{"id":878,"date":"2017-11-01T18:19:37","date_gmt":"2017-11-01T18:19:37","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=878"},"modified":"2022-11-04T18:29:53","modified_gmt":"2022-11-04T18:29:53","slug":"novembre-2017-evanescences-holographiques-entre-illusion-doute-et-realite","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/novembre-2017-evanescences-holographiques-entre-illusion-doute-et-realite\/","title":{"rendered":"Novembre 2017 &#8211; \u00c9vanescences holographiques: entre illusion, doute et r\u00e9alit\u00e9"},"content":{"rendered":"\n<p>Philippe Boissonnet&nbsp;: Je m\u2019int\u00e9resse \u00e0 la construction autant qu\u2019\u00e0 la spatialisation de l\u2019image, \u00e0 celles du corps et du monde (la Terre) qui se font \u00e9cho, par le biais de l\u2019entrelacement des 2 et 3 dimensions, des m\u00e9dias entre eux, du perceptuel et du mat\u00e9riel. L\u2019image peut \u00eatre aussi bien dessin\u00e9e manuellement que technologiquement produite ou transform\u00e9e. Depuis ma 1<sup>\u00e8re<\/sup>&nbsp;r\u00e9sidence de cr\u00e9ation en holographie (Toronto, 1984), la question du doute de la r\u00e9alit\u00e9 de nos perceptions, de la certitude de notre connaissance sur le monde, revient continuellement dans mes travaux.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"has-medium-font-size wp-block-heading\">Tonalit\u00e9s affectives, lumineuses et multidimensionnelles<\/h2>\n\n\n\n<p><strong>L. B.&nbsp;: Philippe, comment votre qu\u00eate artistique, votre conception de l\u2019espace et vos moyens privil\u00e9gi\u00e9s sont-ils li\u00e9s ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>P. B.&nbsp;: C&rsquo;est par l&rsquo;exploration de l&rsquo;image holographique et de la lumi\u00e8re, combin\u00e9es \u00e0 des dispositifs d&rsquo;interaction avec le spectateur que l\u2019espace de l\u2019\u0153uvre en train d\u2019\u00eatre per\u00e7ue (v\u00e9cue) a pris de l\u2019importance. C\u2019est pour les m\u00eames raisons que je privil\u00e9gie la photo-performance dans mon approche photographique. L\u2019approche mixte de divers m\u00e9dias, leur rencontre et leur hybridation, le glissement de l\u2019un vers l\u2019autre ou de la figuration vers la g\u00e9om\u00e9trisation, est une vision en soi mais qui vient aussi de ce que j\u2019ai appris de la multidimensionalit\u00e9 des images holographiques.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Quelquefois aussi l\u2019exploration de dispositifs interactifs me permet de donner une plus grande place subjective \u00e0 l\u2019interpr\u00e9tation propre au spectateur. Croyant \u00e0 l\u2019importance de la relativit\u00e9 du regard que l\u2019on devrait toujours poser sur les apparences du monde, je construis souvent des \u0153uvres poss\u00e9dant une structure en dualit\u00e9 (dedans\/dehors, lointain\/proche, opaque\/transparent, positif\/n\u00e9gatif, haut\/bas, apparaissant\/disparaissant\u2026). La dynamique entre le stable et l\u2019instable est ce qui nourrit souvent les choix de cr\u00e9ation.<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-large\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"1024\" height=\"759\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-1-1024x759.jpeg\" alt=\"\" class=\"wp-image-879\" srcset=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-1-1024x759.jpeg 1024w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-1-300x222.jpeg 300w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-1-768x570.jpeg 768w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-1-1536x1139.jpeg 1536w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-1.jpeg 1618w\" sizes=\"(max-width: 1024px) 100vw, 1024px\" \/><figcaption class=\"wp-element-caption\"><em>Recartographier son monde (d\u00e9tail), Philippe Boissonnet, 2000<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<p>C\u2019est ainsi que, depuis 1992 , je me suis attach\u00e9 \u00e0 l\u2019usage et l\u2019image d\u2019un globe terrestre gonflable : quelle belle dynamique que cette fragilit\u00e9, cette d\u00e9rision du ballon, cette abstraction conventionnelle de la cartographie, en opposition avec la r\u00e9alit\u00e9 englobante de la plan\u00e8te sur laquelle tout ceci se passe, et avec notre rapport ph\u00e9nom\u00e9nologique \u00e0 son immensit\u00e9 et sa nature g\u00e9ophysique.<\/p>\n\n\n\n<p><strong>Quelle(s) diff\u00e9rence(s) faites-vous entre l\u2019affect et l\u2019\u00e9motion ?<\/strong>&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>L\u2019affect me semble plus global et diffus, distanci\u00e9 d\u2019une int\u00e9riorit\u00e9, et peut prendre une valeur esth\u00e9tisante plus facilement, alors que l\u2019\u00e9motion me para\u00eet plus profonde, enfouie et moins contr\u00f4lable.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Je me souviens \u00e0 ce sujet d\u2019une \u00e9motion insoutenable, et profonde, qui m\u2019a pris \u00e0 la fin du visionnement du film&nbsp;<em>Dancing in the Dark<\/em>&nbsp;de Lars Trier&nbsp;qui m\u2019a pouss\u00e9 \u00e0 sortir de la salle de cin\u00e9ma avant la toute fin (pendaison de la m\u00e8re). Cela ne m\u2019a pas emp\u00each\u00e9 d\u2019estimer le film tr\u00e8s r\u00e9ussi, disons puissant.