{"id":69,"date":"2019-12-01T21:25:58","date_gmt":"2019-12-01T21:25:58","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=69"},"modified":"2022-10-15T15:30:53","modified_gmt":"2022-10-15T15:30:53","slug":"decembre-2019-le-numerique-comme-medium-artistique-et-communicationnel-en-art-urbain","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-2019-le-numerique-comme-medium-artistique-et-communicationnel-en-art-urbain\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 2019 – Le num\u00e9rique comme m\u00e9dium artistique et communicationnel en art urbain."},"content":{"rendered":"\n

De nos jours, \u00e0 travers l\u2019\u00e9volution num\u00e9rique et l\u2019apparition des nouvelles technologies, le graffiti conna\u00eet une \u00e9volution consid\u00e9rable aussi bien au niveau de la production qu\u2019\u00e0 celui de la communication. Concernant la production, le graffiti se pr\u00e9sente actuellement avec de nouvelles techniques d\u2019\u00e9criture et d\u2019exposition num\u00e9rique (le graff virtuel, le light painting, le laser tag, le led throwie, l\u2019audio graffiti, etc.). Gr\u00e2ce \u00e0 ces nouvelles technologies, le graffiti attire un nouveau public car il est consid\u00e9r\u00e9 comme un art num\u00e9rique institutionnel qui transcende la rue et les lieux abandonn\u00e9s vers les galeries, les manifestations et les \u00e9v\u00e9nements artistiques et culturels. Au niveau de la propagande le graffiti devient un art partag\u00e9 gr\u00e2ce aux m\u00e9dias sociaux qui participent \u00e0 inscrire et \u00e0 graver cet art \u00e9ph\u00e9m\u00e8re dans le temps, \u00e0 d\u00e9finir une intention ou une d\u00e9marche artistique et \u00e0 partager une exp\u00e9rience v\u00e9cue ou un projet urbain.<\/p>\n\n\n\n


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Introduction<\/h2>\n\n\n\n

L\u2019art urbain conna\u00eet une expansion ind\u00e9niable et une ascension fulgurante \u00e0 travers diverses productions artistiques ex\u00e9cut\u00e9es dans les espaces publics. Mode d\u2019expression artistique \u00e9ph\u00e9m\u00e8re et jug\u00e9 parfois ill\u00e9gal, il est utilis\u00e9 pour communiquer une id\u00e9e ou un message et comporte plusieurs pratiques artistiques urbaines telles que le sticker, le pochoir et le graffiti. Aujourd\u2019hui, le graffiti a \u00e9volu\u00e9 dans un contexte artistique urbain, prenant des formes de cr\u00e9ation assez d\u00e9velopp\u00e9es. Il d\u00e9passe ainsi sa dimension populaire et spontan\u00e9e pour fonder la repr\u00e9sentation symbolique, l\u2019expression humoristique et la critique politique.<\/p>\n\n\n\n

Actuellement, l\u2019\u00e9volution des nouvelles technologies offre une visibilit\u00e9 accrue aux graffeurs et ouvre un nouveau champ d\u2019exp\u00e9rimentation de nouvelles techniques et pratiques artistiques. C\u2019est au cours de cette \u00e9volution que le graffiti a connu une mutation esth\u00e9tique \u00e0 travers l\u2019apparition d\u2019un nouveau genre appel\u00e9 le graffiti num\u00e9rique (Corinne, 2013, p. 31).<\/p>\n\n\n\n

Nous veillerons, dans cet article, \u00e0 mettre la lumi\u00e8re sur le r\u00f4le communicationnel et artistique des nouvelles technologies et des outils num\u00e9riques et leurs impacts sur l\u2019\u00e9volution de cet art urbain. Dans ce contexte, nous essayons de r\u00e9pondre aux questions suivantes : Comment le graffiti est-il per\u00e7u aujourd\u2019hui \u00e0 travers ces nouvelles technologies? Le num\u00e9rique pourrait-il changer \u00ab la d\u00e9finition traditionnelle \u00bb de cet art urbain? Comment le graffiti d\u00e9passe-t-il sa dimension \u00e9ph\u00e9m\u00e8re et populaire pour s\u2019incruster dans l\u2019exposition num\u00e9rique?<\/p>\n\n\n\n

