{"id":967,"date":"2017-05-01T21:37:07","date_gmt":"2017-05-01T21:37:07","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=967"},"modified":"2022-11-04T21:37:28","modified_gmt":"2022-11-04T21:37:28","slug":"mai-2017-immersion-endoscopique-et-nomadisme-corps-etranger-de-mona-hatoum","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/mai-2017-immersion-endoscopique-et-nomadisme-corps-etranger-de-mona-hatoum\/","title":{"rendered":"Mai 2017 – Immersion endoscopique et nomadisme: Corps \u00e9tranger <\/i> de Mona Hatoum"},"content":{"rendered":"\n

Avant d\u2019entamer mon propos, j\u2019aimerais, d\u2019entr\u00e9e de jeu, annoncer une publication r\u00e9cente. Il s\u2019agit de la parution du dernier ouvrage du po\u00e8te, nouvelliste et universitaire tuniso-canadien\u00a0H\u00e9di Bouraoui\u00a0intitul\u00e9\u00a0M\u00e9diterran\u00e9e \u00e0 tout voile<\/em>\u00a0sorti \u00e0 Ottawa aux \u00e9ditions Vermillion. Ce roman est le troisi\u00e8me volet d\u2019une trilogie qui semble trouver sa mati\u00e8re d\u2019inspiration dans le sol m\u00e9diterran\u00e9en o\u00f9 mythe, histoire et culture s\u2019y m\u00ealent et s\u2019y t\u00e9lescopent. Quant \u00e0 l\u2019auteur, il a toujours r\u00e9clam\u00e9 sa m\u00e9diterran\u00e9it\u00e9 comme l\u2019ent\u00e9rine cet extrait de lui paru dans le quotidien tunisien\u00a0La Presse<\/em>1<\/sup>: \u00ab Etant africain et en m\u00eame temps m\u00e9diterran\u00e9en de c\u0153ur et d\u2019esprit, j\u2019ai toujours eu en t\u00eate la probl\u00e9matique du dialogue entre le Nord et le Sud de la M\u00e9diterran\u00e9e\u00a0[\u2026] \u00bb. Pour aller \u00e0 l\u2019essentiel, je me contenterais de dire que les deux axes autour desquels \u00e9volue la trame narrative de ce roman demeurent, incontestablement, la mer M\u00e9diterran\u00e9e (Mare nostrum<\/em>) et la notion d\u2019inter-territorialit\u00e9 (Nord\/Sud, Orient\/Occident).<\/p>\n\n\n\n