<\/p>\n\n\n\n<p><strong>En tant qu\u2019artiste holographique, l\u2019affect et\/ou l\u2019\u00e9motion jouent-ils un r\u00f4le dans la cr\u00e9ation de vos \u0153uvres?<\/strong><\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-embed aligncenter is-type-video is-provider-vimeo wp-block-embed-vimeo wp-embed-aspect-16-9 wp-has-aspect-ratio\"><div class=\"wp-block-embed__wrapper\">\n<iframe loading=\"lazy\" title=\"2014 - UNCERTAIN WORLDS, exhibition at Holocenter (NYC)\" src=\"https:\/\/player.vimeo.com\/video\/92344431?h=6960fc817a&amp;dnt=1&amp;app_id=122963\" width=\"500\" height=\"281\" frameborder=\"0\" allow=\"autoplay; fullscreen; picture-in-picture\" allowfullscreen><\/iframe>\n<\/div><figcaption class=\"wp-element-caption\">Uncertain Worlds, expo solo, Holocenter, New-York, 2013<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<p>Le r\u00f4le de l\u2019affect ou de l\u2019\u00e9motion dans mes \u0153uvres me semble, au premier abord assez sous-jacent et diffus, mais certainement pr\u00e9sent. Ce n\u2019est donc pas un \u00e9l\u00e9ment moteur conscient et il n\u2019appara\u00eet pas g\u00e9n\u00e9ralement \u00e0 travers la structure du dispositif ou la configuration interactive de l\u2019\u0153uvre, mais plus souvent dans les choix iconographiques des images qui soutiennent l\u2019\u0153uvre interactive.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Toutefois il m\u2019est difficile de distinguer les deux facettes qui forment n\u00e9cessairement le sens profond de l\u2019\u0153uvre. Je pense plus particuli\u00e8rement \u00e0 mes installations holographiques et interactives de 1997,&nbsp;<em>In-Between<\/em>, et&nbsp;<em>Efflorescence&nbsp;<\/em>de 2002.<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-large\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"1024\" height=\"670\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-2-1024x670.jpeg\" alt=\"\" class=\"wp-image-880\" srcset=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-2-1024x670.jpeg 1024w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-2-300x196.jpeg 300w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-2-768x502.jpeg 768w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-2-1536x1005.jpeg 1536w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-2-2048x1339.jpeg 2048w\" sizes=\"(max-width: 1024px) 100vw, 1024px\" \/><figcaption class=\"wp-element-caption\"><em>In-Between, Philippe Boissonnet, 1997<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<p><strong>Cette distinction est certes difficile \u00e0 formuler puisque l\u2019\u0153uvre repose sur ses propres relations architectoniques ou compositionnelles qui sont mises en \u0153uvre&nbsp;par le participant au moyen de son engagement, interactif ou non.&nbsp;<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p><strong>Est-ce que consid\u00e9rer l\u2019affect au sens&nbsp;spinoziste&nbsp;dans la capacit\u00e9 du corps d\u2019affecter et d\u2019\u00eatre affect\u00e9 ou selonMassumi,&nbsp;comme force, qualit\u00e9 ou intensit\u00e9, et l\u2019\u00e9motion comme une formation r\u00e9active \u00e0 certains stimuli per\u00e7us par le participant peut aider \u00e0 \u00e9tablir cette distinction, du moins \u00e0 certains moments o\u00f9 l\u2019un et l\u2019autre semblent appara\u00eetre plus nettement ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>Il faut effectivement un minimum de r\u00e9ceptivit\u00e9 de la part du participant, plus que de volont\u00e9 \u00e0 interagir; c\u2019est sans doute en deuxi\u00e8me lieu que la volont\u00e9 intervient, ce qui sugg\u00e8re alors une attitude mentale et sensori-motrice r\u00e9active \u00e0 sa propre pr\u00e9sence dans l\u2019installation. Mais d\u00e9j\u00e0 au premier degr\u00e9, on peut consid\u00e9rer que l\u2019\u0153uvre g\u00e9n\u00e8re un affect au sens spinoziste, par la pr\u00e9sence active m\u00eame du corps dans le dispositif.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"has-medium-font-size wp-block-heading\">Choix iconographiques et transition de vie avec In-Between<\/h2>\n\n\n\n<p><strong>Quant \u00e0 vos choix iconographiques. Diriez-vous que l\u2019\u00e9motion motive le choix d\u2019une image qui en retour suscite une r\u00e9action \u00e9motionnelle&nbsp;? Et ces \u00e9motions sont-elles semblables ou compl\u00e8tement diff\u00e9rentes ? Pourriez-vous nous en dire plus et, si possible, nous donner un exemple pr\u00e9cis ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>Les doutes et incertitudes, ou les enthousiasmes, que je vis moi-m\u00eame dans ces p\u00e9riodes de cr\u00e9ation ont \u00e9t\u00e9 parfois tr\u00e8s nourriciers, voire m\u00eame d\u00e9clencheurs de mes choix esth\u00e9tiques (sans en avoir pleinement conscience). Peut-on appeler cela des affects ?