratio\"><div class=\"wp-block-embed__wrapper\">\n<iframe loading=\"lazy\" title=\"The Machine to be Another - documentation\" width=\"500\" height=\"281\" src=\"https:\/\/www.youtube.com\/embed\/kKENPIEnExc?feature=oembed\" frameborder=\"0\" allow=\"accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture\" allowfullscreen><\/iframe>\n<\/div><figcaption><em>The Machine to be Another \u2013\u00a0 documentation,<\/em>\u00a0Alice Lenay, 2018<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<p>Cette r\u00e9flexion prend pour point de d\u00e9part un \u00e9tonnement face \u00e0 une certaine rh\u00e9torique autour du casque de RV qui permettrait, gr\u00e2ce \u00e0 une identification plus forte, de d\u00e9velopper mon empathie pour celui ou celle dont le corps figure en amorce de mon propre corps. En quoi ce dispositif peut-il devenir \u00ab\u00a0l\u2019ultime machine \u00e0 empathie\u00a0\u00bb\u00a0(Alsever, 2015)? Puis-je former avec l\u2019autre une \u00ab\u00a0unit\u00e9 psychophysique<sup>1<\/sup>\u00a0\u00bb? \u00ab\u00a0Que serait le monde s\u2019il \u00e9tait possible de voir \u00e0 travers les yeux d\u2019un autre\u00a0?<sup>2<\/sup>\u00a0\u00bb.<\/p>\n\n\n\n<p>L\u2019empathie consisterait effectivement \u00e0 se mettre\u00a0<em>\u00e0 la place\u00a0<\/em>de l\u2019autre pour sentir en moi comme l\u2019autre sent, pour faire\u00a0<em>comme si<\/em>\u00a0j\u2019\u00e9tais l\u2019autre<sup>3<\/sup>. Or, remarque\u00a0Andrea Pinotti, cette notion d\u2019int\u00e9riorit\u00e9, ce \u00ab\u00a0dedans\u00a0\u00bb (Pinotti, 2016 p. 24), pose probl\u00e8me d\u00e8s lors que je n\u2019ai d\u2019autrui que son dehors, sa peau. Le casque de RV, en m\u2019offrant une narration actualisable depuis mon point de vue, pourrait-il me mettre plus concr\u00e8tement \u00e0 la place de l\u2019autre, comme depuis l\u2019int\u00e9rieur de sa peau\u00a0?<\/p>\n\n\n\n<p>La d\u00e9couverte des \u00ab\u00a0neurones miroirs\u00a0\u00bb permet de penser d\u2019abord une situation en face-\u00e0-face. Ces neurones en effet s\u2019activent \u00ab\u00a0lorsqu\u2019on effectue une action mais aussi lorsqu\u2019on voit quelqu\u2019un d\u2019autre la r\u00e9aliser lui-m\u00eame\u00a0\u00bb (Rizzolatti et Sinigaglia, 2008). L\u2019observation d\u2019un visage \u00e9prouvant une \u00e9motion, comme le d\u00e9go\u00fbt par exemple, active ces neurones du cortex pr\u00e9moteur, provoquant alors l\u2019activation des aires sensorielles. Ce m\u00e9canisme serait \u00ab\u00a0\u00e0 la base de la compr\u00e9hension des r\u00e9actions \u00e9motionnelles d\u2019autrui\u00a0\u00bb (Rizzolatti et Sinigaglia, 2008, p. 196-203). L\u2019empathie consiste l\u00e0, non pas \u00e0 voir au-del\u00e0 de la peau de l\u2019autre (Pinotti, 2011, p. 26), ou \u00e0 prendre concr\u00e8tement sa place, mais \u00e0 simuler en moi, ce que l\u2019autre voit et \u00e9ventuellement ressent. Il convient donc de penser l\u2019identification \u00e0 l\u2019autre \u00e0 partir d\u2019une distance entre toi et moi, distance permettant le mouvement empathique.<\/p>\n\n\n\n<p>En quoi alors une identification en premi\u00e8re personne, \u00ab&nbsp;intra-face&nbsp;\u00bb, serait-elle plus efficace qu\u2019une confrontation en \u00ab&nbsp;face-\u00e0-face&nbsp;\u00bb pour d\u00e9velopper l\u2019empathie&nbsp;? Quels sont les nouveaux \u00e9carts \u2013 interstices peut-\u00eatre \u2013 entre ces deux corps rapproch\u00e9s en par la m\u00e9diation technique&nbsp;?<\/p>\n\n\n\n<p>J\u2019examinerai les ambitions narratives et esth\u00e9tiques li\u00e9es \u00e0 un tel projet, et les enjeux \u00e9thiques et politiques qui s\u2019en trouvent soulev\u00e9s, gr\u00e2ce \u00e0 deux utilisations du dispositif\u00a0<em>The Machine to be Another\u00a0<\/em>, un r\u00e9cit de\u00a0<em>The Library of ourselves<\/em>, et l\u2019exp\u00e9rience\u00a0<em>The Machine to be Another \u00a0<\/em>\u00e0 Paris (projets d\u00e9velopp\u00e9s depuis 2012).<\/p>\n\n\n\n<p>Ces deux utilisations du casque de RV s\u2019inscrivent dans un projet de recherche sur l\u2019empathie. Avant d\u2019observer comment la m\u00e9diation technique me permet de \u00ab\u00a0faire corps\u00a0\u00bb avec un autre, il nous faut revenir sur le corps-\u00e0-corps avec la machine elle-m\u00eame. Si l\u2019utilisation d\u2019une cam\u00e9ra subjective au cin\u00e9ma permet de travailler l\u2019identification \u00e0 un personnage, elle conna\u00eet au casque de RV un contexte bien diff\u00e9rent, aussi bien au niveau de l\u2019exp\u00e9rience du dispositif technique que du fonctionnement des images et du type de narration qui s\u2019en d\u00e9gage<sup>4<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"wp-block-heading\">Voir avec le casque (la question de l\u2019immersion)<\/h2>\n\n\n\n<p>Dans le contexte du cin\u00e9ma,\u00a0Christian Metz\u00a0explique que le m\u00e9canisme d\u2019identification repose sur une premi\u00e8re \u00e9tape\u00a0: l\u2019identification \u00e0 la cam\u00e9ra elle-m\u00eame. C\u2019est pour cette raison que, quand la cam\u00e9ra tourne, je ne tourne pas moi-m\u00eame la t\u00eate, puisque je l\u2019ai d\u00e9j\u00e0 tourn\u00e9 dans le film, \u00ab\u00a0en tant que tout-voyant, en tant qu\u2019identifi\u00e9 au mouvement de la cam\u00e9ra, comme sujet transcendantal et non comme sujet empirique\u00a0\u00bb (Metz, 1975, p. 36). Avec le casque de RV au contraire, la lecture du film ne se fait plus par rapport \u00e0 l\u2019\u00e9cran, mais avec lui\u00a0: si la cam\u00e9ra tourne,\u00a0<em>c\u2019est parce que je tourne aussi la t\u00eate<\/em>.<\/p>\n\n\n\n<p>Le casque travaille le fantasme d\u2019une inclusion du spectateur \u00ab\u00a0\u00e0 l\u2019int\u00e9rieur\u00a0\u00bb de l\u2019image, derri\u00e8re l\u2019\u00e9cran, fantasme travaill\u00e9 l\u00e0 aussi par le cin\u00e9ma (Carbone, 2016, p. 129-150)\u00a0pour \u00eatre plus pr\u00e8s des personnages. En cela le casque de RV se situe dans la tendance g\u00e9n\u00e9rale de\u00a0<em>l\u2019immediacy<\/em>\u00a0d\u00e9crite par\u00a0David Bolter\u00a0et\u00a0Richard Grusin\u00a0(Bolter et Grusin, 1999, p. 160-167), visant \u00ab\u00a0un effacement du m\u00e9dium, c\u2019est-\u00e0-dire d\u2019une suppression de sa mat\u00e9rialit\u00e9 opaque<sup>5<\/sup>\u00a0\u00bb.<\/p>\n\n\n\n<p>Cette configuration de l\u2019image qui semble envelopper le corps a suscit\u00e9 le terme d\u00e9j\u00e0 usit\u00e9 pour la salle de cin\u00e9ma d\u2019\u00ab\u00a0immersion\u00a0\u00bb. Je suis effectivement immerg\u00e9e dans l\u2019image, mais si on entend immersion au sens d\u2019une attention enti\u00e8rement d\u00e9di\u00e9e aux actions et intentions des personnages, les films au casque de RV sont confront\u00e9s \u00e0 une nouvelle variable\u00a0: la mobilit\u00e9 n\u00e9cessaire du corps appareill\u00e9. Au cin\u00e9ma, le spectateur est \u00ab\u00a0immerg\u00e9\u00a0\u00bb en ce qu\u2019il est encourag\u00e9 \u00e0 mettre de c\u00f4t\u00e9 son corps propre pour d\u00e9l\u00e9guer son point de vue \u00e0 une instance de vision par ailleurs autonome (la cam\u00e9ra produisant les diff\u00e9rents plans assembl\u00e9s dans le montage). Dans la salle obscure et un fauteuil confortable, mon corps devant l\u2019\u00e9cran de cin\u00e9ma entre dans un \u00e9tat second (Metz, 1975, p. 108-135)\u00a0qui lui permet d\u2019investir le film en faisant abstraction de l\u2019espace qui me s\u00e9pare de l\u2019\u00e9cran. Avec le casque de RV, pour rester immerg\u00e9 dans le d\u00e9roul\u00e9 narratif (et non pas seulement dans l\u2019image), mon corps doit devenir corps somnambule (Metz, 1975, p. 109), puisque mes mouvements (de la t\u00eate au moins) n\u00e9cessaires au film, ne doivent pas me d\u00e9concentrer de l\u2019intrigue. Mon corps devient \u00e0 la fois parasite et op\u00e9ratoire du dispositif<sup>6<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n<p>Il y a donc toujours un \u00e9tat d\u2019entre-deux fragile<sup>7<\/sup>, un \u00e9quilibre d\u00e9licat qui s\u2019\u00e9tablit entre mon corps percevant, et mon corps absorb\u00e9 dans la fiction, deux corps en tension et d\u00e9pendant l\u2019un de l\u2019autre. Augment\u00e9e du casque de RV, je fais donc corps avec la machine. Le film n\u00e9cessite concr\u00e8tement, ainsi que\u00a0Philippe B\u00e9dard\u00a0l\u2019explique,\u00a0 \u00ab\u00a0la contribution du sujet \u00e0 l\u2019exp\u00e9rience visuelle\u00a0\u00bb (B\u00e9dard, 2019, p. 66-92). Comme les appareils optiques au XIXe si\u00e8cle (Crary, 1992), le casque de RV avec ses deux \u00e9crans pour chaque \u0153il, se calque sur la physiologie humaine. Il y a hybridation, co-d\u00e9pendance entre mon corps percevant et la machine.