{"id":69,"date":"2019-12-01T21:25:58","date_gmt":"2019-12-01T21:25:58","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=69"},"modified":"2022-10-15T15:30:53","modified_gmt":"2022-10-15T15:30:53","slug":"decembre-2019-le-numerique-comme-medium-artistique-et-communicationnel-en-art-urbain","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-2019-le-numerique-comme-medium-artistique-et-communicationnel-en-art-urbain\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 2019 – Le num\u00e9rique comme m\u00e9dium artistique et communicationnel en art urbain."},"content":{"rendered":"\n
De nos jours, \u00e0 travers l\u2019\u00e9volution num\u00e9rique et l\u2019apparition des nouvelles technologies, le graffiti conna\u00eet une \u00e9volution consid\u00e9rable aussi bien au niveau de la production qu\u2019\u00e0 celui de la communication. Concernant la production, le graffiti se pr\u00e9sente actuellement avec de nouvelles techniques d\u2019\u00e9criture et d\u2019exposition num\u00e9rique (le graff virtuel, le light painting, le laser tag, le led throwie, l\u2019audio graffiti, etc.). Gr\u00e2ce \u00e0 ces nouvelles technologies, le graffiti attire un nouveau public car il est consid\u00e9r\u00e9 comme un art num\u00e9rique institutionnel qui transcende la rue et les lieux abandonn\u00e9s vers les galeries, les manifestations et les \u00e9v\u00e9nements artistiques et culturels. Au niveau de la propagande le graffiti devient un art partag\u00e9 gr\u00e2ce aux m\u00e9dias sociaux qui participent \u00e0 inscrire et \u00e0 graver cet art \u00e9ph\u00e9m\u00e8re dans le temps, \u00e0 d\u00e9finir une intention ou une d\u00e9marche artistique et \u00e0 partager une exp\u00e9rience v\u00e9cue ou un projet urbain.<\/p>\n\n\n\n
L\u2019art urbain conna\u00eet une expansion ind\u00e9niable et une ascension fulgurante \u00e0 travers diverses productions artistiques ex\u00e9cut\u00e9es dans les espaces publics. Mode d\u2019expression artistique \u00e9ph\u00e9m\u00e8re et jug\u00e9 parfois ill\u00e9gal, il est utilis\u00e9 pour communiquer une id\u00e9e ou un message et comporte plusieurs pratiques artistiques urbaines telles que le sticker, le pochoir et le graffiti. Aujourd\u2019hui, le graffiti a \u00e9volu\u00e9 dans un contexte artistique urbain, prenant des formes de cr\u00e9ation assez d\u00e9velopp\u00e9es. Il d\u00e9passe ainsi sa dimension populaire et spontan\u00e9e pour fonder la repr\u00e9sentation symbolique, l\u2019expression humoristique et la critique politique.<\/p>\n\n\n\n
Actuellement, l\u2019\u00e9volution des nouvelles technologies offre une visibilit\u00e9 accrue aux graffeurs et ouvre un nouveau champ d\u2019exp\u00e9rimentation de nouvelles techniques et pratiques artistiques. C\u2019est au cours de cette \u00e9volution que le graffiti a connu une mutation esth\u00e9tique \u00e0 travers l\u2019apparition d\u2019un nouveau genre appel\u00e9 le graffiti num\u00e9rique (Corinne, 2013, p. 31).<\/p>\n\n\n\n
Nous veillerons, dans cet article, \u00e0 mettre la lumi\u00e8re sur le r\u00f4le communicationnel et artistique des nouvelles technologies et des outils num\u00e9riques et leurs impacts sur l\u2019\u00e9volution de cet art urbain. Dans ce contexte, nous essayons de r\u00e9pondre aux questions suivantes : Comment le graffiti est-il per\u00e7u aujourd\u2019hui \u00e0 travers ces nouvelles technologies? Le num\u00e9rique pourrait-il changer \u00ab la d\u00e9finition traditionnelle \u00bb de cet art urbain? Comment le graffiti d\u00e9passe-t-il sa dimension \u00e9ph\u00e9m\u00e8re et populaire pour s\u2019incruster dans l\u2019exposition num\u00e9rique?<\/p>\n\n\n\n