&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Par exemple,&nbsp;<em>In-Between<\/em>&nbsp;a \u00e9t\u00e9 produite entre 1996 et 1997, une p\u00e9riode de grande instabilit\u00e9 sentimentale et familiale pour moi. La communication, ses difficult\u00e9s et modalit\u00e9s autant que la notion de rencontre (ou non), sont au c\u0153ur de cette \u0153uvre interactive. Les mots \u00ab&nbsp;Je&nbsp;\u00bb et \u00abTu \u00bb, le signe @, qui s\u2019y trouvent dans les hologrammes, autant que les visages (homme-femme) qui se font face, sont assez signifiants \u00e0 ce sujet.<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-full\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"300\" height=\"249\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-3.jpeg\" alt=\"\" class=\"wp-image-881\"\/><figcaption class=\"wp-element-caption\"><em>In-Between, Philippe Boissonnet, 1997<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<p>Mais il se trouve aussi que j\u2019avais depuis longtemps en moi le d\u00e9sir de travailler avec le choix technique des hologrammes d\u2019ombre ou&nbsp;<em>Shadowgram<\/em>&nbsp;&nbsp;(silhouettes noires apparaissant vaguement en 3D). Or la circonstance v\u00e9cue alors est devenue propice \u00e0 son exploration. De plus, j\u2019\u00e9tais fascin\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9poque par la possibilit\u00e9 de capturer, gr\u00e2ce \u00e0 la finesse du laser, les mouvements d\u2019air chaud et froid qui se d\u00e9gagent \u00e0 notre insu autour de notre corps.<\/p>\n\n\n\n<p>C\u2019est ce que j\u2019ai r\u00e9ussi \u00e0 mettre en sc\u00e8ne dans l\u2019hologramme central de ce triptyque o\u00f9 l\u2019on voit des volutes de couleurs onduler autour des visages de profil, un peu \u00e0 la mani\u00e8re de ce que l\u2019on imagine (per\u00e7oit?) des \u00e9nergies de l\u2019aura humaine.<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-image aligncenter size-large\"><img loading=\"lazy\" decoding=\"async\" width=\"1024\" height=\"424\" src=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-5-1024x424.jpeg\" alt=\"\" class=\"wp-image-882\" srcset=\"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-5-1024x424.jpeg 1024w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-5-300x124.jpeg 300w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-5-768x318.jpeg 768w, https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-content\/uploads\/2022\/11\/boissonnet-5.jpeg 1488w\" sizes=\"(max-width: 1024px) 100vw, 1024px\" \/><figcaption class=\"wp-element-caption\"><em>In-Between, Philippe Boissonnet, 1997<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<p>Certes cette image est tr\u00e8s forte, mais je ne peux pas affirmer avec certitude quelle \u00e9motion elle suscite chez le spectateur. Elle fascine et inspire, je crois, quelque chose se situant entre un affect \u00e0 connotation spirituelle et un autre plus li\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9motion psychologique propre au dialogue ou \u00e0 son impossibilit\u00e9. Mais \u00e0 bien y penser, la configuration interactive de l\u2019installation autant que la nature lumineuse et insaisissable de l\u2019holographie contribuent \u00e0 ce ressenti d\u00e9gag\u00e9 par les contenus iconographiques des images.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"has-medium-font-size wp-block-heading\">Fascination entrem\u00eal\u00e9e de doute<\/h2>\n\n\n\n<p><strong>Cherchez-vous justement \u00e0 produire des affects ou des \u00e9motions particuli\u00e8res durant la r\u00e9alisation de vos \u0153uvres holographiques, interactives ou non ?&nbsp;<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>Sur une vingtaine d\u2019ann\u00e9es de carri\u00e8re, je n\u2019ai produit que 5 installations interactives&nbsp;:&nbsp;<em>La conscience des limites&nbsp;: Ga\u00efa<\/em>, 1992,&nbsp;<em>La conscience des limites&nbsp;: Galileo<\/em>, 1993,&nbsp;<em>In-Between,&nbsp;<\/em>1997,&nbsp;<em>Efflorescence,&nbsp;<\/em>2002,&nbsp;<em>La conscience des limites&nbsp;: Icare<\/em>, 2013<\/p>\n\n\n\n<p>Et le choix de faire une \u0153uvre interactive ou non ne me semble pas directement li\u00e9e \u00e0 mon \u00e9motion v\u00e9cue personnellement, mais plut\u00f4t \u00e0 l\u2019affect que j\u2019esp\u00e8re faire ressentir au spectateur. D\u2019ailleurs, \u00e0 mon sens, toutes les images holographiques ont une facette interactive int\u00e9gr\u00e9e, mais une interaction de type perceptuelle qui rappelle \u00e9videmment beaucoup d\u2019\u0153uvres&nbsp;lumino-cin\u00e9tiques.<\/p>\n\n\n\n<p>\u00catre conscient que les hologrammes peuvent autant susciter de la fascination que de la frustration chez le spectateur, et continuer \u00e0 explorer ce m\u00e9dium malgr\u00e9 l\u2019ambigu\u00eft\u00e9 ou l\u2019incertitude provoqu\u00e9e dans le jugement esth\u00e9tique de beaucoup de monde, r\u00e9v\u00e8le \u00e9videmment un choix esth\u00e9tique qui n\u2019est pas anodin.