<\/p>\n\n\n\n<p>Les images diffus\u00e9es au casque s\u2019inscrivent dans un nouveau r\u00e9gime d\u2019image que Ruggero Eugeni https:\/\/ruggeroeugeni.com\/ a nomm\u00e9 les \u00ab\u00a0plans \u00e0 la premi\u00e8re personne\u00a0\u00bb (<em>first-person shot<\/em>) (Eugeni, 2015). Dans les plans \u00e0 la premi\u00e8re personne \u00ab\u00a0le sujet de la perception et la cam\u00e9ra forment une seule et m\u00eame entit\u00e9 dot\u00e9e de traits \u00e0 la fois humains et m\u00e9caniques\u00a0\u00bb. Ruggero Eugeni donne \u00e0 cette entit\u00e9 le nom de \u00ab\u00a0corps-capteur\u00a0\u00bb. Ce qui importe dans ce type de plan, c\u2019est \u00ab\u00a0l\u2019instance responsable de la constitution perceptuelle de l\u2019univers di\u00e9g\u00e9tique\u00a0\u00bb, qui est \u00e0 la fois machinique et humaine, qui forme une entit\u00e9 hybride et instable oscillant explicitement entre un p\u00f4le \u00ab\u00a0sujet\u00a0\u00bb et un p\u00f4le \u00ab\u00a0objet\u00a0\u00bb m\u00e9canique.<\/p>\n\n\n\n<p>Le casque s\u2019inscrit dans ce d\u00e9veloppement des \u00ab\u00a0plans \u00e0 la premi\u00e8re personne\u00a0\u00bb, technique post-cin\u00e9matographique qui rompt avec le \u00ab\u00a0mod\u00e8le positionnel et statique, bas\u00e9 sur la perspective centrale, h\u00e9rit\u00e9e des th\u00e9ories cin\u00e9matographiques des ann\u00e9es 1970\u00a0\u00bb. Les th\u00e9ories de Christian Metz ou Jean-Louis Baudry (Baudry, 1975, p. 56-72) sugg\u00e9raient que c\u2019est le cin\u00e9ma, en tant que dispositif producteur d\u2019images et de sons, qui constitue le spectateur en sujet<sup>8<\/sup>. La construction perspectiviste repr\u00e9sent\u00e9e dans l\u2019image d\u00e9finit\u00a0<em>en l\u2019anticipant<\/em>\u00a0la position pr\u00e9cise qu\u2019occupera le spectateur. \u00c0 l\u2019inverse, selon Vivian Sobchack (Sobchack, 1992)\u00a0par exemple \u00ab\u00a0le film se manifeste de mani\u00e8re sensuelle et sensible, comme l\u2019expression d\u2019une exp\u00e9rience dont le spectateur] fait l\u2019exp\u00e9rience<sup>9<\/sup>\u00a0\u00bb. La constitution du sujet ne proc\u00e8de pas de l\u2019ext\u00e9rieur vers l\u2019int\u00e9rieur, comme si le sujet \u00e9tait une entit\u00e9 d\u00e9sincarn\u00e9e qui occupait une place fixe, pr\u00e9cise, abstraite, vide, correspondant au centre de la perspective.<\/p>\n\n\n\n<p>Au sein de ce corps-\u00e0-corps humain et machinique, regardons maintenant plus pr\u00e9cis\u00e9ment des films qui me donnent dans l\u2019espace virtuel, visible \u00e0 l\u2019image, un corps humain actif et reconnu par les autres personnages<sup>10<\/sup>. Le casque de RV permet-il de sauter l\u2019identification primaire d\u00e9crite par Metz, pour me donner un acc\u00e8s plus imm\u00e9diat \u00e0 l\u2019identification secondaire, celle du personnage que j\u2019incarne\u00a0? \u00c9tant d\u00e9j\u00e0 au centre du monde virtuel que j\u2019actualise \u00e0 partir de mon point de vue, je suis d\u00e9j\u00e0 pleinement \u00ab\u00a0en premi\u00e8re personne\u00a0\u00bb. L\u2019interposition d\u2019un personnage semble agir comme un passeport dans le monde virtuel, un v\u00e9hicule reconnaissable (identifiable) qui assure mon positionnement et ma navigation.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"wp-block-heading\">Voir avec l\u2019autre (la question de l\u2019identification)<\/h2>\n\n\n\n<p>Les narrations au casque qui nous int\u00e9ressent jouent, on l\u2019a dit, la carte d\u2019une identification en premi\u00e8re personne&nbsp;<em>tout au long de l\u2019exp\u00e9rience<\/em>. Je ne \u00ab&nbsp;sors&nbsp;\u00bb pas du corps auquel je suis cens\u00e9 m\u2019identifier. Je ne vois donc jamais son visage \u2013 comme d\u2019ailleurs je ne vois jamais mon propre visage.<\/p>\n\n\n\n<p>Au cin\u00e9ma, l\u00e0 aussi, l\u2019utilisation d\u2019une cam\u00e9ra \u00ab\u00a0subjective\u00a0\u00bb permet \u00e0 chaque spectateur de se figurer le point de vue d\u2019un personnage, l\u2019encourageant \u00e0 s\u2019identifier \u00e0 celui-ci en particulier. Ce type de plan repose sur une op\u00e9ration de montage\u00a0: je vois d\u2019abord le visage du personnage, dont la vision est ensuite simul\u00e9e par la cam\u00e9ra. Ce type de plan est donc ponctuel. La figure du regard-cam\u00e9ra appuie alors l\u2019identification au personnage cens\u00e9 le recevoir. Pourtant dirig\u00e9 droit dans les yeux de chaque spectateur dans la salle, il ne convoque pas les vertus d\u2019une interpellation r\u00e9flexive si l\u2019identification au personnage a \u00e9t\u00e9 pr\u00e9par\u00e9e en amont<sup>11<\/sup>. L\u2019identification agit comme un bouclier, qui prot\u00e8ge la fiction d\u2019un commentaire sur le dispositif lui-m\u00eame\u00a0: du regard-cam\u00e9ra au regard-personnage. Dans ces conventions narratives particuli\u00e8res, le face-\u00e0-face pr\u00e9c\u00e8de l\u2019intra-face.<\/p>\n\n\n\n<p>En proposant une narration intra-face continue, un film au casque de RV parie sur une implication plus profonde du spectateur pour un personnage en particulier. Certains films au cin\u00e9ma ont d\u00e9j\u00e0 tent\u00e9 l\u2019exp\u00e9rience, comme\u00a0<em>Lady in the Lake<\/em>\u00a0(Robert Montgomery, 1947). Les longs plan-s\u00e9quences \u2013 n\u00e9cessitant \u00e0 l\u2019\u00e9poque une machinerie cons\u00e9quente \u2013 invitaient les spectateurs \u00e0 s\u2019identifier \u00e0 un corps hybride\u00a0: flottant comme un fant\u00f4me et pourtant reconnu par les autres personnages qui regardent l\u2019objectif de la cam\u00e9ra pour faire mine de nous\/me regarder dans les yeux)<sup>12<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n<p>Interpr\u00e9tant les coordonn\u00e9es narratives particuli\u00e8res de ce type de film, les membres du public acceptent un r\u00e9gime particulier de perception (pourvu qu\u2019ils d\u00e9cident de suivre l\u2019histoire et de ne pas quitter la salle<sup>13<\/sup>). Cet \u00e9quilibre particulier est r\u00e9guli\u00e8rement perturb\u00e9 par certains gestes du d\u00e9tective, l\u2019exemple le plus saillant concernant les miroirs. Pour figurer un croisement de regard avec lui-m\u00eame (suivant la convention \u00e9tablie par la mise en sc\u00e8ne), le h\u00e9ros me regarde droit dans les yeux en regardant l\u2019objectif de la cam\u00e9ra plac\u00e9e hors-champ<sup>14<\/sup>\u00a0et qui constituaient jusque l\u00e0 notre \u00ab\u00a0visage\u00a0\u00bb commun, le lien permettant l\u2019identification. Pr\u00e9sentant frontalement un visage dans lequel je ne me reconnais pas (un homme blanc d\u2019un certain \u00e2ge), le h\u00e9ros rappelle aussi, en la d\u00e9signant du regard, la pr\u00e9sence pourtant invisible de la cam\u00e9ra et des spectateurs log\u00e9s en secret dans un autre espace-temps de perception. La d\u00e9viation du regard provoqu\u00e9e par ce face-\u00e0-face impossible perturbe la vie trouble de l\u2019entit\u00e9 perceptive qui flottait jusque l\u00e0.