Du graffiti de la rue au graffiti num\u00e9rique<\/h2>\n\n\n\n

De l\u2019avis des historiens, le graffiti n\u2019est pas un art r\u00e9cent (Beautier et Poueyto, 2001, p. 144). Il remonte aux \u00e8res les plus recul\u00e9es de l\u2019histoire de l\u2019humanit\u00e9. C\u2019est un vieux mode artistique qui nous transmet les empreintes des modes de vie archa\u00efques et des civilisations primitives. D\u2019ailleurs, plusieurs parois de cavernes, de cachots ainsi que des murs de b\u00e2timents civils ou religieux antiques sont couverts de repr\u00e9sentations iconographiques, de transcriptions susceptibles d\u2019informer sur les us, les coutumes, les rites, les usages, les c\u00e9r\u00e9monies et sur les modes de vie des peuples au fil du temps.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 l\u2019image de tous les autres arts, le graffiti subit l\u2019influence du climat politique, social et culturel des p\u00e9riodes historiques qu\u2019il a travers\u00e9es. Ainsi, les mutations des ann\u00e9es 60 du 20e si\u00e8cle ont nettement favoris\u00e9 l\u2019essor insurrectionnel de cet art. En effet, assoiff\u00e9s et \u00e9pris de libert\u00e9, les jeunes protestent, se livrent \u00e0 des \u00e9panchements, des effusions qui d\u00e9rangent et qui visent \u00e0 d\u00e9molir les carcans pr\u00eats \u00e0 se briser. Cette tendance s\u2019impose plus pr\u00e9cis\u00e9ment comme un v\u00e9ritable art et marque une nouvelle r\u00e9alit\u00e9 socioculturelle surtout \u00e0 New York o\u00f9 le courant novateur est anim\u00e9 par les tagueurs Taki 183, Tracy 168, Stay High 149 et Coco 144.<\/p>\n\n\n\n

Progressivement le graffiti acquiert une autonomie esth\u00e9tique et formelle, s\u2019impose comme un art ayant ses r\u00e8gles, ses normes et ses crit\u00e8res. D\u2019ailleurs, plusieurs galeries telles que la Fashion Moda et la Fun Gallery t\u00e9moignent de la perc\u00e9e de cet art urbain.<\/p>\n\n\n\n

Le graffiti, du vandalisme \u00e0 l\u2019art urbain<\/h2>\n\n\n\n

Le graffiti est une forme d\u2019expression artistique urbaine, il est consid\u00e9r\u00e9 comme une pratique ill\u00e9gale et punissable par la loi car il est r\u00e9alis\u00e9 souvent sur des supports et dans des espaces publics sans autorisation pr\u00e9alable. En effet, des acteurs municipaux et urbains consid\u00e8rent le graffiti comme un acte de vandalisme qui refl\u00e8te des \u00e9critures anarchiques et des images sombres et tristes. \u00abSi certains graffitis \u00e9taient des \u0153uvres d\u2019art, si certains tags refl\u00e9taient une ind\u00e9niable recherche calligraphie, d\u2019autres, en revanche, n\u2019\u00e9taient que des mots ordures lamentablement bomb\u00e9s sur n\u2019importe quel support. La ville ressembla bient\u00f4t \u00e0 un gigantesque gribouillage et les graffs devinrent, pour beaucoup, synonymes de r\u00e9volte et de violence\u00bb (Auzias et Labourdette, 2011, p. 77).<\/p>\n\n\n\n