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>On m\u2019a quelquefois parl\u00e9 de malaise mais sans me donner de v\u00e9ritable explication. Cela est peut-\u00eatre li\u00e9e \u00e0 l\u2019incertitude g\u00e9n\u00e9r\u00e9e et qui, justement, fait partie int\u00e9grante du m\u00e9dium mais que les artistes n\u2019utilisent pas forc\u00e9ment pour cette raison. On peut affirmer que le m\u00e9dium holographique affecte la capacit\u00e9 de jugement esth\u00e9tique du spectateur qui ne sait plus dans quelles cat\u00e9gories esth\u00e9tiques placer ce type d\u2019artefact&nbsp;: science, photographie, animation, peinture ou sculpture\u2026&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Le fait que le doute flotte toujours autour de ce type de production me renvoyait toujours, malgr\u00e9 moi parfois, \u00e0 la certitude int\u00e9rieure que j\u2019avais choisi le bon m\u00e9dium pour faire ressentir l\u2019incertitude et le relativisme de notre rapport (cognitif, sensoriel) au monde. Cet affect y est certainement plus incorpor\u00e9 que celui de certitude et de v\u00e9rit\u00e9. Par exemple dans le d\u00e9sir d\u2019immerger le spectateur plus intens\u00e9ment dans le r\u00f4le de sa propre subjectivit\u00e9, dans la recherche \u00e0 faire valoir son implication interpr\u00e9tative singuli\u00e8re, qu\u2019elle soit \u00e9motionnelle ou intellectuelle.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Il s\u2019agit souvent d\u2019une m\u00e9diation suppl\u00e9mentaire pour guider plus fortement le spectateur vers un \u00e9veil \u00e0 sa propre sensibilit\u00e9 et \u00e0 son propre cheminement interpr\u00e9tatif des caract\u00e8res formels de l\u2019espace, du temps v\u00e9cu, et des couleurs se trouvant devant ou autour de lui.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Cela peut avoir un rapport direct avec la volont\u00e9 de le mettre devant son choix, sa libert\u00e9 de la posture personnelle qui lui est laiss\u00e9e, telle que \u00ab o\u00f9 je me positionne ? \u00bb, \u00ab quelle posture esth\u00e9tique dois-je adopter ? \u00bb, \u00ab pourquoi je ressens un malaise ? \u00bb, \u00ab qu\u2019est-ce qui fait que cette multiplicit\u00e9 ou relativit\u00e9 de regards m\u2019agace..? \u00bb<\/p>\n\n\n\n<p><strong>Ce questionnement est fort int\u00e9ressant, au c\u0153ur de l\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique du participant. Quand vous cherchez \u00e0 favoriser son d\u00e9sir d\u2019immersion en lui-m\u00eame, souhaitez-vous lui offrir de vivre une exp\u00e9rience esth\u00e9tique riche ?&nbsp;<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>Cela revient pas mal \u00e0 ce que j\u2019ai \u00e9labor\u00e9 dans les r\u00e9ponses un peu plus haut, mais il est vrai qu\u2019en choisissant l\u2019holographie jumel\u00e9e parfois \u00e0 des dispositifs interactifs, il s\u2019agit pour moi de souligner avec plus d\u2019insistance ce que bien des \u0153uvres d\u2019art contemporain font parfois aussi&nbsp;: c\u2019est-\u00e0-dire laisser le regardeur seul face \u00e0 son jugement propre, et donc face \u00e0 sa capacit\u00e9 individuelle \u00e0 activer de nouvelles relations entre sa sensorialit\u00e9, ses connaissances et la pr\u00e9sence mat\u00e9rielle et m\u00e9diologique de l\u2019\u0153uvre dans son espace.<\/p>\n\n\n\n<p><em>En outre, on croit comprendre que le participant ou la participante, ainsi interpell\u00e9-e, puisse en profiter pour mieux comprendre son interpr\u00e9tation singuli\u00e8re ?&nbsp;<\/em><\/p>\n\n\n\n<p>Le ou la participant-e doit jouer avec l\u2019\u0153uvre mais aussi lui-m\u00eame, avec ses limites et sa capacit\u00e9 \u00e0 se laisser affecter; et dans cette exp\u00e9rience il y a bien s\u00fbr la possibilit\u00e9 de vivre une d\u00e9ception autant qu\u2019une compr\u00e9hension. Souvent cela est au moins un simple doute<a><\/a>&nbsp;: cette chose que je ressens (vois) et ce qui est, sont-elles exactement une seule et m\u00eame chose ?&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Ils ont, plus souvent que pour toute autre forme d\u2019image, la sensation que ce qu\u2019ils voient fait bien plus partie de leur cerveau (perception subjective) que du monde ext\u00e9rieur (ce qu\u2019on appelle r\u00e9alit\u00e9).&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Si le contenu iconographique ou l\u2019exp\u00e9rience d\u2019interaction vient les toucher plus personnellement, cette impression est encore plus forte et ne reste pas au stade de l\u2019\u00e9merveillement ou de la simple attitude de d\u00e9ception face \u00e0 une tentative de trompe-l\u2019\u0153il par un m\u00e9dium trop souvent uniquement per\u00e7u pour sa capacit\u00e9 \u00e0 faire \u00ab du dimensionnel augment\u00e9 \u00bb.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>C\u2019est le questionnement \u00e0 propos de nos limites \u00e0 d\u00e9finir le r\u00e9el qui \u00e9merge.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p><strong>Et ce questionnement est pratiquement sans fin et fort variable. \u00c0 ce propos, est-ce que des participants de vos \u0153uvres holographiques vous ont t\u00e9moign\u00e9 de la mani\u00e8re dont elles les ont interpell\u00e9s ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>Je ne leur ai pas pos\u00e9 la question suffisamment souvent&#8230; Toutefois, j\u2019ai remarqu\u00e9 surtout l\u2019\u00e9tonnement fascin\u00e9, l\u2019incr\u00e9dulit\u00e9 \u00e9merveill\u00e9e ou le malaise (li\u00e9 \u00e0 une d\u00e9ception ?).