<\/p>\n\n\n\n<p>Les narrations en premi\u00e8re personne au casque de RV h\u00e9ritent de ces probl\u00e9matiques et en renouvellent les tensions. Quels nouveaux \u00e9quilibres se mettent en place entre ces deux corps associ\u00e9s, quelles nouvelles possibilit\u00e9s s\u2019ouvrent dans la mise en sc\u00e8ne et quels nouveaux perturbateurs la remettent en question\u00a0? C\u2019est ce que j\u2019observerai dans des r\u00e9cits en premi\u00e8re personne de type documentaire avec, \u00e0 titre d\u2019exemple, un r\u00e9cit du projet\u00a0<em>The Library of ourselves<\/em>.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"wp-block-heading\">S\u2019approprier le visage<\/h2>\n\n\n\n<p>Au laboratoire du\u00a0CRI\u00a0(Centre de Recherche Interdisciplinaire), j\u2019ai \u00e9t\u00e9 invit\u00e9e \u00e0 suivre le r\u00e9cit en premi\u00e8re personne d\u2019un r\u00e9fugi\u00e9 syrien \u00e0 Paris. Visuellement, diff\u00e9rents d\u00e9cors illustraient un t\u00e9moignage en voix off. Le corps en amorce se mettait en mouvement et interagissait avec d\u2019autres. Ses gestes \u00e9taient visibles dans l\u2019image (son corps se d\u00e9pla\u00e7ant) ou simplement par le d\u00e9cor d\u00e9filant autour de moi (assise dans le m\u00e9tro ou marchant dans la rue, auquel cas mon corps est invit\u00e9 \u00e0 suivre l\u2019image en marchant sur place).<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-full\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"768\" height=\"432\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-2.png\" alt=\"\" class=\"wp-image-544\" srcset=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-2.png 768w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-2-300x169.png 300w\" sizes=\"(max-width: 768px) 100vw, 768px\" \/><figcaption><em>The Library of Ourselves<\/em>, BeAnotherLab, impression d\u2019\u00e9cran tir\u00e9e de la vid\u00e9o\u00a0<em>Library of Ourselves with The Machine to Be Another \u2013 project description\u00a0<\/em>\u00a0(2017)<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<p>Un acteur du toucher veille au bon d\u00e9roul\u00e9 du film, prenant en charge la constitution tactile du monde virtuel. Pr\u00e8s de moi, cet acteur\u00a0<em>en haptique\u00a0<\/em>suit sur un \u00e9cran le film que j\u2019exp\u00e9rimente au casque, pour me toucher quand d\u2019autres personnage le font, me donner ou placer strat\u00e9giquement \u00e0 la bonne place des objets pour que ma main les trouve en suivant les mouvement du personnage, ou m\u2019\u00e9venter quand je\/nous suis\/sommes dans la rue. Ce r\u00f4le particulier d\u2019un acteur ou actrice en haptique pourrait \u00eatre pens\u00e9 comme un nouveau m\u00e9tier, une branche de danseurs, ou d\u2019acteurs<sup>15<\/sup>. Cette pr\u00e9sence prend pour\u00a0<em>l\u2019immersant<\/em><sup>16<\/sup>dans le monde virtuel les traits d\u2019un autre corps, l\u2019acteur en haptique comprenant l\u2019image \u00e0 la fois comme un costume, et un partenaire de danse<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-full\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"768\" height=\"432\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-3.png\" alt=\"\" class=\"wp-image-545\" srcset=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-3.png 768w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-3-300x169.png 300w\" sizes=\"(max-width: 768px) 100vw, 768px\" \/><figcaption><em>The Library of Ourselves<\/em>, BeAnotherLab, impression d\u2019\u00e9cran tir\u00e9e de la vid\u00e9o \u00ab\u00a0Library of Ourselves with The Machine to Be Another \u2013 project description\u00a0\u00bb (2017)<strong>\u00a0<\/strong><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<h2 class=\"wp-block-heading\">Qui suit qui\u00a0? Enjeux de synchronisation<\/h2>\n\n\n\n<p>Il est capital ici de comprendre la particularit\u00e9 de cette synchronisation. En l\u2019occurrence ici, je suis des gestes des membres visibles \u00e0 l\u2019image et pr\u00e9alablement enregistr\u00e9s. Si au contraire c\u2019est \u00e0 partir des intentions de mon corps que l\u2019image s\u2019anime, l\u2019interactivit\u00e9 est plus proche du jeu vid\u00e9o, avec un avatar qui r\u00e9pondrait \u00e0 mes commandes, et provoquerait des r\u00e9actions pr\u00e9d\u00e9termin\u00e9es chez les autres personnages). Il serait alors possible de sp\u00e9cifier les corps, relativement aux individus essayant le film ou le jeu (changement de couleur de peau ou de sexe par exemple). \u00c0 ce propos, on peut s\u2019\u00e9tonner que certaines narrations immersives en premi\u00e8re personne sp\u00e9cifient des caract\u00e9ristiques physiques humaines du personnage \u00e0 incarner, quand bien m\u00eame ces informations ne sont pas n\u00e9cessaires au d\u00e9roul\u00e9e narratif. Le film&nbsp;<em>Les<\/em>&nbsp;<em>Falaises de V<\/em>&nbsp;(Laurent Bazin, 2016) par exemple, me place dans un lit d\u2019h\u00f4pital sous des draps. Le dispositif s\u2019exp\u00e9rimente dans la m\u00eame position, c\u2019est-\u00e0-dire allong\u00e9e. Le rapprochement avec le personnage est efficace jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019on sp\u00e9cifie des caract\u00e9ristiques qui me s\u00e9parent de lui&nbsp;: son genre et ses relations. La reproduction d\u2019un narrateur identifi\u00e9 comme homme cisgenr\u00e9 et h\u00e9t\u00e9rosexuel dissipe le flottement subjectif qui r\u00e9gnait jusque l\u00e0, attribu\u00e9 implicitement \u00e0 un corps hybride, fruit d\u2019une alliance entre le personnage, la machine et mon corps. D\u2019autres dispositifs laissent flotter le doute quant \u00e0 l\u2019entit\u00e9 perceptive form\u00e9e, comme c\u2019est le cas dans&nbsp;<em>I, Philip<\/em>&nbsp;(Pierre Zandrowicz, 2016) qui propose l\u2019identification \u00e0 un robot naissant, s\u2019alignant avec le corps cyborg d\u00e9butant que je forme coupl\u00e9e au casque. Pour travailler l\u2019identification, il convient donc d\u2019appr\u00e9cier les s\u00e9parations ou symbioses qui peuvent s\u2019op\u00e9rer d\u00e9pendamment de la narration. Suis-je dans une position d\u2019\u00e9coute de l\u2019autre (comme cach\u00e9e depuis l\u2019int\u00e9rieur) ou d\u2019incarnation&nbsp;?<\/p>\n\n\n\n<p>Pour m\u2019identifier au corps \u00e0 l\u2019image, je suis invit\u00e9e \u00e0 adopter la m\u00eame posture physique et \u00e0 suivre ses gestes \u2013 contrairement aux films en premi\u00e8re personne diffus\u00e9s dans le contexte d\u2019une salle de cin\u00e9ma. Le dispositif narratif compte sur cette interactivit\u00e9&nbsp;: si je n\u2019adopte pas les gestes et la posture du h\u00e9ros, les images bougent sans mon retour proprioceptif, provoquant la caract\u00e9ristique&nbsp;<em>motion sickness<\/em>, ici ind\u00e9sirable. Les r\u00e9cits de&nbsp;<em>The Library of Ourselves,<\/em>&nbsp;m\u2019invitent \u00e0 reproduire les mouvements enregistr\u00e9s du personnage, mais sans \u00eatre&nbsp; uniquement dans un rapport de suivi \u2013 et c\u2019est bien la particularit\u00e9 du dispositif \u2013 puisque je dois assumer seule les mouvements du visage, invisible dans le film aussi bien dans les expressions qui peuvent s\u2019y lire que dans la direction perceptive qu\u2019il pourrait prendre, ici effac\u00e9es par ma propre intention d\u2019actualisation des images.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"wp-block-heading\">Monstre \u00e0 deux t\u00eates. Champ visuel et champ attentionnel<\/h2>\n\n\n\n<p>Par cons\u00e9quent, mes expressions faciales (dans la mesure permise par le casque) peuvent entrer en contradiction avec celles que mon personnage \u00ab&nbsp;aurait fait&nbsp;\u00bb, s\u2019il m\u2019est permis de deviner et d\u2019anticiper des comportements sociaux de base (qui agissent avec un temps de retard, \u00e0 partir de la&nbsp;<em>r\u00e9action<\/em>&nbsp;d\u2019un autre personnage d\u00e9finissant apr\u00e8s coup l\u2019expression que mon personnage faisait). Par exemple, lorsqu\u2019un autre personnage me regarde dans les yeux, il ne regarde pas l\u2019unique point focal de la cam\u00e9ra mais une position pr\u00e9cise, si bien que je peux ne pas r\u00e9cup\u00e9rer le croisement de regard. Mon personnage produit alors un comportement socialement inappropri\u00e9 qui n\u2019est pas pris en compte dans la narration (\u00ab&nbsp;pourquoi tu ne me regardes pas&nbsp;?