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Corps \u00e9tranger, M. Hatoum, Vid\u00e9o Installation, 350\u00d7300\u00d7300 cm, 1994, Collection Mnam, Centre Georges Pompidou, Paris<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Afin d\u2019\u00e9lucider la teneur de ces deux vocables, je ne compte pas me r\u00e9f\u00e9rer \u00e0 un contexte historique, ethnologique ou g\u00e9o-politique donn\u00e9,\u00a0vu qu\u2019il n\u2019est point question ici de proc\u00e9der \u00e0 une \u00e9tude des diff\u00e9rentes civilisations qui se sont succ\u00e9d\u00e9es sur les deux rives du bassin m\u00e9diterran\u00e9en. Plut\u00f4t, j\u2019ai pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 faire appel \u00e0 un contexte autre voire plus universel \u00e0 savoir celui de l\u2019art. Ce faisant, je n\u2019ai fait que rejoindre une id\u00e9e d\u00e9velopp\u00e9e par\u00a0Ren\u00e9 Passeron (Passeron, 2007, p. 137)\u00a0au sujet du monde m\u00e9diterran\u00e9en et du rapport Orientaux\/Occidentaux stipulant que : \u00ab\u00a0[\u2026] tout ce qui rel\u00e8ve de la situation historique a tendance \u00e0 nous s\u00e9parer les uns des autres. Au contraire, tout ce qui rel\u00e8ve du\u00a0fondamental\u00a0<\/em>tend \u00e0 nous unir, pour peu qu\u2019on en ait conscience\u00a0\u00bb. A cet \u00e9gard, il convient d\u2019ajouter que Ren\u00e9 Passeron, s\u2019appuyant sur une approche ph\u00e9nom\u00e9nologique, d\u00e9finit la \u00ab\u00a0situation fondamentale\u00a0\u00bb comme \u00e9tant celle qu\u2019on partage avec tous les humains et m\u00eame, pour certains traits, avec tous les vivants (Passeron, 2007, p. 136). C\u2019est justement la raison pour laquelle je propose d\u2019invoquer comme parangon l\u2019\u0153uvre de renom international de l\u2019artiste contemporaine\u00a0Mona Hatoum, en l\u2019occurrence sa vid\u00e9o-installation intitul\u00e9e\u00a0Corps \u00e9tranger<\/em>\u00a0\u00a0(1994). Ma d\u00e9marche m\u00e9thodologique consiste, ici, \u00e0 mettre en corr\u00e9lation la r\u00e9flexion sur notre rapport \u00e0 la mer M\u00e9diterran\u00e9e avec l\u2019analyse iconographique de ce parangon\u00a0: \u00ab\u00a0au sens d\u2019une sublimation de l\u2019image sensible dans le concept intelligible\u00a0\u00bb (Chareyre-M\u00e9jan, 2007, p. 17). Autrement dit, il s\u2019agit de prospecter le monde m\u00e9diterran\u00e9en depuis le focus du monde figural, du fait que \u00ab\u00a0[\u2026] ce qu\u2019on appelle un monde est toujours restreint \u00e0 une plus ou moins large localit\u00e9 g\u00e9ographique\u00a0[\u2026] \u00bb (Passeron, 2007, p. 136). Du coup, notre travers\u00e9e de la mer M\u00e9diterran\u00e9e semble d\u00e9buter, pour ainsi dire, dans le fond du\u00a0Corps \u00e9tranger<\/em>\u00a0de Hatoum, ce que\u00a0Henri Michaux\u00a0appelle les \u00ab\u00a0lointains int\u00e9rieurs\u00a0\u00bb<\/p>\n\n\n\n

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Corps \u00e9tranger, M. Hatoum, Vid\u00e9o Installation, 350\u00d7300\u00d7300 cm, 1994, Collection Mnam, Centre Georges Pompidou, Paris<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

1.\u00a0Corps \u00e9tranger<\/em>\u00a0de Mona Hatoum<\/h2>\n\n\n\n

Pour les lecteurs qui, ou bien par omission ou bien par simple m\u00e9connaissance, n\u2019ont pas entendu parler de cet artiste, j\u2019en propose, de prime abord, une courte pr\u00e9sentation\u00a0lacunaire. Mona Hatoum (1952-) est une artiste contemporaine d\u2019origine palestinienne \u00e9migr\u00e9e \u00e0 Londres vers le milieu des ann\u00e9es 1970, afin de fuir la guerre civile au Liban. Son \u0153uvre\u00a0Corps \u00e9tranger<\/em>\u00a0(1994) vient titrer tout un projet artistique con\u00e7u par l\u2019artiste dans les ann\u00e9es 1980 et qui ne verra le jour que dix ans plus tard gr\u00e2ce au m\u00e9c\u00e9nat du\u00a0Centre Georges Pompidou.\u00a0Corps \u00e9tranger<\/em>\u00a0consiste en une petite enceinte cylindrique blanche dot\u00e9e de deux ouvertures par lesquelles le visiteur pourrait y acc\u00e9der. Une fois celui-ci \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur, se trouve \u00e0 m\u00eame ses pieds un grand \u00e9cran vid\u00e9o de forme circulaire sur lequel est projet\u00e9e une scanographie du corps de Hatoum. La sonde, balayant interminablement l\u2019int\u00e9rieur corporel, fait d\u00e9couvrir une imagerie d\u2019ordre scientifico-m\u00e9dicale. Ce faisant, l\u2019artiste ne se revendique pas moins d\u2019une pens\u00e9e individualiste pouss\u00e9e \u00e0 l\u2019extr\u00eame qui ne soit pas orient\u00e9e par des contraintes soci\u00e9tales, dans le sens o\u00f9 elle ne se laisse pas prendre dans les mailles de la morale et\/ou de la religion. Il s\u2019agit, au premier chef, pour elle de cr\u00e9er de mani\u00e8re interne des images endoscopiques (ou coloscopiques) et\u00a0ipso facto\u00e9craniques<\/em>\u00a0dont l\u2019objectif principal serait de laisser entre-voir\u00a0a fortiori<\/em>\u00a0diagnostiquer un certain lib\u00e9ralisme cr\u00e9ateur<\/p>\n\n\n\n