&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Je remarque particuli\u00e8rement ceux qui insistent, qui refont le tour, essayent \u00e0 nouveau la rencontre avec l\u2019\u0153uvre et les images de diff\u00e9rents points de vue. Ils n\u2019en repartent pas n\u00e9cessairement avec de la compr\u00e9hension compl\u00e8te de ce qu\u2019ils viennent d\u2019exp\u00e9rimenter, mais certainement avec de l\u2019enrichissement sensoriel et cognitif.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>\u00c0 ce sujet, j\u2019aimerais r\u00e9f\u00e9rer les lecteurs au texte d\u2019analyse de&nbsp;Martina Mrongovius&nbsp;\u00ab&nbsp;Questionner les syst\u00e8mes de perception avec l\u2019exposition \u00ab&nbsp;Mondes Incertains \u00bb de Philippe Boissonnet&nbsp;\u00bb<em>&nbsp;<\/em>qui traite des liens entre<em>&nbsp;<\/em>plusieurs de mes \u0153uvres holographiques expos\u00e9es \u00e0 la&nbsp;Holocenter Vault Gallery&nbsp;(New York, 2014) sous l\u2019angle \u00ab du malaise, de la frustration et finalement d\u2019une conscience des conditions de perceptions \u00bb.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"has-medium-font-size wp-block-heading\">Entre intuition, r\u00e9flexion philosophique et fonction cognitive<\/h2>\n\n\n\n<p><strong>Votre approche artistique est-elle intuitive, instinctive ou en lien avec des notions philosophiques, cognitives ou psychologiques, si oui lesquelles ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>Une combinaison des deux. La production holographique ou technologique (interactivit\u00e9) exige beaucoup de temps. Certaines \u0153uvres peuvent prendre plusieurs ann\u00e9es \u00e0 se formuler de fa\u00e7on d\u00e9finitive, souvent \u00e0 cause des collaborations d\u2019experts et du financement \u00e0 trouver.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Je dirais que l\u2019intuition en est le ferment, mais que la r\u00e9flexion philosophique et la mise en place des \u00e9l\u00e9ments utiles \u00e0 la fonction cognitive finissent toujours pas dominer.<\/p>\n\n\n\n<p><strong>Dans votre th\u00e8se de doctorat, vous \u00e9crivez : \u00ab&nbsp;Mais en interagissant avec nos autres niveaux sensitifs et cognitifs, la lumi\u00e8re influence notre attitude \u00e9motionnelle dans nos divers rapports avec le monde environnant.&nbsp;\u00bb (2013, p. 81).<\/strong>&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p><strong>La lumi\u00e8re, comme intensit\u00e9 faible ou extr\u00eame, n\u2019est-elle pas de l\u2019ordre de l\u2019affect, qui peut susciter, par son manque, sa qualit\u00e9 ou son exc\u00e8s, une \u00e9motion variant de l\u2019inconfort ou du trouble jusqu\u2019au ravissement esth\u00e9tique en passant par d\u2019innombrables \u00e9tats mitoyens.&nbsp;<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p><strong>Comme artiste holographique, j\u2019imagine que tout ce qui passe par le jeu de lumi\u00e8re dans vos \u0153uvres rel\u00e8ve de l\u2019alternance de l\u2019apparition et de la disparition&nbsp;? Mais il y a s\u00fbrement autre chose&nbsp;?<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>Comme je l\u2019ai d\u00e9j\u00e0 remarqu\u00e9, il y a une certaine correspondance avec l\u2019attitude de r\u00e9ceptivit\u00e9 esth\u00e9tique que demandent certaines \u0153uvres lumino-cin\u00e9tiques, mais plus particuli\u00e8rement avec des artistes&nbsp;Light &amp; Space.&nbsp;C\u2019est tout au moins mon souhait, \u00e9tant un grand admirateur de&nbsp;James Turell.<\/p>\n\n\n\n<p>Il y a probablement en moi la qu\u00eate d\u2019un certain ravissement sensoriel mais aussi intellectuel (spirituel?) qui rapprocherait des propri\u00e9t\u00e9s que l\u2019on reconnait en g\u00e9n\u00e9ral au \u2018transparent\u2019, c\u2019est-\u00e0-dire de quelque chose qui \u00e9voque des \u00e9tats interm\u00e9diaires, des dynamiques du devenir, signalant l\u2019entre-deux du proche et du lointain comme le notait&nbsp;Christine Buci-Glucksman.&nbsp;(2003, p. 54)<\/p>\n\n\n\n<p>Peut-\u00eatre m\u00eame faut-il regarder, dans cette lumi\u00e8re holographique qui rappelle le ph\u00e9nom\u00e9nal de l\u2019arc-en-ciel et des aurores bor\u00e9ales, du c\u00f4t\u00e9 de l\u2019aura, c\u2019est-\u00e0-dire dans ce que Buci-Glucksman oppose \u00e0 la notion de trace et d\u2019indice. Si ces deux types de signes nous parlent de proximit\u00e9 et de contigu\u00eft\u00e9, l\u2019aura nous retourne vers le distant, l\u2019au-del\u00e0, l\u2019insaisissable pr\u00e9sence d\u2019un quelque chose dont la source reste impr\u00e9cise ou non localisable. Il y a l\u00e0 forc\u00e9ment mati\u00e8re \u00e0 susciter ou rejoindre de l\u2019\u00e9motionnel en chacun qui, peut-\u00eatre, n\u2019est justement pas tr\u00e8s localisable.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p><strong>Ces diff\u00e9rentes dimensions apportent des pr\u00e9cisions sur le questionnement que vous \u00e9voquiez auparavant. Quoi qu\u2019il en soit, quelles \u00e9motions ressentez-vous face \u00e0 vos \u0153uvres et quelles \u00e9motions avez-vous observ\u00e9 chez le public et en lien avec quelle \u0153uvre ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>Parfois de l\u2019\u00e9tonnement face \u00e0 la diversit\u00e9 des ressentis possibles.