&nbsp;\u00bb).<\/p>\n\n\n\n<p>Avec le contr\u00f4le que j\u2019ai sur l\u2019actualisation des images par les mouvements de ma t\u00eate, et donc l\u2019endroit o\u00f9 se pose le regard, les intentions gestuelles de ce corps sont donc partag\u00e9es, en quelques sorte d\u00e9chir\u00e9es (sorte de monstre \u00e0 deux t\u00eates (!)) entre mon corps portant le casque et celui vivant le r\u00e9cit.<\/p>\n\n\n\n<p>Les plans de&nbsp;<em>Lady in the Lake<\/em>&nbsp;sont confront\u00e9s \u00e0 la m\u00eame probl\u00e9matique dans la mesure o\u00f9 le cadre agit \u00e0 deux niveaux, celui du champ de vision, et celui de l\u2019attention port\u00e9e sur des \u00e9l\u00e9ments sp\u00e9cifiques de ce champ de vision. Comme spectatrice, je dois donc peut-\u00eatre voir \u00ab&nbsp;plus loin&nbsp;\u00bb que le h\u00e9ros, ce \u00e0 quoi il n\u2019aurait pas pr\u00eat\u00e9 attention, ou au contraire, ce qu\u2019il rep\u00e8re et qui lui permet de r\u00e9soudre l\u2019enqu\u00eate mais qu\u2019il n\u2019explicite pas \u00e0 l\u2019oral ou qui n\u2019est pas explicit\u00e9 par un mouvement de cam\u00e9ra, la construction de l\u2019image ou des effets de montage. Les mouvements de t\u00eate du h\u00e9ros (de la cam\u00e9ra donc) ne sont pas solidaires de ses mouvements attentionnels.<\/p>\n\n\n\n<p>Par exemple, faisant face \u00e0 une \u00e9ditrice cherchant un papier, le h\u00e9ros indique apr\u00e8s un moment l\u2019emplacement du papier, en bord cadre. Avec un temps de retard, la spectatrice que je suis et qui \u00e9tait concentr\u00e9e sur le visage de l\u2019\u00e9ditrice, rejoint le regard du h\u00e9ros (en m\u00eame temps que la main de l\u2019\u00e9ditrice) l\u00e0 o\u00f9 \u00e9tait le papier. Ce type de retournement fait de l\u2019image un terrain de jeu, dont les lignes de forces peuvent \u00eatre d\u00e9jou\u00e9es. Je ne suis pas seulement l\u2019histoire polici\u00e8re, je cherche \u00e0 trouver des indices dans l\u2019image pour r\u00e9soudre l\u2019enqu\u00eate&nbsp;<em>avec<\/em>&nbsp;le h\u00e9ros. La narration au casque att\u00e9nue la scission en me permettant de&nbsp;<em>faire suivre<\/em>&nbsp;au personnage la direction de mon propre regard dans le monde di\u00e9g\u00e9tique. L\u2019interactivit\u00e9 est ainsi partag\u00e9e entre mon corps suivant le corps \u00e0 l\u2019image et mon visage, d\u2019une certaine fa\u00e7on suivi par le personnage.<\/p>\n\n\n\n<p>L\u2019identification au casque repose donc sur l\u2019a priori que je \u00ab&nbsp;joue&nbsp;\u00bb le mieux possible le r\u00f4le qu\u2019on me donne. Mais l\u00e0 aussi, l\u2019image qui m\u2019entoure d\u00e9crit un terrain de jeu \u00e0 explorer, et prend le risque de me d\u00e9solidariser du personnage (d\u2019autant plus que la pratique des films au casque de RV est assez occasionnelle \u00e0 l\u2019heure actuelle pour que l\u2019aspect in\u00e9dit du dispositif, \u00e0 savoir l\u2019actualisation de l\u2019image par les mouvements de ma t\u00eate, soit largement parcouru). L\u2019examen de l\u2019image dans laquelle je suis immerg\u00e9e peut m\u2019emp\u00eacher de m\u2019immerger dans la narration d\u00e9velopp\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"wp-block-heading\">Corps-\u00e0-corps\u00a0: le rapport de force<\/h2>\n\n\n\n<p>La situation narrative ici en place, parce qu\u2019elle d\u00e9pend de moi, implique un rapport de force \u00e0 l\u2019endroit du corps discrimin\u00e9.\u00a0<em>The Library of Ourselves<\/em>\u00a0se concentre en effet sur le r\u00e9cit de minorit\u00e9s ou de groupe opprim\u00e9s<sup>17<\/sup>. Les narrations invitent un public particulier \u00e0 se confronter \u00e0 un membre d\u2019un groupe qui lui est \u00e9trang\u00e9. L\u2019ambition du dispositif consiste donc \u00e0 faire cohabiter deux intentions\u00a0: la mienne, et celle de l\u2019\u00e9tranger expos\u00e9e devant moi. D\u2019un m\u00eame mouvement, je suis invit\u00e9e \u00e0 consid\u00e9rer la diff\u00e9rence qui nous s\u00e9pare, et \u00e0 me rapprocher.<\/p>\n\n\n\n<p>Ce mouvement contradictoire me place dans une situation ambigu\u00eb. En me laissant prendre une forme de contr\u00f4le sur son corps, lui refusant plastiquement son ind\u00e9pendance et sa diff\u00e9rence en lui niant son visage, le dispositif me place dans une position d\u2019appropriation de l\u2019autre. En pr\u00e9tendant \u00e0 une forme de fusion, je refuse \u00e0 l\u2019autre la possibilit\u00e9 de m\u2019interpeller, je ne prends pas concr\u00e8tement le risque de sa pr\u00e9sence<sup>18<\/sup>. Je ne suis pas dans la situation du h\u00e9ros, mais dans un espace de projection de film duquel je peux sortir \u00e0 tout moment.<\/p>\n\n\n\n<p>Mon mouvement empathique vis-\u00e0-vis du personnage trouve l\u00e0 une marche de man\u0153uvre complexe, travaillant dans l\u2019\u00e9cart, non pas du face-\u00e0-face, mais de l\u2019intra-face (entre nos deux faces voyantes). Les indices pour comprendre l\u2019autre sont concentr\u00e9s dans la voix off et les d\u00e9cors, mais dont l\u2019analyse est parasit\u00e9e par la prise en charge n\u00e9cessaire du corps. \u00c0 la fois je suis invit\u00e9e \u00e0 \u00e9couter le r\u00e9cit d\u2019un autre, pour le d\u00e9couvrir comme diff\u00e9rent de moi (face-\u00e0-face), en m\u00eame temps que je dois m\u2019identifier \u00e0 cette personne en suivant ses gestes comme s\u2019il s\u2019agissait des miens (intra-face).<\/p>\n\n\n\n<p>La simulation incarn\u00e9e ici ne provoque pas n\u00e9cessairement un mouvement empathique plus ample, dans la mesure o\u00f9 elle refuse une part des indices n\u00e9cessaires \u00e0 l\u2019interpr\u00e9tation des \u00e9motions de l\u2019autre, et que c\u2019est \u00e0 mon corps de combler ces lacunes. Or, en poussant la situation \u00e0 bout, si l\u2019autre venait \u00e0 dispara\u00eetre, niant la diff\u00e9rence qui nous caract\u00e9rise, la s\u00e9paration annul\u00e9e annulerait aussi le mouvement empathique. Les narrations au casque de RV sont prises dans ce paradoxe (savoir que je ne suis pas l\u2019autre tout en faisant comme si j\u2019\u00e9tais l\u2019autre). Le collectif BeAnotherLab propose un autre type de dispositif qui me semble r\u00e9soudre ce questionnement.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"wp-block-heading\">R\u00e9sistance du visage<\/h2>\n\n\n\n<p>Le dispositif de\u00a0<em>The Machine to be Another<\/em><sup>19<\/sup>, n\u00e9cessite deux participants. Nous\u00a0portons chacune un casque de RV mont\u00e9 d\u2019une cam\u00e9ra. Les images diffus\u00e9es dans le casque de l\u2019une sont celles g\u00e9n\u00e9r\u00e9es en direct \u00e0 partir de la cam\u00e9ra port\u00e9e par l\u2019autre et inversement. Je vois donc les images produites par la cam\u00e9ra port\u00e9e par l\u2019autre, depuis un autre espace perceptif. Je confonds d\u2019une certaine mani\u00e8re mon visage percevant avec celui de l\u2019autre, ou plut\u00f4t une cam\u00e9ra anim\u00e9e par le visage de l\u2019autre. Dans cette situation, nous pouvons avoir l\u2019impression d\u2019\u00e9changer nos points de vues puisque nous voyons chacune en direct ce que l\u2019autre voit.<\/p>\n\n\n\n<p>L\u2019identification \u00e0 l\u2019autre qui serait activ\u00e9e par l\u2019\u00e9change de nos points de vues encouragerait, selon le collectif, le d\u00e9veloppement de l\u2019empathie, le dispositif me permettant de voir \u00ab&nbsp;\u00e0 travers le regard de l\u2019autre&nbsp;\u00bb.