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Corps \u00e9tranger, M. Hatoum, Vid\u00e9o Installation, 350\u00d7300\u00d7300 cm, 1994, Collection Mnam, Centre Georges Pompidou, Paris<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

2. \u00ab\u00a0Pens\u00e9e nomade\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0science nomade\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0espace nomade\u00a0\u00bb<\/h2>\n\n\n\n

Je pars de l\u2019axiome selon lequel l\u2019\u0153uvre\u00a0Corps \u00e9tranger<\/em>\u00a0de Mona Hatoum d\u00e9tient des potentialit\u00e9s figurales et des modalit\u00e9s de fonctionnements analogues \u00e0 celles en jeu dans le \u00ab\u00a0nomadisme\u00a0\u00bb (dans l\u2019espace, la science et la pens\u00e9e) tel qu\u2019il a \u00e9t\u00e9 d\u00e9fini par Deleuze & Guattari dans leur fameux\u00a0Trait\u00e9 de nomadologie<\/em>. Pour le dire autrement\u00a0: le comportement de n\u2019importe quel visiteur face \u00e0\u00a0Corps \u00e9tranger<\/em>\u00a0serait semblable \u00e0 celui du nomade dans un itin\u00e9raire quelconque. Ren\u00e9 Passeron (Passeron, 2007, p. 140)\u00a0n\u2019a-t-il pas d\u00e9clar\u00e9 dans ses s\u00e9ries de conf\u00e9rences tunisiennes que \u00ab\u00a0[l]\u2019art m\u00e9diterran\u00e9en, fid\u00e8le \u00e0 une tr\u00e8s ancienne tradition de sa\u00a0mer-patrie<\/em>, sera philosophique, ou ne sera pas\u00a0\u00bb. Dans ce qui suit, je vais d\u00e9montrer arguments \u00e0 l\u2019appui, dans un premier temps, comment et dans quel ordre de pens\u00e9e cette mise en interf\u00e9rence conceptuelle serait-elle envisageable ? Et puis, dans un second temps, quelle(s) typologie(s) de rapport(s) y a-t-il\u00a0in fine<\/em>\u00a0pour boucler la boucle entre l\u2019\u0153uvre de Hatoum et la mer M\u00e9diterran\u00e9e\u00a0?\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Pour commencer, il importe de mentionner que l\u2019intervalle s\u00e9parant le visiteur de l\u2019\u00e9cran de projection est r\u00e9duit \u00e0 n\u00e9ant. Or, le choix de diminuer \u00e0 son extremum cette distance a quasiment \u00e9t\u00e9 une constante proc\u00e9durale chez Hatoum. D\u00e8s lors, le visiteur aura comme l\u2019impression d\u2019\u00eatre happ\u00e9 par l\u2019effet spectaculaire de ces images endoscopiques. Leur ampleur ne peut qu\u2019accentuer davantage cette invitation imp\u00e9rieuse \u00e0 un voyage non moins vertigineux dans les tr\u00e9fonds du corps humain\u00a0: \u00e0 la mesure de notre adh\u00e9sion aux choses, \u00ab\u00a0souvent c\u2019est au c\u0153ur de l\u2019\u00eatre que l\u2019\u00eatre est errance\u00a0\u00bb, \u00e9crit\u00a0Bachelard\u00a0(Bachelard, 2009, p. 194). Ce faisant, aux diktats de la fixit\u00e9 posturale du visiteur classique, Hatoum y oppose une potentialit\u00e9 spatiale autre\u00a0: celle d\u2019un flottement topologique propice \u00e0 une quelconque \u00ab\u00a0immersion\u00a0\u00bb \u2013 pour user d\u2019un vocable propre \u00e0 la terminologie des arts des nouvelles technologies.<\/p>\n\n\n\n