Dans ce contexte, divers graffeurs attaquent les symboles socioculturels et les aspects esth\u00e9tiques et fonctionnels des espaces publics. Ils cherchent, \u00e0 travers cette pratique, \u00e0 marquer leurs pr\u00e9sences, leurs diff\u00e9rences et leurs appartenances sociales, culturelles ou politiques. Du coup, \u00ab les valeurs habituelles de signification et d\u2019esth\u00e9tique sont rejet\u00e9es au profit de la possibilit\u00e9 de marquer la mat\u00e9rialit\u00e9 urbaine par une trace color\u00e9e \u2013 parfois choquante et d\u00e9gradante pour le passant \u2013 et d\u2019y laisser un signe d\u2019appartenance lisible pour les seuls initi\u00e9s\u00bb(Sanson, 2007, p. 223).<\/p>\n\n\n\n

Autrement dit, le graffiti est une pratique artistique qui revendique d\u2019\u00eatre reconnue et expos\u00e9e dans les galeries comme un art contemporain. Le progr\u00e8s des id\u00e9es nouvelles des graffeurs et des artistes de la rue suit une ligne ascendante notamment avec la mont\u00e9e du street art, du post-graffiti et de la peinture urbaine \u00e0 partir de la derni\u00e8re d\u00e9cennie du 20e si\u00e8cle. Ces tendances n\u2019ont cess\u00e9 de revendiquer leur autonomie, leur vision r\u00e9volutionnaire et leur ancrage dans la panoplie des arts contemporains.<\/p>\n\n\n\n

La diversit\u00e9 artistique dans les rues et la motivation des graffeurs influent sur l\u2019\u00e9volution des techniques, des styles, des supports et des types de graffiti. \u00c0 travers les couleurs, les images utilis\u00e9es, les messages et les th\u00e8mes abord\u00e9s, le graffiti marque de son empreinte la qualit\u00e9 \u00e9motionnelle et artistique des objets et des espaces urbains. Progressivement, cet art urbain ouvre la porte sur une nouvelle \u00e8re o\u00f9 la r\u00e9appropriation de l\u2019espace public se fait sans le d\u00e9t\u00e9riorer. Il cherche \u00e0 attirer l\u2019attention, \u00e0 interpeller les gens dans l\u2019environnement urbain et \u00e0 communiquer une id\u00e9e \u00ab Graffiter\u2026c\u2019est toujours exposer un signe au regard, c\u2019est-\u00e0-dire attirer l\u2019attention, fabriquer un signal. Graffiter c\u2019est aussi r\u00e9pondre \u00e0 d\u2019autres \u00e9crits expos\u00e9s, se positionner par rapport \u00e0 eux [\u2026]\u00bb(Beautier et Poueyto, 2001, p. 148).<\/p>\n\n\n\n

Aujourd\u2019hui, sous l\u2019influence des autres milieux artistiques, le graffiti s\u2019affirme comme un courant artistique qui s\u2019inscrit, avec une approche num\u00e9rique, dans une nouvelle forme de communication et de production artistique.<\/p>\n\n\n\n

Le graffiti \u00e0 l\u2019\u00e8re du num\u00e9rique<\/h2>\n\n\n\n

L\u2019\u00e9closion d\u2019une approche plus contemporaine de l\u2019art urbain n\u2019a rien d\u2019exceptionnel. Cette approche a \u00e9volu\u00e9 au fil du temps avec des artistes de rue qui s\u2019emparent des nouveaux supports et des outils innovants pour migrer vers une autre dimension spatiale celle du monde num\u00e9rique o\u00f9 leurs \u0153uvres ont trouv\u00e9 une reconnaissance ind\u00e9niable et un essor fulgurant. Cet art est devenu une v\u00e9ritable pratique culturelle \u00e0 travers de nouvelles formes d\u2019\u00e9critures et des techniques diff\u00e9rentes.<\/p>\n\n\n\n

Le graffiti num\u00e9rique est le fruit d\u2019une longue \u00e9volution de l\u2019art urbain. Il refl\u00e8te une nouvelle conscience ax\u00e9e sur la cr\u00e9ation d\u2019une \u0153uvre d\u2019art virtuelle sans nuire \u00e0 la rue, aux composants urbains et \u00e0 l\u2019espace public en g\u00e9n\u00e9ral. Cette nouvelle approche de l\u2019art urbain vise \u00e0 transformer les conditions de production artistique dans le milieu urbain et \u00e0 y construire une situation d\u2019\u00e9mancipation.<\/p>\n\n\n\n