<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-full\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"768\" height=\"432\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-4.png\" alt=\"\" class=\"wp-image-546\" srcset=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-4.png 768w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-4-300x169.png 300w\" sizes=\"(max-width: 768px) 100vw, 768px\" \/><figcaption><em>The Machine to be Another<\/em>, BeAnotherLab, 2018, image Alice Lenay<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<h2 class=\"wp-block-heading\">Coordination. Ou comment danser avec l\u2019image\u00a0?<\/h2>\n\n\n\n<p>Pour que l\u2019identification r\u00e9ciproque fonctionne, que l\u2019\u00ab&nbsp;\u00e9change&nbsp;\u00bb se fasse (le collectif parle de&nbsp;<em>body swap<\/em>), il faut donc que nos mouvements soient synchrones&nbsp;: si je l\u00e8ve la main, tu l\u00e8veras aussi la main pour que le mouvement de ton corps corresponde \u00e0 la vue que tu as. Pour que j\u2019ai l\u2019impression de bouger avec ce nouveau corps, de produire les gestes qu\u2019il op\u00e8re, il me faut suivre l\u2019image. Certains moments de l\u2019exp\u00e9rience laisse sentir une meneuse et une suiveuse, mais en \u00e9tant toutes deux attentives aux mouvements de l\u2019image, et en produisant des gestes lents, nous en venons \u00e0 ne plus savoir qui initie quels mouvements. L\u2019image semble r\u00e9pondre sensiblement \u00e0 mon intention.<\/p>\n\n\n\n<p>Le dispositif peut ne pas fonctionner, soit parce que nous ne sommes pas attentives l\u2019une \u00e0 l\u2019autre (l\u00e0 aussi il y a interf\u00e9rence entre mon attention et mon champ visuel&nbsp;: je peux regarder le bord gauche de mon champ visuel, alors qu\u2019en bord droit ma partenaire d\u00e9place sa main, ce qui m\u2019emp\u00eache de la suivre), soit au contraire parce que la connexion fonctionne trop bien et que les corps sont similaires (lors de mes observations, deux hommes blancs du m\u00eame \u00e2ge n\u2019ont pas compris qu\u2019ils voyaient l\u2019image d\u2019un autre corps). Pr\u00e9cisons que la qualit\u00e9 de l\u2019image et la luminosit\u00e9 de la salle ne donnent pas une impression visuelle claire et pr\u00e9cise.<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-full\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"768\" height=\"432\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-5.png\" alt=\"\" class=\"wp-image-547\" srcset=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-5.png 768w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-5-300x169.png 300w\" sizes=\"(max-width: 768px) 100vw, 768px\" \/><figcaption><em>The Machine to be Another<\/em>, BeAnotherLab, 2018, image Alice Lenay<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<p>La fiction ne s\u2019accomplit que dans une attention fine \u00e0 l\u2019autre, d\u00e9ploy\u00e9e \u00e0 partir de l\u2019image et du suivi des gestes qui s\u2019y inscrivent. Mes gestes s\u2019appuient \u00e0 la fois sur ma perception visuelle (charg\u00e9e de ta pr\u00e9sence) et ma perception kin\u00e9sique (qui suit l\u2019image). L\u2019\u00e9quilibre du corps-capteur d\u00e9pend de la coop\u00e9ration de l\u2019autre. Nous devenons co-d\u00e9pendantes l\u2019une de l\u2019autre, travaillant conjointement pour synchroniser les images (sans que nous puissions v\u00e9rifier cette correspondance visuelle&nbsp;: la concordance s\u2019\u00e9tablit seulement entre le mouvement \u00e0 l\u2019image et la sensation proprioceptive). Nous imitant l\u2019une l\u2019autre nous finissons, non pas par \u00e9changer de corps, mais par confondre nos corps en deux endroits. Il n\u2019y a plus deux corps, mais deux fois un corps-capteur, alliage du dispositif technique et des intentions d\u2019une autre.<\/p>\n\n\n\n<p>En plus de l\u2019aspect visuel (un casque audio diffuse une nappe musicale pour nous isoler de l\u2019environnement hors-casque et nous donner des indications sur les diff\u00e9rentes \u00e9tapes \u00e0 suivre), deux m\u00e9diatrices ou&nbsp;<em>performeuses en haptique<\/em>&nbsp;s\u2019emploient \u00e0 nous donner des retours tactiles du \u00ab&nbsp;nouveau corps&nbsp;\u00bb que nous incarnons. Ces performeuses-m\u00e9diatrices se basent sur deux \u00e9crans plac\u00e9s au dessus de nous, dont les images correspondent \u00e0 celles diffus\u00e9es au casque. Suivant une partition orale et gestuelle commune, les performeuses se synchronisent en se tournant le dos, s\u2019accordant l\u2019une et l\u2019autre \u00e0 partir de l\u2019image, dansant, l\u00e0 aussi, avec l\u2019image. Le toucher permet effectivement d\u2019appuyer l\u2019identification \u00e0 ce corps qui n\u2019est pas le mien en jouant sur une confusion de sensations&nbsp;: je per\u00e7ois&nbsp;<em>tactilement<\/em>&nbsp;ce corps&nbsp;<em>visuel<\/em>&nbsp;qui n\u2019est pas le \u00ab&nbsp;bon&nbsp;\u00bb (c\u2019est-\u00e0-dire qui ne renvoie pas l\u2019image habituelle de mon corps).<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-full\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"768\" height=\"432\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-6.png\" alt=\"\" class=\"wp-image-548\" srcset=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-6.png 768w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-6-300x169.png 300w\" sizes=\"(max-width: 768px) 100vw, 768px\" \/><figcaption><em>The Machine to be Another<\/em>, BeAnotherLab, 2018, image Alice Lenay<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-full\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"768\" height=\"432\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-7.png\" alt=\"\" class=\"wp-image-549\" srcset=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-7.png 768w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-7-300x169.png 300w\" sizes=\"(max-width: 768px) 100vw, 768px\" \/><figcaption><em>The Machine to be Another<\/em>, BeAnotherLab, 2018, image Alice Lenay<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<h2 class=\"wp-block-heading\">Mon corps-pour-autrui \u00e0 travers le miroir d\u00e9form\u00e9<\/h2>\n\n\n\n<p>La suite du protocole de l\u2019exp\u00e9rience consiste \u00e0 lever les \u00ab&nbsp;yeux&nbsp;\u00bb du reste de mon corps virtuel pour faire face \u00e0 un miroir, voyant un reflet qui me r\u00e9pond (suit mes mouvements), mais qui reste le corps de l\u2019autre. Difficile cependant de faire r\u00e9ellement face au reflet dans la mesure o\u00f9 le visage est largement cach\u00e9 par le casque.<\/p>\n\n\n\n<p>Puis le miroir qui se trouvait entre nous deux est retir\u00e9. Je suis alors face \u00e0 \u00ab&nbsp;moi-m\u00eame&nbsp;\u00bb, c\u2019est-\u00e0-dire face \u00e0 l\u2019image de mon propre corps tentant d\u2019imiter l\u2019image que je vois. Ce face-\u00e0-face n\u2019agit pas en miroir&nbsp;: en levant la main droite, le corps face \u00e0 moi l\u00e8ve aussi la main droite (et non la main gauche comme au miroir). Ce biais saisissant implique l\u2019accompagnement des performeuses qui nous aident \u00e0 nous lever et nous accompagnent l\u2019une vers l\u2019autre.<\/p>\n\n\n\n<p>Je suis amen\u00e9e \u00e0 consid\u00e9rer la perception de l\u2019autre sur mon corps&nbsp;: moi-m\u00eame vue depuis la perspective d\u2019une autre personne, mon corps-objet, corps-pour-autrui. Ce corps que je vois est bien celui que je suis en train de sentir et d\u2019activer en direct, bien que mes gestes soient encore contraints par notre co-d\u00e9pendance. Derri\u00e8re mon image, je devine la pr\u00e9sence de l\u2019autre et sa propre activit\u00e9 d\u2019identification (je ne suis pas seule dans cette perception de mon propre corps). Le tour de force de l\u2019op\u00e9ration consiste justement \u00e0 consid\u00e9rer non pas seulement l\u2019identification que je peux d\u00e9velopper vis-\u00e0-vis d\u2019un autre corps, mais l\u2019identification qui anime l\u2019autre vis-\u00e0-vis de mon propre corps devenu pour elle image. Le face-\u00e0-face avec moi-m\u00eame d\u00e9joue l\u2019effet miroir en ouvrant concr\u00e8tement mon image \u00e0 la perception de l\u2019autre.