De l\u2019avis des historiens, le graffiti n\u2019est pas un art r\u00e9cent (Beautier et Poueyto, 2001, p. 144). Il remonte aux \u00e8res les plus recul\u00e9es de l\u2019histoire de l\u2019humanit\u00e9. C\u2019est un vieux mode artistique qui nous transmet les empreintes des modes de vie archa\u00efques et des civilisations primitives. D\u2019ailleurs, plusieurs parois de cavernes, de cachots ainsi que des murs de b\u00e2timents civils ou religieux antiques sont couverts de repr\u00e9sentations iconographiques, de transcriptions susceptibles d\u2019informer sur les us, les coutumes, les rites, les usages, les c\u00e9r\u00e9monies et sur les modes de vie des peuples au fil du temps.<\/p>\n\n\n\n
\u00c0 l\u2019image de tous les autres arts, le graffiti subit l\u2019influence du climat politique, social et culturel des p\u00e9riodes historiques qu\u2019il a travers\u00e9es. Ainsi, les mutations des ann\u00e9es 60 du 20e si\u00e8cle ont nettement favoris\u00e9 l\u2019essor insurrectionnel de cet art. En effet, assoiff\u00e9s et \u00e9pris de libert\u00e9, les jeunes protestent, se livrent \u00e0 des \u00e9panchements, des effusions qui d\u00e9rangent et qui visent \u00e0 d\u00e9molir les carcans pr\u00eats \u00e0 se briser. Cette tendance s\u2019impose plus pr\u00e9cis\u00e9ment comme un v\u00e9ritable art et marque une nouvelle r\u00e9alit\u00e9 socioculturelle surtout \u00e0 New York o\u00f9 le courant novateur est anim\u00e9 par les tagueurs Taki 183, Tracy 168, Stay High 149 et Coco 144.<\/p>\n\n\n\n
Progressivement le graffiti acquiert une autonomie esth\u00e9tique et formelle, s\u2019impose comme un art ayant ses r\u00e8gles, ses normes et ses crit\u00e8res. D\u2019ailleurs, plusieurs galeries telles que la Fashion Moda et la Fun Gallery t\u00e9moignent de la perc\u00e9e de cet art urbain.<\/p>\n\n\n\n
Le graffiti est une forme d\u2019expression artistique urbaine, il est consid\u00e9r\u00e9 comme une pratique ill\u00e9gale et punissable par la loi car il est r\u00e9alis\u00e9 souvent sur des supports et dans des espaces publics sans autorisation pr\u00e9alable. En effet, des acteurs municipaux et urbains consid\u00e8rent le graffiti comme un acte de vandalisme qui refl\u00e8te des \u00e9critures anarchiques et des images sombres et tristes. \u00abSi certains graffitis \u00e9taient des \u0153uvres d\u2019art, si certains tags refl\u00e9taient une ind\u00e9niable recherche calligraphie, d\u2019autres, en revanche, n\u2019\u00e9taient que des mots ordures lamentablement bomb\u00e9s sur n\u2019importe quel support. La ville ressembla bient\u00f4t \u00e0 un gigantesque gribouillage et les graffs devinrent, pour beaucoup, synonymes de r\u00e9volte et de violence\u00bb (Auzias et Labourdette, 2011, p. 77).<\/p>\n\n\n\n
Dans ce contexte, divers graffeurs attaquent les symboles socioculturels et les aspects esth\u00e9tiques et fonctionnels des espaces publics. Ils cherchent, \u00e0 travers cette pratique, \u00e0 marquer leurs pr\u00e9sences, leurs diff\u00e9rences et leurs appartenances sociales, culturelles ou politiques. Du coup, \u00ab les valeurs habituelles de signification et d\u2019esth\u00e9tique sont rejet\u00e9es au profit de la possibilit\u00e9 de marquer la mat\u00e9rialit\u00e9 urbaine par une trace color\u00e9e \u2013 parfois choquante et d\u00e9gradante pour le passant \u2013 et d\u2019y laisser un signe d\u2019appartenance lisible pour les seuls initi\u00e9s\u00bb(Sanson, 2007, p. 223).<\/p>\n\n\n\n
Autrement dit, le graffiti est une pratique artistique qui revendique d\u2019\u00eatre reconnue et expos\u00e9e dans les galeries comme un art contemporain. Le progr\u00e8s des id\u00e9es nouvelles des graffeurs et des artistes de la rue suit une ligne ascendante notamment avec la mont\u00e9e du street art, du post-graffiti et de la peinture urbaine \u00e0 partir de la derni\u00e8re d\u00e9cennie du 20e si\u00e8cle. Ces tendances n\u2019ont cess\u00e9 de revendiquer leur autonomie, leur vision r\u00e9volutionnaire et leur ancrage dans la panoplie des arts contemporains.<\/p>\n\n\n\n