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\u00a0 Corps \u00e9tranger, M. Hatoum, Vid\u00e9o Installation, 350\u00d7300\u00d7300 cm, 1994, Collection Mnam, Centre Georges Pompidou, Paris<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

2. 1. \u00ab\u00a0Pens\u00e9e nomade\u00a0\u00bb<\/h2>\n\n\n\n

Je rappelle, tout d\u2019abord, que la notion de \u00ab pens\u00e9e nomade \u00bb au XIX\u00e8me<\/sup> si\u00e8cle est avant tout un \u00e9tat d\u2019esprit ayant pour principe une d\u00e9fiance des pouvoirs et m\u0153urs d\u2019une \u00e9poque, sans qu\u2019il y ait d\u00e9placement, \u00e9change ou confrontation directe. Elle fonctionne plus comme un syst\u00e8me d\u2019opposition au Monde bourgeois, \u00e0 l\u2019Acad\u00e9misme, \u00e0 l\u2019Etat, qu\u2019un mouvement social au sens strict du terme. Pour ce qui est du domaine de l\u2019art, elle traduit l\u2019attitude de tout artiste r\u00e9clamant et\/ou exer\u00e7ant sa subjectivit\u00e9 cr\u00e9atrice en toute autonomie. Actuellement, cette notion r\u00e9unit de plus en plus des arts h\u00e9t\u00e9roclites quel que soit leur rapport avec la question du d\u00e9placement : au niveau de la forme, de la mise en \u0153uvre, des moyens v\u00e9hiculaires, etc. Nonobstant, la \u00ab pens\u00e9e nomade \u00bb telle qu\u2019elle sera abord\u00e9e ici rev\u00eat une connotation plus pointue, du fait qu\u2019elle sera appr\u00e9hend\u00e9e dans le sens que lui octroient les philosophes Deleuze & Guattari.<\/p>\n\n\n\n

Dans \u2013 plus que devant \u2013 l\u2019\u0153uvre de Hatoum, l\u2019\u0153il du visiteur observant la projection de ces images endoscopiques se sent comme immerg\u00e9\u00a0ex-abrupto<\/em>\u00a0dans les int\u00e9rieurs de l\u2019organisme. C\u2019est dire qu\u2019il y circule, les traverse et les parcourt ; et ce, via les interminables conduits (auditifs, digestifs, sexuels, etc.). Or, ces figures visuelles ne sont pas sans rappeler, justement, celle conceptuelle de la \u00ab\u00a0pens\u00e9e nomade\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 464)\u00a0telle qu\u2019elle a \u00e9t\u00e9 d\u00e9finie par Deleuze & Guattari. Elle \u00ab\u00a0serait par elle-m\u00eame d\u00e9j\u00e0 conforme \u00e0 un mod\u00e8le qui lui fixerait des buts et des chemins, des conduits, des canaux, des organes, tout un\u00a0organon<\/em>\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 464)<\/p>\n\n\n\n

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Corps \u00e9tranger, M. Hatoum, Vid\u00e9o Installation, 350\u00d7300\u00d7300 cm, 1994, Collection Mnam, Centre Georges Pompidou, Paris<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Prises de tr\u00e8s pr\u00e8s gr\u00e2ce \u00e0 la r\u00e9duction du spatial par le technologique, ces images endoscopiques ont tendance \u00e0 s\u2019octroyer, en sollicitant Eric Auerbach, un \u00ab\u00a0style\u00a0hom\u00e9rique\u00a0\u00bb. En fait, celui-ci se pr\u00e9sente comme \u00e9tant un style du \u00ab\u00a0pur pr\u00e9sent\u00a0\u00bb\u00a0(Auerbach, 1968, p. 20), proche en cela du gros plan cin\u00e9matographique et de sa vis\u00e9e davantage\u00a0haptique<\/em>\u00a0que s\u00e9miologique\u00a0: il \u00ab\u00a0substitue \u00e0 la perception de l\u2019objet un rapport tactile, un contact\u00a0\u00bb (Auerbach, 1968, p. 84), rapporte Auerbach.<\/p>\n\n\n\n