<\/p>\n\n\n\n<p>Les m\u00e9diatrices connectent alors nos mains l\u2019une \u00e0 l\u2019autre. L\u2019exp\u00e9rience se termine par ce contact avec moi-m\u00eame, sous le toucher du corps de l\u2019autre (poign\u00e9e de main qui parfois devient \u00e9treinte ou danse). Je saisie et suis saisie par l\u2019autre (qui s\u2019enlace aussi elle-m\u00eame). On retrouve ici la r\u00e9ciprocit\u00e9 originaire du toucher&nbsp;: je suis toujours touch\u00e9e par ce que je touche.<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-full\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"768\" height=\"432\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-8.png\" alt=\"\" class=\"wp-image-550\" srcset=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-8.png 768w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-8-300x169.png 300w\" sizes=\"(max-width: 768px) 100vw, 768px\" \/><figcaption><em>The Machine to be Another<\/em>, BeAnotherLab, 2018, image Alice Lenay<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<p>Deux partenaires jouent \u00e0 \u00ab&nbsp;toucher&nbsp;\u00bb leur visage perceptif. Du regard-cam\u00e9ra au toucher-cam\u00e9ra\u2026<\/p>\n\n\n\n<p>En produisant un rapprochement plus intime, ce toucher final pose aussi la question du consentement, la situation sociale \u00e9tant reconfigur\u00e9e par le dispositif&nbsp;: aurais-je ainsi touch\u00e9 le corps d\u2019un autre s\u2019il n\u2019avait prit les traits familiers de mon propre corps&nbsp;? L\u2019image agit l\u00e0 aussi comme un d\u00e9guisement ou un masque qui, bien qu\u2019identifi\u00e9 comme tel, influence mon comportement vis-\u00e0-vis de l\u2019autre. Enla\u00e7ant ma partenaire, je perds le contact visuel avec l\u2019image de mon corps et la chaleur du corps de l\u2019autre me rappelle alors sa pr\u00e9sence charnelle. Le contact final r\u00e9affirme alors l\u2019h\u00e9t\u00e9rog\u00e9n\u00e9it\u00e9 de nos peaux.<\/p>\n\n\n\n<p>Retirant le casque, je retrouve imm\u00e9diatement celle avec laquelle j\u2019ai partag\u00e9 l\u2019exp\u00e9rience, contrairement \u00e0 d\u2019autres exp\u00e9riences au casque qui me laisse seule, d\u00e9tach\u00e9e du corps investi pendant l\u2019exp\u00e9rience.<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-full\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"768\" height=\"432\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-9.png\" alt=\"\" class=\"wp-image-551\" srcset=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-9.png 768w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/10\/Lenay-9-300x169.png 300w\" sizes=\"(max-width: 768px) 100vw, 768px\" \/><figcaption><em>The Machine to be Another<\/em>, BeAnotherLab, 2018, image Alice Lenay<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<h2 class=\"wp-block-heading\">The Machine to be with one Another\u2026<\/h2>\n\n\n\n<p><em>The Machine to be Another<\/em>\u00a0d\u00e9ploie l\u2019exploration d\u2019un contact et d\u2019une r\u00e9sistance entre nous. En effet, l\u2019ambition d\u2019atteindre l\u2019autre en configurant un dispositif qui vise \u00e0 me mettre \u00e0 sa place, comme au-del\u00e0 des limites de sa peau, r\u00e9v\u00e8le une r\u00e9sistance, celle d\u2019une alt\u00e9rit\u00e9 qui ne peut se laisser contenir. L\u2019autre m\u2019\u00e9chappe, il r\u00e9siste \u00e0 mon contr\u00f4le<sup>20<\/sup>. L\u2019identification en premi\u00e8re personne consiste en un embo\u00eetement flottant, d\u00e9crivant les \u00e9carts o\u00f9 s\u2019\u00e9labore notre attention mutuelle.<\/p>\n\n\n\n<p>L\u2019empathie en jeu ici, s\u2019il nous est encore permis de parler d\u2019empathie, consiste plut\u00f4t en l\u2019aveu pr\u00e9alable de l\u2019impossibilit\u00e9 litt\u00e9rale de se mettre \u00e0 la place de l\u2019autre \u2013 l\u2019ultime r\u00e9alit\u00e9 virtuelle, c\u2019est toi (!) \u2013. L\u2019identification est d\u00e9tourn\u00e9e, pour faire na\u00eetre une reconnaissance r\u00e9ciproque&nbsp;: l\u2019intra-face redevient en quelque sorte face-\u00e0-face, au sens o\u00f9 mon intention se confronte \u00e0 la tienne, y est encha\u00een\u00e9e. Le dispositif me rend donc plus sensible \u00e0 la posture de l\u2019autre, \u00e0 ses intentions gestuelles ou \u00e0 la forme de son corps (t\u00eate et cou non compris), mais je n\u2019ai pas acc\u00e8s \u00e0 ses \u00e9motions ou ses sentiments&nbsp;: comment me figurer en effet cette \u00ab&nbsp;int\u00e9riorit\u00e9&nbsp;\u00bb sans indices expressifs du visage, et sans contexte&nbsp;?<\/p>\n\n\n\n<p>De pr\u00e9c\u00e9dentes exp\u00e9riences ont cherch\u00e9 \u00e0 connecter des corps dont l\u2019aspect ext\u00e9rieur \u00e9tait explicitement diff\u00e9rent&nbsp;: corps d\u2019homme ou de femme, handicap\u00e9s ou non, ou de couleurs diff\u00e9rentes. Cependant, l\u2019exp\u00e9rimentation en laboratoire de la forme de ses corps ne donne pas une id\u00e9e du quotidien qu\u2019\u00e9prouve un tel corps, du regard des autres pos\u00e9s sur lui, non plus des sensations physiques, et du v\u00e9cu \u00e9motionnel.<\/p>\n\n\n\n<p>Une exp\u00e9rience comme\u00a0<em>The Machine to be Another<\/em>\u00a0ne prend donc pas son effet dans la seule identification au corps de l\u2019autre, mais plut\u00f4t dans la sensation de son impossibilit\u00e9, la r\u00e9alisation qu\u2019une saisie totale et fusionnelle est impossible. C\u2019est au plus pr\u00e8s de l\u2019autre, alors m\u00eame que la synchronie s\u2019accomplit et me donne l\u2019impression d\u2019agir l\u2019image du corps, que les l\u00e9gers \u00e9carts d\u00e9crivent des ab\u00eemes o\u00f9 se r\u00e9v\u00e8le la pr\u00e9sence de l\u2019autre<sup>21<\/sup>. Le spectaculaire n\u2019est pas l\u2019effet de \u00ab\u00a0changer de corps\u00a0\u00bb, mais bien la sensation d\u2019alt\u00e9rit\u00e9 dans une image que j\u2019occupe\u00a0<em>avec<\/em>\u00a0l\u2019autre\u00a0: non pas\u00a0<em>The Machine to be Another\u00a0<\/em>mais\u00a0<em>The Machine to be with one another<\/em>. L\u2019investigation n\u2019est pas tant celle de l\u2019empathie que du terrain commun que nous occupons chacune, non pas avec ce qu\u2019il y a dans l\u2019autre, ou depuis l\u2019autre, mais ce qu\u2019il y a entre nous. Le casque de RV ne me fait pas acc\u00e9der \u00e0 ce que l\u2019autre sent et ressent, il m\u2019invite plut\u00f4t \u00e0 me tourner vers ma propre perception, pour comprendre comment la pr\u00e9sence de l\u2019autre m\u2019affecte, me constitue.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"has-medium-font-size wp-block-heading\">Notes<\/h2>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[1] Communiqu\u00e9 de presse pour\u00a0<em>Carne y Arena<\/em>\u00a0d\u2019Alejandro G. I\u00f1arritu, 2017 &lt;<a href=\"http:\/\/www.fondazioneprada.org\/project\/carne-y-arena\/?lang=en\">http:\/\/www.fondazioneprada.org\/project\/carne-y-arena\/?lang=en<\/a>\/>\u00a0: \u00ab\u00a0Inarritu turns the exchange\u00a0 between vision and experience into a process of osmosis in which the duality between the organic body and the artificial body is dissolved. A fusion of identities arises: a psychophysical unity [\u2026] It is a revolution in communication in which seeing is transformed into feeling and into a physical engagement with cinema: a transition from the screen to the gaze of the human being\u00a0\u00bb. Voir \u00e0 ce sujet l\u2019article \u00e0 para\u00eetre d\u2019Anna Caterina Dalmasso, \u00ab\u00a0R\u00e9alit\u00e9 virtuelle et \u00e9carts du sensible. carne y arena de A. G. I\u00f1arritu\u00a0\u00bb.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[2] \u00ab\u00a0WHAT WOULD THE WORLD BE LIKE IF ONE COULD SEE THROUGH THE EYES OF ANOTHER? WOULD IT HELP US TO UNDERSTAND EACH OTHER? WOULD IT HELP US TO UNDERSTAND OURSELVES?