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Parfois de l\u2019agacement devant des spectateurs qui ne s\u2019arr\u00eatent qu\u2019\u00e0 l\u2019aspect technique ou ludique de l\u2019\u0153uvre interactive ou holographique.&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Parfois un sentiment de contentement avec un sourire lorsque je vois le spectateur s\u2019immerger vraiment dans le processus de d\u00e9couverte sensorielle, se laisser prendre au jeu des configurations posturales imagin\u00e9es, et faire ressortir de son engagement imm\u00e9diat et sans pr\u00e9jug\u00e9 une compr\u00e9hension qui \u2013 m\u00eame si elle se limite \u00e0 son exp\u00e9rience et connaissance plus limit\u00e9e de l\u2019art ou du m\u00e9dium \u2013 para\u00eet toujours vraie, v\u00e9cue, et esth\u00e9tisante.<\/p>\n\n\n\n<p><strong>Vous souvenez-vous d\u2019une \u0153uvre particuli\u00e8re o\u00f9 les participants auraient verbalis\u00e9 leurs ressentis ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>Tout cela est trop flou dans ma m\u00e9moire\u2026 Serait-ce un d\u00e9faut ou une qualit\u00e9 propre \u00e0 mon cerveau et \u00e0 ma sensibilit\u00e9 artistique qui me permettent, justement, de garder le m\u00e9dium holographique et son flou typique au centre de ma recherche ?<\/p>\n\n\n\n<p><strong>Ces \u00e9motions, lorsqu\u2019elles surgissent, vous font-elles infl\u00e9chir vos intentions artistiques, si oui comment et jusqu\u2019\u00e0 quel point ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>Le temps et les moyens financiers n\u00e9cessaires de ces \u0153uvres interactives ne me permettent pas d\u2019enclencher assez rapidement une \u0153uvre apr\u00e8s l\u2019autre pour vraiment prendre en compte ce v\u00e9cu affectif (qui parfois est per\u00e7u de fa\u00e7on plus ou moins consciente). Mais il est certain que cela influence quand m\u00eame mes choix suivants en m\u00eame temps que le contexte personnel dans lequel je me trouve alors.<\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"has-medium-font-size wp-block-heading\">\u0152uvres aux \u00e9motions les plus marquantes<\/h2>\n\n\n\n<p><strong>En dernier lieu, parmi vos \u0153uvres, lesquelles ont suscit\u00e9 le plus d\u2019\u00e9motion ? Et pouvez-vous nous en parler ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>Je dirais sans aucune h\u00e9sitation&nbsp;:&nbsp;<em>La conscience des limites (Ga\u00efa)<\/em>, 1992;&nbsp;<em>Efflorescence<\/em>, 2002;&nbsp;et&nbsp;<em>In-Between<\/em>,1997, dont j\u2019ai d\u00e9j\u00e0 parl\u00e9 pr\u00e9c\u00e9demment.<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-embed aligncenter is-type-video is-provider-vimeo wp-block-embed-vimeo wp-embed-aspect-16-9 wp-has-aspect-ratio\"><div class=\"wp-block-embed__wrapper\">\n<iframe loading=\"lazy\" title=\"1992 - La conscience des limites (Ga&amp;iuml;a)\" src=\"https:\/\/player.vimeo.com\/video\/196079439?h=e7fd75e06e&amp;dnt=1&amp;app_id=122963\" width=\"500\" height=\"281\" frameborder=\"0\" allow=\"autoplay; fullscreen; picture-in-picture\" allowfullscreen><\/iframe>\n<\/div><figcaption class=\"wp-element-caption\">La conscience des limites (Ga\u00efa), 1992<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<p><strong>Pourquoi et comment ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>\u00c0 propos de La conscience des limites&nbsp;: Ga\u00efa, une \u0153uvre charni\u00e8re dans laquelle est apparue l\u2019image gonflable du monde g\u00e9opolitique ainsi que la dimension sculpturale et interactive dans mes cr\u00e9ations, il y eu forc\u00e9ment l\u2019impact provoqu\u00e9 par sa grande dimension, sa forme et sa luminosit\u00e9 englobantes avec la sensation un peu immersive qui lui \u00e9tait alors associ\u00e9e. &nbsp;\u00c0 ce sujet, je citerai un extrait du texte de Ren\u00e9 Pr\u00e9dal, paru dans le catalogue co-\u00e9dit\u00e9 par le Centre d\u2019art La Base de Paris-Levallois (1993) et le Centre des arts contemporains du Qu\u00e9bec \u00e0 Montr\u00e9al (CACQM) o\u00f9 cette \u0153uvre a \u00e9t\u00e9 expos\u00e9e pour la premi\u00e8re fois&nbsp;:<\/p>\n\n\n\n<p>L&rsquo;\u00e9motion ressentie est plastique, cin\u00e9tique, spatiale et temporelle. Enchass\u00e9 au c\u0153ur d&rsquo;une construction m\u00e9taphorique, le pr\u00e9cieux hologramme ne se r\u00e9v\u00e8le qu&rsquo;au terme d&rsquo;un parcours initiatique du visiteur qui ne peut le saisir dans sa totalit\u00e9 qu&rsquo;en reconstituant mentalement les diverses perceptions parcellaires qui lui sont propos\u00e9es\u2026 &nbsp;(Pr\u00e9dal, 1993)<\/p>\n\n\n\n<p><strong>Cette citation t\u00e9moigne d\u2019un rapport complexe entre les couches \u00e9motionnelles d\u00e9crites par Pr\u00e9dal et l\u2019\u0153uvre holographique. Cette \u0153uvre, comme sans doute toutes vos \u0153uvres, invite le participant \u00e0 \u00e9laborer son exp\u00e9rience non seulement perceptuelle mais aussi \u00e9motionnelle.