{"id":752,"date":"2017-12-01T20:46:13","date_gmt":"2017-12-01T20:46:13","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=752"},"modified":"2022-11-02T20:46:43","modified_gmt":"2022-11-02T20:46:43","slug":"decembre-2017-fit-in-the-crowd-de-julien-robert","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-2017-fit-in-the-crowd-de-julien-robert\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 2017 – Fit in the Crowd de Julien Robert"},"content":{"rendered":"\n

Lors du vernissage, les couloirs du 5445-5455, avenue De Gasp\u00e9 sont combles : la rentr\u00e9e des galeries attire son lot de visiteurs. Le contexte est propice pour explorer Fit in the Crowd de Julien Robert, une \u0153uvre qui transforme un lieu transitoire en une sorte de rite de passage. Un rite a pour fonction, entre autres, de s\u00e9parer \u00abceux qui l\u2019ont subi de ceux qui ne l\u2019ont pas subi1<\/sup> \u00bb. Or, \u00e0 mon avis, pour exp\u00e9rimenter l\u2019\u0153uvre, il faut le subir : il faut entrer dans le sas.<\/p>\n\n\n\n

Un sas se d\u00e9finit comme une pi\u00e8ce permettant le transit d\u2019un milieu \u00e0 un autre, mais aussi d\u2019un \u00e9tat \u00e0 un autre. Non loin de la vitrine, des rideaux noirs sont dispos\u00e9s pour former un corridor temporaire, un lieu en retrait de la foule.<\/p>\n\n\n\n

Durant la travers\u00e9e, une cam\u00e9ra capte notre image pour la retransmettre dans l\u2019\u0153uvre projet\u00e9e sur la vitrine. Nos corps, du moins leur effigie fantomatique, se manifestent \u00e0 r\u00e9p\u00e9tition, en compagnie de celui des autres qui ont aussi travers\u00e9 les murs de tissus. Bien qu\u2019elle fasse \u00e9cho au fourmillement de cette soir\u00e9e festive, la foule repr\u00e9sent\u00e9e dans l\u2019\u0153uvre demeure fictive, imaginaire. Les gens qui s\u2019y c\u00f4toient longuement paraissent habiter une bulle imp\u00e9n\u00e9trable; ils ne se regardent pas. Ils ne se sont peut-\u00eatre jamais crois\u00e9s! Durant les quelques minutes qui s\u00e9parent notre passage dans le sas et notre apparition \u00e0 l\u2019\u00e9cran, on anticipe. Peut-\u00eatre m\u00eame qu\u2019on s\u2019impatiente. On observe attentivement les autres : leur d\u00e9marche et leur qualit\u00e9 de pr\u00e9sence. Sont-ils pr\u00e8s de nous, devant la vitrine? C\u2019est la recherche du plaisir de la reconnaissance dont parlait Aristote : \u00ab On se pla\u00eet en effet \u00e0 regarder les images, car leur contemplation [\u2026] permet de se rendre compte de ce qu\u2019est chaque chose, par exemple que ce portrait-l\u00e0, c\u2019est un tel2<\/sup>\u00a0\u00bb. Ce plaisir est ici pouss\u00e9 \u00e0 son comble, vers une sorte d\u2019exaltation \u00e9gotique.<\/p>\n\n\n\n

Lorsqu\u2019on s\u2019approche de la vitrine, cela d\u00e9clenche, par le truchement d\u2019un senseur, d\u2019autres vid\u00e9os qui s\u2019imbriquent avec celui des corps. On se voit appara\u00eetre en filigrane dans du foin, une sorte de refuge pour l\u2019individu. Sinon, les corps s\u2019agglutinent dans la ville, un lieu o\u00f9 l\u2019on peut ressentir l\u2019apaisement que g\u00e9n\u00e8re l\u2019anonymat. Une autre vid\u00e9o montre de mani\u00e8re saccad\u00e9e des coupures de journaux dont on ne saisit que les grands titres. Cela r\u00e9f\u00e8re \u00e0 la surcharge d\u2019informations \u00e0 laquelle nous sommes quotidiennement confront\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019\u0153uvre nous propulse dans un autre espace-temps dans lequel nos corps sont assujettis au rythme de l\u2019algorithme. D\u00e9passant largement le reflet superficiel de notre situation dans l\u2019espace r\u00e9el, Fit in the Crowd nous fait prendre conscience de notre pr\u00e9sence singuli\u00e8re et du d\u00e9sir de s\u00e9r\u00e9nit\u00e9 qui nous unit les uns aux autres dans le bruit, l\u2019agitation et l\u2019affluence, comme dans la solitude.<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Pierre Bourdieu, \u00ab Les rites comme actes d\u2019institution \u00bb, Actes de la recherche en sciences sociales<\/em>, vol. 43, no<\/sup> 1, p.58.\u00a0<\/p>\n\n\n\n


[2] Aristote, Po\u00e9tique<\/em>, Paris, Librairie g\u00e9n\u00e9rale Fran\u00e7aise, 1990, p.89.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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