\u00a0\u00bb, site web du dispositif\u00a0<em>The Machine to be Another<\/em>, &lt;<a href=\"http:\/\/www.themachinetobeanother.org\/?page_id=764\">http:\/\/www.themachinetobeanother.org\/?page_id=764<\/a>> ; Philippe Bertrand <em>et al.<\/em>, \u00ab\u00a0Learning empathy through virtual reality: Multiple strategies for training empathy-related abilities using body ownership Illusions in embodied virtual reality\u00a0\u00bb,\u00a0<em>Frontiers in Robotics and AI<\/em>, vol. 5, 2018.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[3] <em>Ibid.,<\/em>\u00a0\u00ab\u00a0Empathy can be defined as feeling the same emotion as another observed individual without mixing it with one\u2019s own direct experience\u00a0\u00bb, p. 2.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[4] \u00ab\u00a0One way to understand virtual reality, therfore, is as a remediation of the subjective style of film, an exercise in identification through occupying a visual point of view.\u00a0\u00bb, Jay David Bolter et Richard A. Grusin,\u00a0<em>Remediation: Understanding new media<\/em>, Cambridge, Massachusetts \u2013 London, England, MIT Press, 2000, 165\u2011166.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[5] Anna Caterina Dalmasso, \u00ab\u00a0R\u00e9alit\u00e9 virtuelle et \u00e9carts du sensible.\u00a0<em>Carne y Arena<\/em>\u00a0de A. G. I\u00f1arritu\u00a0\u00bb, \u00e0 para\u00eetre.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[6] Voir notamment, Pierre Barboza et Jean-Louis Weissberg, \u00ab\u00a0L\u2019image-act\u00e9e\u00a0\u00bb, Paris, L\u2019Harmattan, coll: \u00ab\u00a0Champs Visuels\u00a0\u00bb, 2006.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[7] Le fameux \u00ab\u00a0Je sais bien, mais quand m\u00eame\u00a0\u00bb qui constitue un des chapitres d\u2019Octave Mannoni,\u00a0<em>Clefs pour l\u2019imaginaire: ou, l\u2019Autre sc\u00e8ne<\/em>, Paris, du Seuil, 1985 [1969].<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[8] Selon Bolter et Grusin, le casque s\u2019inscrit comme \u00ab\u00a0remediating other point-of-view technologies and especially film [\u2026] One way to understand virtual reality, therfore, is as a remediation of the subjective style of film, an exercise in identification through occupying a visual point of view.\u00a0\u00bb, pp. 165-166.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[9] <em>Ibid.<\/em>, \u00ab\u00a0More than any other medium of human communication, the moving picture makes itself sensuously and sensibly manifest as the expression of experience by experience. A film is an act of seeing that makes itself seen, and act oh hearing that makes itself heard, an act of physical and reflective movement that makes itself reflexively felt and understood.\u00a0\u00bb, p. 3-4. Pour le dire avec Ruggero Eugeni (<em>Ibid.<\/em>), le film est v\u00e9cu corporellement par le spectateur qui fait \u00ab\u00a0l\u2019exp\u00e9rience d\u2019une expression\u00a0\u00bb. Voir \u00e9galement Thomas Elsaesser et Malte Hagener,\u00a0<em>Le cin\u00e9ma et les sens: th\u00e9orie du film<\/em>, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, (coll: \u00ab\u00a0Le Spectaculaire Cin\u00e9ma\u00a0\u00bb), 2011.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[10] C\u2019est \u00e9galement la question que se pose Philippe B\u00e9dard\u00a0: \u00ab\u00a0Pourquoi se fait-il qu\u2019en r\u00e9ponse aux transformations impos\u00e9es par de nouveaux dispositif plus \u00ab\u00a0subjectifs\u00a0\u00bb (qualificatif qu\u2019il faut encore d\u00e9finir), le cin\u00e9ma se soit rabattus sur des strat\u00e9gies formelles et narratives propres au s\u00e9quences de films \u00ab\u00a0\u00e0 la premi\u00e8re personne\u00a0\u00bb\u00a0? Comment peut-on rationaliser cette tendance du cin\u00e9ma \u00e0 enchev\u00eatrer immersion et subjectivit\u00e9 \u00e0 l\u2019aune de sa transformation aux mains des technologies de la r\u00e9alit\u00e9 virtuelle\u00a0?\u00a0\u00bb<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[11] Qu\u2019il me soit permis de renvoyer \u00e0 mon article sur la question. Alice Lenay, \u00ab\u00a0Le regard-cam\u00e9ra\u202f: variation de distances\u00a0\u00bb,\u00a0<em>R\u00e9el \/ Virtuel<\/em>, n<sup>o<\/sup>\u00a05, 2016, &lt;<a href=\"http:\/\/www.reel-virtuel.com\/numeros\/numero5\/lorsque-lecran-revele-le-hors-ecran\/Le-regard-camera\">http:\/\/www.reel-virtuel.com\/numeros\/numero5\/lorsque-lecran-revele-le-hors-ecran\/Le-regard-camera<\/a>>.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[12] Pascal Bonitzer,\u00a0<em>Le champ aveugle\u202f: Essais sur le r\u00e9alisme au cin\u00e9ma<\/em>, Paris, Gallimard, (Petite biblioth\u00e8que des Cahiers du cin\u00e9ma), 1999\u00a0: \u00ab\u00a0Ce n\u2019est pas une r\u00e9ussite. La cam\u00e9ra subjective est une technique artificielle, na\u00efve en ce sens qu\u2019elle ne restitue pas, contrairement \u00e0 ce que croient ceux qui en font usage, une vision \u00bbnaturelle \u00bb, enfin lassante pour le public priv\u00e9, comme on l\u2019a not\u00e9, du visage du h\u00e9ros et donc de cette fameuse \u00bbidentification \u00bb qui le passionne pour ses aventures. Cette privation du visage appara\u00eet dans le film comme insistante, redondante, ce qui n\u2019est \u00e9videmment pas le cas du r\u00e9cit \u00e9crit. Le visage n\u2019est pas le\u00a0<em>je<\/em>.\u00a0<em>La Dame du lac<\/em>\u00a0fait donc fonctionner, involontairement, une \u00e9nigme parasitaire, celle du visage du h\u00e9ros (certes, on conna\u00eet ce visage par le d\u00e9but du film et de brefs plans de miroirs, mais pourquoi d\u00e8s lors le d\u00e9rober?), alors m\u00eame que celui-ci se trouve devoir d\u00e9brouiller l\u2019\u00e9cheveau d\u2019une intrigue complexe.\u00a0\u00bb, p. 57.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[13] Voir \u00e0 sa sortie le texte court et assassin de Chris Marker, \u00ab\u00a0L\u2019imparfait du subjectif\u00a0\u00bb,\u00a0<em>Esprit<\/em>, vol. 9, (septembre 1948), pp. 387\u2011391.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[14] <em>Ibid.<\/em>, \u00ab\u00a0cette invraisemblable sc\u00e8ne du miroir enfin, o\u00f9, apr\u00e8s que Miss Totter a fait faire un curieux d\u00e9tour au dit miroir afin d\u2019\u00e9viter le reflet de la cam\u00e9ra, Montgomery se regarde, grimace et\u00a0<em>ferme les yeux<\/em>\u00a0\u2013 et se voit fermer les yeux. Ce n\u2019est plus de la subjectivit\u00e9, c\u2019est du fakirisme.\u00a0\u00bb, p. 388.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[15] Par exemple le spectacle m\u00ealant danse et casque de r\u00e9alit\u00e9 virtuelle de Daniel Gonz\u00e1lez et Marguerita Bergamo,\u00a0<em>Eve \u2013 Dance is an unplaceable place \/ Eve \u2013 La danse est un espace sans lieu<\/em>, Pr\u00e9sent\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9difice Wilder \u2013 Espace danse, Montr\u00e9al (CA), 2018,\u00a0<a href=\"https:\/\/nouveaucinema.ca\/fr\/films\/eve-dance-is-an-unplaceable-place\">https:\/\/nouveaucinema.ca\/fr\/films\/eve-dance-is-an-unplaceable-place<\/a><\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[16] Char Davies, \u00ab\u00a0Virtual space\u00a0\u00bb,\u00a0<em>Space: In science, art and society<\/em>, 2004, 69\u2013104 &lt;<a href=\"http:\/\/www.immersence.com\/publications\/char\/2004-CD-Space.html\">http:\/\/www.immersence.com\/publications\/char\/2004-CD-Space.html<\/a>>. Voir \u00e9galement le site consacr\u00e9 \u00e0 son travail &lt;<a href=\"http:\/\/www.immersence.com\/\">http:\/\/www.immersence.com\/<\/a>><\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[17] Le dispositif est promu comme un facilitateur d\u2019empathie, pens\u00e9 pour des applications socio-politiques. Le collectif est par exemple intervenu en 2015 \u00e0 l\u2019Assembl\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale des Nations Unies pour faire essayer \u00e0 des d\u00e9l\u00e9gu\u00e9s l\u2019exp\u00e9rience associ\u00e9e \u00e0 Nicole Goodwin, po\u00e9tesse am\u00e9ricaine qui a fait la guerre en Irak. Le dispositif a \u00e9galement \u00e9t\u00e9 propos\u00e9 dans le camp de r\u00e9tention pour r\u00e9fugi\u00e9s \u00e0 Holot. Des citoyens isra\u00e9liens \u00e9taient invit\u00e9s \u00e0 se mettre dans la peau de r\u00e9fugi\u00e9s soudanais, pour \u00ab\u00a0\u00e9prouver leur impuissance\u00a0\u00bb explique Philippe Bertrand\u00a0: \u00ab\u00a0Nous voulons faire entendre la voix de groupes sociaux qui sont dans des situations pr\u00e9caires ou stigmatisantes.