Le graffiti traditionnel utilise des outils classiques. Il privil\u00e9gie les bombes a\u00e9rosols, les pochoirs, les rouleaux de peinture et les marqueurs pour cr\u00e9er des expressions, des motifs ou des fresques. Par contre, le graffiti num\u00e9rique compte sur des outils innovants et des nouvelles technologies. Ainsi, les instruments sonores, les LED, les bombes num\u00e9riques, les appareils photographiques num\u00e9riques, les bombes de peinture phosphorescente, les n\u00e9ons, les rayons laser, les logiciels et les mat\u00e9riels informatiques ne cessent de m\u00e9tamorphoser et de dynamiser le graffiti \u00abfini les longues heures pass\u00e9es \u00e0 tenter d\u2019effacer un tag mal plac\u00e9, les avanc\u00e9es technologiques ont ouvert de nouvelles perspectives permettant \u00e0 cette pratique de se d\u00e9velopper diff\u00e9remment et de mani\u00e8re encore plus \u00e9ph\u00e9m\u00e8re. L\u2019\u00e9cran est devenu le mur ou la toile, peinture a\u00e9rosol et marqueurs sont remplac\u00e9s par des palettes graphiques, des diodes infrarouges, des \u00e9crans tactiles ou autres outils sp\u00e9cifiques multim\u00e9dias\u00bb (Corinne, 2013, p. 31).<\/p>\n\n\n\n

Le graffiti num\u00e9rique r\u00e9unit de nombreux artistes et graffeurs qui ont conjugu\u00e9 leur savoir-faire technologique pour d\u00e9velopper ce mode artistique. En effet, le light graff est l\u2019une de ces nouvelles pratiques artistiques qui utilisent des outils technologiques pour cr\u00e9er une relation d\u2019harmonie et de compl\u00e9mentarit\u00e9 entre la photographie et le light drawing ou le light painting (Figure 1).<\/p>\n\n\n\n

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Figure 1. Light-painting, Marko, Deauville, France, 20102<\/sup>.<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Le light graff exige la participation coop\u00e9rative d\u2019un graffeur et d\u2019un photographe. Il consiste \u00e0 utiliser une source lumineuse (LED, torche, laser, etc.) et un appareil photographique pour capturer des \u00e9critures et des traits lumineux susceptibles de reproduire les m\u00eames gestes d\u2019une bombe classique et d\u2019un graffiti traditionnel. Plus pr\u00e9cis\u00e9ment, \u00able principe est un temps d\u2019exposition qui va de trente secondes \u00e0 trente minutes permettant de projeter une certaine chor\u00e9graphie qui se refl\u00e8te dans une s\u00e9rie de mouvements pr\u00e9cis. Tout comme une bombe de peinture ou un pinceau, la lumi\u00e8re a ses codes, ses caract\u00e9ristiques, et naturellement sa repr\u00e9sentation est tr\u00e8s modulable\u00bb (Zoghbi et Karl, 2012, p. 172).<\/p>\n\n\n\n

Diverses autres formes de graffiti \u00e9mergent aujourd\u2019hui avec l\u2019apparition des nouvelles technologies. Tel est le cas du graffiti sonore ou l\u2019audio graffiti qui se pr\u00e9sente comme un nouveau concept artistique. Il est invent\u00e9 par l\u2019artiste fran\u00e7ais David Renault qui s\u2019inspire des pratiques nomades et sauvages et d\u2019expressions spontan\u00e9es pour cr\u00e9er, \u00e0 travers de petits modules musicaux, des interventions sonores dans l\u2019espace public. On peut citer \u00e9galement le graff vid\u00e9o et le graffiti anim\u00e9 qui consistent \u00e0 enregistrer \u00e0 travers une cam\u00e9ra vid\u00e9o des traces lumineuses et \u00e0 r\u00e9aliser des vid\u00e9os d\u2019animation gr\u00e2ce au montage de photographies.<\/p>\n\n\n\n