&nbsp;<\/strong><\/p>\n\n\n\n<p>En effet. Mais, parall\u00e8lement au dispositif de spatialisation lumineuse de l\u2019\u0153uvre, cette pi\u00e8ce a aussi la particularit\u00e9 de mettre le spectateur face \u00e0 un v\u00e9ritable trouble de perception visuelle, de fa\u00e7on volontaire et explicite&nbsp;:&nbsp;trois des huit hologrammes int\u00e9gr\u00e9s \u00e0 la structure en forme de demi-globe terrestre ne sont visibles que pour celui ou celle qui se place \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur, en son centre, et qui d\u00e9couvre alors des images pseudoscopiques, difficiles \u00e0 saisir, c&rsquo;est \u00e0 dire des images tridimensionnelles dont la perspective a \u00e9t\u00e9 invers\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n<p>Le dispositif de d\u00e9tection \u00e0 infra-rouge \u00e9teint alors les lampes \u00e9clairant les cinq autres hologrammes et les spectateurs se trouvant en p\u00e9riph\u00e9rie de la structure ne voient plus que la simple mat\u00e9rialit\u00e9 du support filmique et son ombre projet\u00e9e au sol. Plus d\u2019image. Comme l\u2019\u00e9crit&nbsp;Ren\u00e9 Pr\u00e9dal, le malaise visuel provoqu\u00e9 par l\u2019irrationalit\u00e9 perceptuelle de ces images pseudoscopiques vient aussi du fait que l\u2019on se trouve pourtant au centre de contr\u00f4le de la visibilit\u00e9 des autres images, dites orthoscopiques, dont la repr\u00e9sentation perspective est \u00ab&nbsp;normale \u00bb&nbsp;:&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>la droite devient la gauche et r\u00e9ciproquement, le lointain vient au premier plan, les images de visages qui \u00e9taient projet\u00e9es en avant de la plaque se retrouvent \u00e0 deux m\u00e8tres derri\u00e8re, les gros motifs sont petits (\u2026.). Tout ce processus rend les choses plus abstraites, le figuratif a tendance \u00e0 s&rsquo;estomper et c&rsquo;est perturbant au niveau visuel car l&rsquo;observateur a du mal \u00e0 fixer son regard pour faire la mise au point sur l&rsquo;image. La dualit\u00e9 entre dehors et dedans propos\u00e9e par l&rsquo;architecture m\u00e9tallique est donc accus\u00e9e par cette disposition des hologrammes. (Pr\u00e9dal, 1993).<\/p>\n\n\n\n<p>Car ce centre malais\u00e9 du visible place le sujet au centre symbolique du monde, au centre d\u2019une Terre o\u00f9 le regard distanci\u00e9 a perdu de sa capacit\u00e9 \u00e0 mieux dominer la situation, laissant la place \u00e0 la kinesth\u00e9sie de la masse corporelle. La fascination pour le point de vue externe, icarien et p\u00e9riph\u00e9rique, existe bien mais dans un rapport dialogique et altern\u00e9 avec autrui.<\/p>\n\n\n\n<figure class=\"wp-block-embed aligncenter is-type-video is-provider-vimeo wp-block-embed-vimeo wp-embed-aspect-4-3 wp-has-aspect-ratio\"><div class=\"wp-block-embed__wrapper\">\n<iframe loading=\"lazy\" title=\"2003 -&#039;Efflorescence&#039;, holographic and interactive installation - 2003\" src=\"https:\/\/player.vimeo.com\/video\/86258169?h=0704d58a80&amp;dnt=1&amp;app_id=122963\" width=\"500\" height=\"375\" frameborder=\"0\" allow=\"autoplay; fullscreen; picture-in-picture\" allowfullscreen><\/iframe>\n<\/div><figcaption class=\"wp-element-caption\">Efflorescence, 2002<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n<p><strong>D\u2019une certaine fa\u00e7on, la vision, qui a domin\u00e9 le courant esth\u00e9tique si longtemps, se voit interpell\u00e9e par la motricit\u00e9 et la kinesth\u00e9sie. Cela pose aussi la question du rapport entre soi et le centre de l\u2019\u0153uvre, du monde, de l\u2019univers. Et pour Efflorescence, qu\u2019en est-il ?<\/strong>&nbsp;<\/p>\n\n\n\n<p>Mentionnons tout d\u2019abord que l\u2019installation&nbsp;<em>Efflorescence<\/em>, 2002, fait maintenant partie de la collection de la Fondation du&nbsp;Mus\u00e9e d\u2019art contemporain des Laurentides&nbsp;(St-J\u00e9r\u00f4me, Qc). Il s\u2019agit d\u2019une \u0153uvre faisant \u00e9cho \u00e0&nbsp;<em>In-Between<\/em>, non seulement parce que j\u2019ai transpos\u00e9 l\u2019interf\u00e9rence active des spectateurs dans le cycle d\u2019apparition lumineuse des \u00e9l\u00e9ments holographiques au domaine de&nbsp;l\u2019acoustique, mais aussi parce qu\u2019il y est question de communication humaine, et de mise en sc\u00e8ne des configurations temporelles et spatiales des \u00e9l\u00e9ments du dispositif. Dans ce cas, en effet, j\u2019ai jou\u00e9 avec une sensibilit\u00e9 augment\u00e9e du spectateur en ins\u00e9rant les voix de deux enfants de 10 ans (mon fils et ma belle-fille) dans le dispositif interactif via des lecteurs de disques audio (Walkman modifi\u00e9), avec effets de phasage et d\u00e9phasage des voix.