\u00a0\u00bb, Floriane Laurichesse et Philippe Bertrand, \u00ab\u00a0\u201cCar Je est un autre\u201d, Entretien avec Philippe Bertrand, membre de BeAnotherLab\u00a0\u00bb, Interview, 19 septembre 2016 &lt;<a href=\"https:\/\/balises.bpi.fr\/culture-numerique\/car-je-est-un-autre\">https:\/\/balises.bpi.fr\/culture-numerique\/car-je-est-un-autre<\/a>>.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[18] \u00ab\u00a0L\u2019id\u00e9e d\u2019un amour qui serait une confusion entre deux \u00eatres est une fausse id\u00e9e romantique. Le path\u00e9tique de la relation \u00e9rotique, c\u2019est le fait d\u2019\u00eatre deux, et que l\u2019autre y est absolument autre.\u00a0\u00bb, Emmanuel Levinas,\u00a0<em>\u00c9thique et infini<\/em>, Paris, Le livre de Poche, (collection \u00ab\u00a0Biblio Essais\u00a0\u00bb), 1984, p. 58.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[19] Pour d\u00e9crire le dispositif\u00a0<em>The Machine to be Another<\/em><em>, je m\u2019appuie sur la configuration qui \u00e9tait propos\u00e9e en f\u00e9vrier dernier au 104, \u00e0 l\u2019occasion de l\u2019exposition \u00ab\u00a0Les\u00a0 Faits du Hasard\u00a0\u00bb &lt;http:\/\/www.104.fr\/fiche-evenement\/les-faits-du-hasard-exposition.html>, du 9 d\u00e9cembre 2017 au 4 mars 2018. J\u2019ai eu l\u2019occasion de faire l\u2019exp\u00e9rimentation de ce protocole particulier \u00e0 plusieurs reprises, mais aussi d\u2019observer de l\u2019ext\u00e9rieur d\u2019autres participants. Avec l\u2019aide du chef op\u00e9rateur Raimon Gaffier &lt;https:\/\/raimongaffier.com\/>, nous avons film\u00e9 certaines s\u00e9ances \u00e0 trois cam\u00e9ras. Ces images constituent une partie de mon mat\u00e9riel de recherche. Cette observation n\u2019aurait pas \u00e9t\u00e9 possible sans le soutien et les discussions avec Philippe Bertrand, l\u2019un des principaux concepteurs du dispositif, et qui assurait le suivi de l\u2019exposition. Qu\u2019il en soit ici vivement remerci\u00e9.<\/em><\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[20] Char Davie d\u00e9j\u00e0 s\u2019inscrivait dans cette tendance, cherchant \u00e0 faciliter \u00ab\u00a0a temporary release from our habitual perceptions and culturally-biased assumptions about being in the world, to enable us, however momentarily, to perceive ourselves and the world around us\u00a0<em>freshly.<\/em>\u00a0\u00bb D\u00e9jouant \u00ab\u00a0a particular way of being in the world in terms of mastery, domination and control\u00a0\u00bb, Char Davies, \u00ab\u00a0Virtual space\u00a0\u00bb &lt;<a href=\"http:\/\/www.immersence.com\/publications\/char\/2004-CD-Space.html\">http:\/\/www.immersence.com\/publications\/char\/2004-CD-Space.html<\/a>>.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">[21] L\u00e0-dessus je rappelle l\u2019excellente analyse d\u2019Anna Caterina Dalmasso \u00e0 para\u00eetre sur\u00a0<em>Carne y Arena<\/em>. Elle montre \u00e9galement que \u00ab\u00a0la richesse et le g\u00e9n\u00e9rativit\u00e9 des cr\u00e9ations en r\u00e9alit\u00e9 virtuelle repose autant sur l\u2019intensit\u00e9 de la pr\u00e9sence, qu\u2019elles sont \u00e0 m\u00eame de r\u00e9aliser que sur la possibilit\u00e9 de faire l\u2019exp\u00e9rience d\u2019un\u00a0<em>\u00e9cart perceptif<\/em>\u00a0fondamental.\u00a0\u00bb.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"has-medium-font-size wp-block-heading\">Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Alsever, Jennifer, \u00ab\u00a0Is Virtual Reality the Ultimate Empathy Machine?\u00a0\u00bb,\u00a0<em>Wired<\/em>, 10 novembre 2015, en ligne, &lt;https:\/\/www.wired.com\/brandlab\/2015\/11\/is-virtual-reality-the-ultimate-empathy-machine\/>. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Baudry, Jean-Louis, \u00ab\u00a0Le dispositif\u202f: approche m\u00e9tapsychologiques de l\u2019impression de r\u00e9alit\u00e9\u00a0\u00bb,\u00a0<em>Communications<\/em>, vol. 23, 1975, p. 56\u201372.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 B\u00e9dard, Philippe , \u00ab\u00a0La machine subjective?\u202f: appropriations cin\u00e9matographiques des dispositifs immersifs contemporains\u00a0\u00bb, <em>Revue canadienne d&rsquo;\u00e9tudes cin\u00e9matographiques<\/em>, vol. 28, n<sup>o <\/sup>1, 2019, p. 66-92. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Bolter, Jay David et Richard A. Grusin,\u00a0<em>Remediation<\/em>, Cambridge, MIT press, 2000, 312 p. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Carbone,\u00a0Mauro , <em>Philosophie-\u00e9crans. Du cin\u00e9ma \u00e0 la r\u00e9volution num\u00e9rique<\/em>, Paris, Vrin, coll: \u00ab\u00a0Mati\u00e8res \u00e9trang\u00e8res\u00a0\u00bb, 2016, 180 p. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Crary,\u00a0Jonathan , <em>Techniques of the observer: on vision and modernity in the nineteenth century<\/em>, Cambridge, MIT press, 1992, 184 p.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Eugeni, Ruggero, \u00ab\u00a0Le plan \u00e0 la premi\u00e8re personne. Technologie et subjectivit\u00e9 dans le paysage postcinematographique\u00a0\u00bb, dans Gilles Mou\u00ebllic,\u00a0<em>Techniques et technologies du cin\u00e9ma. Modalit\u00e9s, usages et pratiques des dispositifs cin\u00e9matographiques \u00e0 travers l\u2019histoire<\/em>, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll: \u00ab\u00a0Le spectaculaire\u00a0\u00bb, 2015, 300 p. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Metz, Christian, \u00ab\u00a0Le signifiant imaginaire\u00a0\u00bb,\u00a0<em>Communications<\/em>, vol. 23, 1975, p. 3-55. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Metz, Christian , \u00ab\u00a0Le film de fiction et son spectateur\u00a0\u00bb,\u00a0<em>Communications<\/em>, vol. 23, 1975, p. 108\u2013135.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Milk, Chris,\u00a0<em>Comment La R\u00e9alit\u00e9 Virtuelle Peut Cr\u00e9er Un Dispositif Empathique Exceptionnel<\/em>, TED, 2015, en ligne, &lt;<a href=\"https:\/\/www.ted.com\/talks\/chris_milk_how_virtual_reality_can_create_the_ultimate_empathy_machine?language=fr\">https:\/\/www.ted.com\/talks\/chris_milk_how_virtual_reality_can_create_the_ultimate_empathy_machine?language=fr<\/a>>.<\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Pinotti,\u00a0Andrea , <em>L\u2019empathie. Histoire d\u2019une id\u00e9e de Platon au posthumain<\/em>, Paris, Vrin, coll: \u00ab\u00a0Mati\u00e8re \u00e9trang\u00e8re\u00a0\u00bb, 2016, 256 p. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Rizzolatti, Giacomo et Corrado Sinigaglia,\u00a0<em>Les Neurones miroirs<\/em>, Paris, Odile Jacob, 2008, 240 p. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Sobchack,\u00a0Vivian Carol, <em>The Address of the eye: A phenomenology of film experience<\/em>, Princeton, Princeton University Press, 1992, 354 p. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"<p>Partons de ce geste&nbsp;: portant un casque de r\u00e9alit\u00e9 virtuelle (RV), je baisse la t\u00eate et constate en amorce un autre corps que le mien. L\u2019identification avec ce corps dont je ne vois pas le visage, dont, d\u2019une certaine fa\u00e7on, je porte le visage, est-elle plus saisissante&nbsp;? 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