Le graffiti num\u00e9rique permet de proposer des performances artistiques et participatives \u00e0 travers le tag ou le graffiti virtuel. Cette nouvelle pratique prend une place tr\u00e8s importante dans les \u00e9v\u00e9nements, les workshops et les manifestations culturelles et artistiques o\u00f9 les graffeurs utilisent une toile g\u00e9ante pour peindre virtuellement \u00e0 l\u2019aide de bombes num\u00e9riques et d\u2019un syst\u00e8me informatique. Pendant cette animation, le graffeur invite le public \u00e0 \u00e9crire, \u00e0 tagger ou \u00e0 dessiner ce qu\u2019il souhaite afin de r\u00e9aliser un travail artistique collaboratif et personnalisable. En outre, le graffiti virtuel est un moyen num\u00e9rique ludique qui permet aux participants d\u2019imprimer, apr\u00e8s l\u2019\u00e9v\u00e9nement, leurs cr\u00e9ations ou de les partager sur les r\u00e9seaux sociaux.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 travers le graffiti num\u00e9rique, les graffeurs r\u00e9alisent aujourd\u2019hui des graffitis invisibles et des peintures phosphorescentes qui ne peuvent \u00eatre vues que la nuit. Parmi, ces graffeurs nous citons l\u2019artiste Marko-93. Pour cr\u00e9er des tags lumineux, ces graffeurs utilisent \u00e9galement un laser, un ordinateur et un projecteur. Ces moyens r\u00e9unis leur permettent de r\u00e9aliser et de projeter leurs \u00e9critures sur des surfaces architecturales durant un temps pr\u00e9cis. (Figure 2).<\/p>\n\n\n\n

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Figure 2. Laser tag, Graffiti Research Lab.<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Gr\u00e2ce \u00e0 d\u2019autres outils technologiques, les graffeurs ne cessent de reproduire des \u0153uvres virtuelles. Via ces supports, les artistes peuvent s\u2019exprimer et inventer de nouvelles formes de cr\u00e9ation. D\u2019ailleurs, ils peuvent enrichir les tags traditionnels \u00e0 travers l\u2019\u00e9lectro-graff. Cette technique consiste \u00e0 int\u00e9grer des LED et des objets lumineux et \u00e0 utiliser des bombes num\u00e9riques pour modifier et r\u00e9investir de mani\u00e8re cr\u00e9ative et innovante les expressions quotidiennes qui existent sur les murs et dans les espaces publics. Par ailleurs, la technologie de LED throwie est une nouvelle forme d\u2019art urbain qui consiste \u00e0 cr\u00e9er des graffitis lumineux \u00e0 l\u2019aide de petites LED \u00e9clair\u00e9es et aimant\u00e9es sur des surfaces m\u00e9talliques. Cette m\u00e9thode est invent\u00e9e en 2006 par le collectif d\u2019artistes am\u00e9ricains Graffiti Research Lab.<\/p>\n\n\n\n

Ces nouvelles technologies soul\u00e8vent un certain nombre de nouvelles interrogations concernant la l\u00e9gitimit\u00e9, l\u2019institutionnalisation et la reconnaissance de l\u2019\u0153uvre urbaine. En effet, elles offrent une nouvelle approche \u00e0 la communication de l\u2019\u0153uvre qui se d\u00e9veloppe aujourd\u2019hui avec des exp\u00e9riences stylistiques diff\u00e9rentes visant \u00e0 cr\u00e9er une interrelation entre l\u2019expression et l\u2019exposition. De ce fait, le graffiti s\u2019est \u00e9largi de mani\u00e8re consid\u00e9rable ces derni\u00e8res ann\u00e9es dans le monde entier avec des jeunes artistes qui n\u2019utilisent pas des inscriptions manuscrites ou anarchiques pour r\u00e9aliser leurs graffitis. Cette nouvelle g\u00e9n\u00e9ration cherche plut\u00f4t \u00e0 g\u00e9n\u00e9rer des \u00e9motions et des r\u00e9actions diff\u00e9rentes aupr\u00e8s du public gr\u00e2ce \u00e0 de nouvelles formes d\u2019\u00e9criture et \u00e0 des outils technologiques.<\/p>\n\n\n\n