<\/p>\n\n\n\n<p>Il faut dire que si les hologrammes matriciels (enregistr\u00e9s au laser puls\u00e9) ont \u00e9t\u00e9 cr\u00e9\u00e9s en 1999 au&nbsp;Center for the Holographics Arts&nbsp;(New York), gr\u00e2ce au Prix de la&nbsp;Shearwater Foundation&nbsp;(1988, USA), ce n\u2019est qu\u2019en 2002 que j\u2019ai pu terminer la mise en place des divers \u00e9l\u00e9ments sculpturaux, lumineux, sonores et interactifs de l\u2019installation (gr\u00e2ce au support du Fonds FCAR et de l\u2019expertise technique de John Perry \u2013 holographie, Pierre Olivier \u2013 \u00e9lectronique et Bernard Lemieux \u2013 son). Entretemps, les voix des enfants holographi\u00e9s devenaient celles d\u2019adolescents de 13 ans&nbsp;; puis le concept initial d\u2019efflorescence des \u00e9nergies cr\u00e9atrices masculine et f\u00e9minine symbolis\u00e9es par ces jeunes visages et voix (r\u00e9citant des verbes d\u2019action reli\u00e9s \u00e0 l\u2019\u00eatre et au corps) qui \u00e9mergeaient du sol, s\u2019est mis \u00e0 interf\u00e9rer avec mes propres affects, li\u00e9s \u00e0 ma situation de famille reconstitu\u00e9e. Ainsi que l\u2019a bien \u00e9crit Herv\u00e9 Fischer&nbsp;:<\/p>\n\n\n\n<p>c\u2019est sans doute la premi\u00e8re fois aussi qu\u2019il propose une \u0153uvre autobiographique [\u2026]. Le p\u00e8re, la m\u00e8re, l\u2019enfant et l\u2019Autre. Ce sont les quatre points cardinaux de la cosmogonie familiale de l\u2019artiste. Et au centre, au nadir, se situe le spectateur qui l\u2019active par ses pas. (Fischer, 2002)<\/p>\n\n\n\n<p>Tout cela de fa\u00e7on \u00ab holistiquement naturelle&nbsp;\u00bb, sans conscience totale, tout en cherchant que cela rebondisse sur la relation cognitive et \u00e9motive du spectateur avec sa propre action dans le dispositif. Finalement l\u2019\u0153uvre y a gagn\u00e9 du sens. Gabriele Schmid, dont une partie de la th\u00e8se portait sur mon installation&nbsp;<em>In-Between<\/em>, le d\u00e9crit ainsi&nbsp;:<\/p>\n\n\n\n<p>Lorsque le spectateur fait le tour des hologrammes (que Boissonnet nomme puits de lumi\u00e8re) et des sculptures noires (qu\u2019il nomme puits sonores), celui-ci interagit accidentellement avec les voix du gar\u00e7on et de la jeune fille. Apr\u00e8s un peu de temps, il deviendra clair que les deux adolescents r\u00e9citent les m\u00eames s\u00e9quences de mots, mais en disharmonie temporelle. Le d\u00e9fi d\u2019un spectateur suffisamment patient serait donc de faire jouer les deux lecteurs de disque compact en phase, en ayant comme but de faire synchroniser les textes r\u00e9cit\u00e9s \u2013 on pourrait m\u00eame dire qu\u2019il faut laisser interf\u00e9rer les voix de mani\u00e8re constructive, en se r\u00e9f\u00e9rant alors aux principes physiques de l\u2018holographie. (Schmid, 2003)&nbsp;<em><strong><\/strong><\/em><em><em><\/em><br><\/em><\/p>\n\n\n\n<h2 class=\"has-medium-font-size wp-block-heading\">Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Boissonnet, Philippe, \u00ab\u00a0L\u2019\u00e9vanescence des images holographiques comme principe m\u00e9taphorique de l\u2019instabilit\u00e9 de l\u2019image contemporaine du monde\u00a0\u00bb, \u00a0th\u00e8se de doctorat en \u00e9tudes et pratiques des arts, Universit\u00e9 du Qu\u00e9bec \u00e0 Montr\u00e9al, 2013, en ligne, &lt;https:\/\/archipel.uqam.ca\/6200\/>. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Buci-Glucksmann, Christine, <em>Esth\u00e9tique de l\u2019\u00e9ph\u00e9m\u00e8re<\/em>, Paris, Galil\u00e9e, 2003, 96 p.  <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Deleuze, Gilles,\u00a0<em>Spinoza, Philosophie pratique<\/em>, Paris, de Minuit, 2003 [1981], 176 p. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Fischer, Herv\u00e9, \u00ab Philippe Boissonnet. Efflorescence \u00bb, d\u00e9pliant de l\u2019exposition \u00e0 la galerie d\u2019art d\u2019Outremont, Trois-Rivi\u00e8res, URAV\/UQTR, 2003, en ligne, &lt;https:\/\/philippeboissonnet.com\/presse\/>. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Mrongovius, Martinam, \u00ab\u00a0Questionner les syst\u00e8mes de perception avec l\u2019exposition \u2018Mondes Incertains\u2019 de Philippe Boissonnet\u00a0\u00bb<em>\u00a0<\/em>(p. 18), dans catalogue\u00a0<em>Mondes incertains\/Uncertain Worlds,\u00a0<\/em>par Fischer H., Mrongovius M., Schmid G., Boissonnet P., \u00e9ditions Groupe URAV\/The Hologram Foundation, 2017, en ligne, &lt;https:\/\/philippeboissonnet.com\/presse\/><\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Massumi, Brian, <em>Politics of Affect,<\/em>\u00a0Boston et New York, Polity Press, 2015, 232 p. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Pr\u00e9dal, Ren\u00e9, \u00ab Philippe Boissonnet, une d\u00e9marche exploratoire \u00bb<em>,\u00a0<\/em>dans<em>\u00a0Philippe Boissonnet\u00a0: installations holographiques\u00a0<\/em>; catalogue d\u2019exposition, Montr\u00e9al, CACQM, catalogue co-\u00e9dit\u00e9 par le Centre d\u2019art La Base de Paris-Levallois et le Centre des arts contemporains du Qu\u00e9bec \u00e0 Montr\u00e9al (CACQM), 1993. <\/p>\n\n\n\n<p class=\"has-primary-color has-text-color has-small-font-size\">\u2013 Schmid,\u00a0Gabriele<em>, \u00ab <\/em>Philippe Boissonnet.\u00a0Efflorescence, une installation interactive avec hologrammes et son <em>\u00bb,\u00a0revue<strong>\u00a0<\/strong>Espace Sculpture, <\/em>\u00e9t\u00e9 2003, Montr\u00e9al. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"<p>Philippe Boissonnet&nbsp;: Je m\u2019int\u00e9resse \u00e0 la construction autant qu\u2019\u00e0 la spatialisation de l\u2019image, \u00e0 celles du corps et du monde (la Terre) qui se font \u00e9cho, par le biais de l\u2019entrelacement des 2 et 3 dimensions, des m\u00e9dias entre eux, du perceptuel et du mat\u00e9riel. 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