Spatialement parlant, maintenant, ces images endoscopiques semblent comme annihiler les proc\u00e9d\u00e9s de la vision monoculaire, les lois de la perspective et toute ligne d\u2019horizon ; ce qui, subs\u00e9quemment, pouvait inspirer une certaine \u00ab\u00a0pens\u00e9e nomade\u00a0\u00bb laquelle, selon Deleuze & Guattari, \u00ab\u00a0ne se fonde pas sur une totalit\u00e9 englobante, mais au contraire se d\u00e9ploie dans un milieu sans horizon\u00bb (Deleuze et Guattari, 1980, p. 469): tout comme le d\u00e9sert des sables et celui des glaces, \u00ab\u00a0il n\u2019y a pas de distance interm\u00e9diaire, de perspective ni de contour, la visibilit\u00e9 est restreinte […]\u00a0\u00bb (Deleuze et Guattari, 1980, p. 474). Dans cette optique, le tandem forme\/espace y a tendance \u00e0 s\u2019estomper au profit du devenir projectif lui-m\u00eame et au d\u00e9triment de la duplication du motif figuratif\u00a0; un devenir paradoxal o\u00f9 pr\u00e9sent, pass\u00e9 et futur convergent vers un \u00e9ternel pr\u00e9sent. Corollairement\u00a0: le regard scrutateur de ces images endoscopiques fait d\u00e9couvrir une iconographie aussi intimiste qu\u2019inconnue\u00a0: une pr\u00e9sence sans nom dit-on. D\u2019o\u00f9 le contraste suivant\u00a0: plus l\u2019objet est intime, plus son apparence est anonyme parce que \u00ab\u00a0semi-abstrait \u00bb (Philippi, 1994, p. 25). Il s\u2019ensuit donc\u00a0: rares sont les indices de la repr\u00e9sentation d\u2019un corps, encore plus rares sont ceux signalant son identit\u00e9 physique, raciale, ethnique, sociale, culturelle\u00a0– except\u00e9 peut-\u00eatre son appartenance sexuelle. En effet, si l\u2019on y arrive, par moments, \u00e0 deviner quelques attributs f\u00e9minins, c\u2019est gr\u00e2ce \u00e0 de rarissimes plans de vagin et\/ou seins\u00a0; mais on n\u2019en saura pas plus. Et ceci est d\u2019autant plus vrai si l\u2019on m\u00e9conna\u00eet que, pour la grande majorit\u00e9 de ses \u0153uvres, l\u2019artiste ait recours aux images de son propre corps. A ce propos,\u00a0Desa Philippi\u00a0a eu raison d\u2019\u00e9crire : \u00ab\u00a0Il est \u00e9vident que ce corps est aussi le corps de n\u2019importe qui, son anonymat et son isolement cons\u00e9quent comme objet pour l\u2019\u0153il inquisiteur d\u2019un sujet d\u00e9sincarn\u00e9 sont renforc\u00e9s et rendus explicites\u00a0\u00bb\u00a0(Philippi, 1994, p. 25).<\/p>\n\n\n\n