D\u00e8s lors, le graffiti num\u00e9rique n\u2019est plus consid\u00e9r\u00e9 comme du vandalisme mais comme un art contemporain. Il acquiert son autonomie et se manifeste \u00e0 travers des supports et des outils virtuels qui offrent des perspectives d\u2019enrichissement culturel et esth\u00e9tique. \u00c0 titre d\u2019exemple, le light graff est une nouvelle pratique artistique qui ne laisse aucune trace mat\u00e9rielle sur les murs et n\u2019engendre aucune d\u00e9gradation. Il t\u00e9moigne, \u00e0 travers des traces lumineuses photographi\u00e9es, d\u2019une nouvelle fa\u00e7on de voir la ville et de percevoir l\u2019art urbain. En effet, \u00ab \u00e9tant issu du graffiti, il me semble tr\u00e8s pr\u00e9cieux de pouvoir laisser une telle trace, dans des endroits plus ou moins atypiques. Une fois que le photographe a fait ses r\u00e9glages et que nous nous sommes mis d\u2019accord sur le temps d\u2019exposition, nous \u00ab prenons possession \u00bb de l\u2019espace. Il s\u2019agit alors de raconter une histoire, de permettre aux autres de vivre le moment bien pr\u00e9cis de la photographie, toutes les \u00e9motions ressenties durant le laps de temps qui s\u2019est \u00e9coul\u00e9 entre le d\u00e9but et la fin de la prise\u00bb2<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 travers ces nouvelles technologies, le graffiti perd beaucoup de son origine, de son essence et de son int\u00e9r\u00eat. Il rompt avec sa vocation initiale qui d\u00e9finit cette pratique comme un acte de r\u00e9bellion et de provocation \u00e0 caract\u00e8re ill\u00e9gal et contraire aux normes ambiantes. En v\u00e9rit\u00e9, le graffiti traditionnel est consid\u00e9r\u00e9 comme un cri de protestation et de r\u00e9volte qui cherche \u00e0 attirer l\u2019attention des pouvoirs publics sur les probl\u00e8mes sociaux et politiques. Mais aujourd\u2019hui, le graffiti num\u00e9rique contribue \u00e0 faire \u00e9voluer les pratiques et \u00e0 modifier les comportements des gens en mettant l\u2019accent sur la possibilit\u00e9 d\u2019intervenir et d\u2019agir dans l\u2019espace sans d\u00e9grader ni le support ni l\u2019objet utilis\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Corollairement, le graffiti acquiert une nouvelle dimension sociale par le biais d\u2019une approche participative qui cherche \u00e0 favoriser la contribution du public pour r\u00e9aliser une \u0153uvre, personnaliser une affiche ou cr\u00e9er une publicit\u00e9 sur un mur ou sur un \u00e9cran virtuel. Gr\u00e2ce \u00e0 ces outils virtuels, le graffiti s\u2019\u00e9rige en moyen pour commercialiser un nouveau produit, pour cr\u00e9er un logo ou pour animer une soir\u00e9e d\u2019entreprise.<\/p>\n\n\n\n

Le graffiti et les m\u00e9dias sociaux<\/h2>\n\n\n\n

Depuis son apparition, le graffiti se d\u00e9finit comme un moyen d\u2019expression \u00e9ph\u00e9m\u00e8re, il s\u2019efface g\u00e9n\u00e9ralement dans un temps de courte dur\u00e9e par les pouvoirs publics ou par les propri\u00e9taires des supports concern\u00e9s. Actuellement, l\u2019artiste de rue peut m\u00e9moriser son exp\u00e9rience artistique urbaine \u00e0 travers les m\u00e9dias sociaux qui permettent non seulement d\u2019immortaliser l\u2019\u0153uvre mais aussi de digitaliser et de promouvoir cet art urbain au-del\u00e0 de ses fronti\u00e8res physiques et traditionnelles.<\/p>\n\n\n\n