La diversit\u00e9 artistique dans les rues et la motivation des graffeurs influent sur l\u2019\u00e9volution des techniques, des styles, des supports et des types de graffiti. \u00c0 travers les couleurs, les images utilis\u00e9es, les messages et les th\u00e8mes abord\u00e9s, le graffiti marque de son empreinte la qualit\u00e9 \u00e9motionnelle et artistique des objets et des espaces urbains. Progressivement, cet art urbain ouvre la porte sur une nouvelle \u00e8re o\u00f9 la r\u00e9appropriation de l\u2019espace public se fait sans le d\u00e9t\u00e9riorer. Il cherche \u00e0 attirer l\u2019attention, \u00e0 interpeller les gens dans l\u2019environnement urbain et \u00e0 communiquer une id\u00e9e \u00ab Graffiter\u2026c\u2019est toujours exposer un signe au regard, c\u2019est-\u00e0-dire attirer l\u2019attention, fabriquer un signal. Graffiter c\u2019est aussi r\u00e9pondre \u00e0 d\u2019autres \u00e9crits expos\u00e9s, se positionner par rapport \u00e0 eux [\u2026]\u00bb(Beautier et Poueyto, 2001, p. 148).<\/p>\n\n\n\n
Aujourd\u2019hui, sous l\u2019influence des autres milieux artistiques, le graffiti s\u2019affirme comme un courant artistique qui s\u2019inscrit, avec une approche num\u00e9rique, dans une nouvelle forme de communication et de production artistique.<\/p>\n\n\n\n
L\u2019\u00e9closion d\u2019une approche plus contemporaine de l\u2019art urbain n\u2019a rien d\u2019exceptionnel. Cette approche a \u00e9volu\u00e9 au fil du temps avec des artistes de rue qui s\u2019emparent des nouveaux supports et des outils innovants pour migrer vers une autre dimension spatiale celle du monde num\u00e9rique o\u00f9 leurs \u0153uvres ont trouv\u00e9 une reconnaissance ind\u00e9niable et un essor fulgurant. Cet art est devenu une v\u00e9ritable pratique culturelle \u00e0 travers de nouvelles formes d\u2019\u00e9critures et des techniques diff\u00e9rentes.<\/p>\n\n\n\n
Le graffiti num\u00e9rique est le fruit d\u2019une longue \u00e9volution de l\u2019art urbain. Il refl\u00e8te une nouvelle conscience ax\u00e9e sur la cr\u00e9ation d\u2019une \u0153uvre d\u2019art virtuelle sans nuire \u00e0 la rue, aux composants urbains et \u00e0 l\u2019espace public en g\u00e9n\u00e9ral. Cette nouvelle approche de l\u2019art urbain vise \u00e0 transformer les conditions de production artistique dans le milieu urbain et \u00e0 y construire une situation d\u2019\u00e9mancipation.<\/p>\n\n\n\n
Le graffiti traditionnel utilise des outils classiques. Il privil\u00e9gie les bombes a\u00e9rosols, les pochoirs, les rouleaux de peinture et les marqueurs pour cr\u00e9er des expressions, des motifs ou des fresques. Par contre, le graffiti num\u00e9rique compte sur des outils innovants et des nouvelles technologies. Ainsi, les instruments sonores, les LED, les bombes num\u00e9riques, les appareils photographiques num\u00e9riques, les bombes de peinture phosphorescente, les n\u00e9ons, les rayons laser, les logiciels et les mat\u00e9riels informatiques ne cessent de m\u00e9tamorphoser et de dynamiser le graffiti \u00abfini les longues heures pass\u00e9es \u00e0 tenter d\u2019effacer un tag mal plac\u00e9, les avanc\u00e9es technologiques ont ouvert de nouvelles perspectives permettant \u00e0 cette pratique de se d\u00e9velopper diff\u00e9remment et de mani\u00e8re encore plus \u00e9ph\u00e9m\u00e8re. L\u2019\u00e9cran est devenu le mur ou la toile, peinture a\u00e9rosol et marqueurs sont remplac\u00e9s par des palettes graphiques, des diodes infrarouges, des \u00e9crans tactiles ou autres outils sp\u00e9cifiques multim\u00e9dias\u00bb (Corinne, 2013, p. 31).<\/p>\n\n\n\n
Le graffiti num\u00e9rique r\u00e9unit de nombreux artistes et graffeurs qui ont conjugu\u00e9 leur savoir-faire technologique pour d\u00e9velopper ce mode artistique. En effet, le light graff est l\u2019une de ces nouvelles pratiques artistiques qui utilisent des outils technologiques pour cr\u00e9er une relation d\u2019harmonie et de compl\u00e9mentarit\u00e9 entre la photographie et le light drawing ou le light painting (Figure 1).<\/p>\n\n\n\n