L\u2019humanit\u00e9 en jeu dans cette \u0153uvre, dont l\u2019intitul\u00e9 redouble apparemment la th\u00e9matique de l\u2019\u00e9tranget\u00e9, n\u2019\u00e9quivaut aucunement l\u2019in-humanit\u00e9<\/em>, au sens de la n\u00e9gation ou de la privation. Elle sugg\u00e8re plut\u00f4t, de par une certaine optique, son caract\u00e8re\u00a0in<\/em>\u00a0(\u00ab\u00a0en\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0dans\u00a0\u00bb)\u00a0: son c\u0153ur le plus secret, son coin le plus retranch\u00e9, son \u00ab\u00a0angle aveugle\u00a0\u00bb, pour reprendre le titre de l\u2019un des livres de\u00a0Tahar Ben Jelloun\u00a0:\u00a0interior intimo meo<\/em>\u00a0(qui n\u2019est d\u2019autre que Dieu\u00a0dans le jargon de Saint Augustin). De m\u00eame, Hatoum, mettant \u00e0 mal l\u2019\u00e9quation suivante apparence = identit\u00e9, r\u00e9ifie le Sujet dans sa conception traditionaliste pour en faire un Objet\u00a0: in-identifi\u00e9 parce que, paradoxalement, sur-identifi\u00e9. Tout, ici, nous invite \u00e0 penser que notre regard d\u00e9sormais \u00ab\u00a0icarien\u00a0\u00bb (pour reprendre le terme de\u00a0Buci-Glucksmann2<\/sup>) se place, en derni\u00e8re analyse, \u00e0 la charni\u00e8re de tout. La fronti\u00e8re entre le corporel et l\u2019in-corporel, l\u2019int\u00e9rieur et l\u2019ext\u00e9rieur, l\u2019abstrait et le figuratif, demeure r\u00e9solument infime, infra-mince et parfois m\u00eame infinit\u00e9simale\u00a0: \u00ab\u00a0Mais au-dedans, plus de fronti\u00e8res\u00a0!\u00a0\u00bb, \u00e9crit\u00a0Jean Tardieu (Tardieu, 2009, 193).<\/p>\n\n\n\n

2. 2. \u00ab\u00a0Science nomade\u00a0\u00bb<\/h2>\n\n\n\n

Corps \u00e9tranger\u00a0<\/em>de Hatoum ne semble pas moins \u00e9tablir des interactions avec une certaine conception de la science que Deleuze & Guattari appellent \u00ab\u00a0science nomade\u00a0\u00bb (Deleuze et Guattari, 1980, p. 446). D\u2019autant plus qu\u2019elles semblent pivoter autour de quatre axes majeurs articulant cette science qui sont les suivants : \u00ab\u00a0hydraulique\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0h\u00e9t\u00e9rog\u00e9n\u00e9it\u00e9\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0tourbillonnaire\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0probl\u00e9matique\u00a0\u00bb (Deleuze et Guattari, 1980, p. 447-448).<\/p>\n\n\n\n

1- L\u2019\u0153uvre met en exergue un mod\u00e8le \u00ab\u00a0hydraulique\u00a0\u00bb se pla\u00e7ant au rebours de tout ancrage solide, de toute consistance. La\u00a0morph\u00e8<\/em>\u00a0et le contenu des images endoscopiques y d\u00e9gagent une certaine fluidit\u00e9\u00a0: Deleuze & Guattari parlent justement d\u2019une \u00ab\u00a0fluidit\u00e9 des masses\u00bb (Deleuze et Guattari, 1980, p. 479). De m\u00eame, il y va ici justement d\u2019images repr\u00e9sentant\u00a0des hiatus digestifs gluants, des conduits g\u00e9nitaux visqueux, des cavit\u00e9s muqueuses, des valves gargouillant des substances, des cavit\u00e9s r\u00e9gurgitant des liquides, etc.\u00a0: \u00ab\u00a0la fluxion d\u2019un flux3<\/sup>\u00a0\u00bb.<\/p>\n\n\n\n

2 – L\u2019\u0153uvre fournit un arch\u00e9type d\u2019\u00ab\u00a0h\u00e9t\u00e9rog\u00e9n\u00e9it\u00e9\u00a0\u00bb, au sens o\u00f9 ce qu\u2019elle exhibe s\u2019oppose, du point de vue des modalit\u00e9s de projection, \u00ab\u00a0au stable, \u00e0 l\u2019\u00e9ternel, \u00e0 l\u2019identique, au constant\u00a0\u00bb (Deleuze et Guattari, 1980, p. 447). En fait, ce qui fait la typologie de ces images endoscopiques c\u2019est qu\u2019elles ont tendance \u00e0 conjurer le stable, le fig\u00e9, le constant, afin de s\u2019\u00e9riger en des images au caract\u00e8re contin\u00fbment intermittent, versatile, dynamique\u00a0; et ceci est d\u00fb au fait qu\u2019elles sont aliment\u00e9es par une certaine \u00ab\u00a0vitesse\u00a0\u00bb (et non pas \u00ab\u00a0mouvement\u00a0\u00bb, selon Deleuze & Guattari\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 473)). Au\u00a0carnis\u00a0<\/em>gravifique (gravitas<\/em>) des organes, on y appose et oppose une c\u00e9l\u00e9rit\u00e9 (celeritas<\/em>) imaginale. Et cette derni\u00e8re aura le r\u00f4le d\u2019affecter en temps r\u00e9el (t\u00e9l\u00e9pr\u00e9sence) ces images\u00a0; au lieu d\u2019\u00eatre tenues pour fig\u00e9es\u00a0ad vitam aerternam<\/em>, \u00e0 l\u2019instar d\u2019une carte g\u00e9ographique. Bref, l\u2019\u0153uvre finit par d\u00e9gager un \u00ab\u00a0paradoxe\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 447) (le terme est de Deleuze & Guattari) qui est de faire du concept \u00ab\u00a0en devenir\u00a0\u00bb une figure autot\u00e9lique et point duplicative.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