Les artistes de rue utilisent divers m\u00e9dias sociaux comme de nouveaux espaces de sociabilit\u00e9 et d\u2019\u00e9changes dans le but de d\u00e9finir leurs parcours artistiques. Ainsi, ils publient leurs propres actualit\u00e9s et leurs participations aux \u00e9v\u00e9nements artistiques. Ils partagent \u00e9galement leurs souvenirs et leurs \u00e9motions collectives. En effet, partager une exp\u00e9rience artistique urbaine \u00e0 travers ces m\u00e9dias, se concr\u00e9tise non seulement par la publication d\u2019un ensemble de photos et de vid\u00e9os d\u2019une intervention artistique mais \u00e9galement par la cr\u00e9ation d\u2019un nouvel espace de communication. C\u2019est dans cet espace num\u00e9rique que les artistes de rue peuvent promouvoir la diversit\u00e9 culturelle, partager un int\u00e9r\u00eat commun concernant l\u2019institutionnalisation de l\u2019art urbain, r\u00eaver et travailler ensemble pour inventer de nouvelles r\u00e8gles artistiques urbaines.<\/p>\n\n\n\n

Par le biais de ces moyens de communication sociale, de nombreux artistes proposent leurs d\u00e9marches artistiques, leurs outils et leurs m\u00e9thodes de travail \u00e0 travers leurs r\u00e9seaux sociaux (Facebook, Twitter, Google plus, Pinterest, Flicker, Instagram, Prisma, Youtube, etc.). Ils visent notamment \u00e0 faciliter l\u2019acc\u00e8s \u00e0 leurs \u0153uvres, \u00e0 toucher un nouveau public, \u00e0 contacter les acteurs du march\u00e9 de l\u2019art et \u00e0 instaurer un dialogue avec les novices dans ce domaine.<\/p>\n\n\n\n

La conservation et le partage des exp\u00e9riences artistiques urbaines incitent les jeunes et les experts en technologie de l\u2019information \u00e0 cr\u00e9er des sites web sp\u00e9cialis\u00e9s et des applications mobiles visant \u00e0 mettre en valeur cet art urbain et \u00e0 \u00e9tablir un lien entre la cr\u00e9ation artistique et la nouvelle technologie. En effet, Graffitounes est une application mobile qui permet aux amoureux de cet art de voir et de partager des photos de graffitis prises dans les rues. Cette application consiste \u00e0 visualiser les photos selon des crit\u00e8res de tri et selon une carte qui peut afficher l\u2019emplacement et la position des graffitis (Figure 3).<\/p>\n\n\n\n

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Figure 3. Application mobile Graffitounes3<\/sup>.<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Le d\u00e9veloppement de l\u2019Internet, des technologies et des m\u00e9dias sociaux contribue \u00e0 l\u2019\u00e9mergence de nombreuses applications mobiles qui permettent aux artistes d\u2019\u00eatre en contact permanent avec leur public et d\u2019am\u00e9liorer leurs connaissances et leurs comp\u00e9tences artistiques. De plus, diverses autres applications mobiles offrent aux utilisateurs l\u2019opportunit\u00e9 d\u2019apprendre les outils ainsi que les m\u00e9thodes n\u00e9cessaires pour r\u00e9aliser un graffiti, de d\u00e9couvrir et de vivre cette exp\u00e9rience artistique \u00e0 travers un monde virtuel (Figure 4).<\/p>\n\n\n\n

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Figure 4. Exemples d\u2019applications mobiles de jeux, de services et d\u2019outils concernant le graffiti.<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Conclusion<\/h2>\n\n\n\n

\u00c0 l\u2019\u00e8re du num\u00e9rique, l\u2019art urbain a connu une \u00e9volution technologique importante \u00e0 travers l\u2019\u00e9mergence de nouvelles technologies qui remplacent les outils classiques et les techniques d\u2019\u00e9criture traditionnelles. Contrairement au graffiti traditionnel, r\u00e9alis\u00e9 souvent en anonymat et sans autorisation pr\u00e9alable, le graffiti num\u00e9rique se fixe de nouveaux aspects intrins\u00e8ques. Il t\u00e9moigne d\u2019une nouvelle impulsion \u00e0 la cr\u00e9ativit\u00e9 urbaine et d\u2019un int\u00e9r\u00eat culturel visant \u00e0 pr\u00e9senter cet art urbain comme une pratique artistique contemporaine.<\/p>\n\n\n\n

Gr\u00e2ce \u00e0 ces nouvelles technologies, l\u2019\u0153uvre d\u2019art urbain est per\u00e7ue comme une cr\u00e9ation digitale qui repr\u00e9sente une d\u00e9marche artistique contemporaine. Elle d\u00e9passe la spontan\u00e9it\u00e9 et l\u2019expression quotidienne vers l\u2019exposition et la communication num\u00e9rique. De surcro\u00eet les m\u00e9dias sociaux contribuent \u00e0 garder et \u00e0 partager ces \u0153uvres \u00e0 travers les images, les vid\u00e9os et les applications mobiles.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019Internet et les nouvelles technologies deviennent un moyen de production, d\u2019expression et d\u2019exposition artistique ainsi qu\u2019une v\u00e9ritable archive num\u00e9rique qui offre une autre visibilit\u00e9 et une profusion d\u2019images et d\u2019exp\u00e9riences artistiques urbaines. Cependant, le graffiti perd de son authenticit\u00e9 et de son int\u00e9r\u00eat qui d\u00e9finit cet art comme un acte d\u2019expression populaire et spontan\u00e9. En effet, le graffiti d\u00e9passe ses fronti\u00e8res physiques et ses fonctions traditionnelles (la narration, le t\u00e9moignage et la d\u00e9claration) pour atteindre une autre dimension o\u00f9 la technologie utilis\u00e9e devient plus importante que le sens des mots. Du coup, on peut se demander si le num\u00e9rique constitue un outil qui restreint la spontan\u00e9it\u00e9 de la volont\u00e9 de s\u2019exprimer et de provoquer dans l\u2019espace public.<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Jaquiery, Corinne, \u00ab Des graffitis\u2026 num\u00e9riques\u00ab , dans La libert\u00e9<\/em>, 1 juillet 2013, p. 31.<\/p>\n\n\n\n

[2] Markolight’s blog, Light-painting \u00e0 Deauville, 2010, en ligne, <https:\/\/markolight.wordpress.com\/2010\/09\/27\/deauville-2010\/>.<\/p>\n\n\n\n

[3] Makina Corpus, en ligne, <https:\/\/makina-corpus.com\/realisations\/application-mobile-graffitounes>. <\/p>\n\n\n\n

Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n

\u2013 Ardenne, Paul, Un art contextuel : cr\u00e9ation artistique en milieu urbain, en situation, d\u2019intervention, de participation<\/em>, Paris, Flammarion, 2002, 256\u00a0p.
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\u2013 Zammar, Nisrine, \u00abR\u00e9seaux Sociaux num\u00e9riques : essai de cat\u00e9gorisation et cartographie des controverses\u00bb, th\u00e8se de doctorat, d\u00e9partement de sociologie, Universit\u00e9 Rennes 2, 2012, 375 f.
\u2013 Zoghbi, Pascal et Don Karl, Le graffiti arabe<\/em>, Eyrolles, France, 2012, 208\u00a0p. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

De nos jours, \u00e0 travers l\u2019\u00e9volution num\u00e9rique et l\u2019apparition des nouvelles technologies, le graffiti conna\u00eet une \u00e9volution consid\u00e9rable aussi bien au niveau de la production qu\u2019\u00e0 celui de la communication. Concernant la production, le graffiti se pr\u00e9sente actuellement avec de nouvelles techniques d\u2019\u00e9criture et d\u2019exposition num\u00e9rique (le graff virtuel, le light painting, le laser tag, … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[5],"tags":[7],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/69"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=69"}],"version-history":[{"count":12,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/69\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":259,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/69\/revisions\/259"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=69"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=69"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=69"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}