3 – La dimension esth\u00e9tique des images endoscopiques rev\u00eat un caract\u00e8re \u00ab\u00a0tourbillonnaire\u00a0\u00bb, prot\u00e9iforme, d\u00fb en r\u00e9alit\u00e9 au foisonnement de formes tournoyantes\u00a0: conduits, canaux, cavit\u00e9s, etc. Et celles-ci \u00e9voluent dans un espace qui est ouvert, ind\u00e9fini, non lin\u00e9aire et donc \u00ab\u00a0lisse\u00a0\u00bb, pour reprendre le terme de Deleuze & Guattari. A ce propos, il importe de rappeler que ces philosophes font le distinguo entre un \u00ab\u00a0espace\u00a0lisse\u00a0<\/em>(vectoriel, projectif ou topologique) et un espace\u00a0stri\u00e9\u00a0<\/em>(m\u00e9trique)\u00a0: dans un cas\u00a0on occupe l\u2019espace sans le compter<\/em>,\u00a0<\/em>dans l\u2019autre cas\u00a0on le compte pour l\u2019occuper<\/em>\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 447). En effet, refusant de s\u2019approprier l\u2019espace qu\u2019il traverse, le nomade se construit un environnement qui ne marque pas le lieu provisoire qu\u2019il occupe. Il s\u2019arr\u00eate sur la repr\u00e9sentation de ses trajets et non sur une figuration de l\u2019espace qu\u2019il parcourt. \u00ab\u00a0Il laisse l\u2019espace \u00e0 l\u2019espace\u00a0\u00bb, \u00e9crit Anny Milovanoff. Voyager serait, tout bonnement pour lui, redoubler o\u00f9 qu\u2019il soit le fait d\u2019\u00eatre simplement quelque part. Alors, Deleuze & Guattari ont eu raison de penser que le rapport du nomade \u00e0 la terre est bas\u00e9 sur la \u00ab\u00a0d\u00e9territorialisation\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 473)\u00a0qui lui est son propre \u00ab\u00a0vecteur\u00a0\u00bb, toujours selon eux. Pis encore, le nomade se re-territorialise sur les vestiges m\u00eames de la \u00ab\u00a0d\u00e9territorialisation\u00a0\u00bb. Il en d\u00e9coule ceci : \u00ab\u00a0La terre cesse d\u2019\u00eatre terre, et tend \u00e0 devenir simple sol ou\u00a0support<\/em>\u00a0\u00bb (Deleuze et Guattari, 1980, 473).<\/p>\n\n\n\n

4 – Enfin, il y est question d\u2019un mod\u00e8le \u00ab\u00a0probl\u00e9matique\u00a0\u00bb : au sens o\u00f9 \u00ab\u00a0les figures ne sont consid\u00e9r\u00e9es qu\u2019en fonction des\u00a0affections<\/em>\u00a0qui leur arrivent, sections, ablations, adjonctions, projections. [\u2026] Il y a l\u00e0 toutes sortes de d\u00e9formations, de transmutations, de passages \u00e0 la limite, d\u2019op\u00e9rations o\u00f9 chaque figure d\u00e9signe un\u00a0\u00e9v\u00e8nement<\/em>beaucoup plus qu\u2019une essence\u00a0<\/em>\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 447-448). En fait, sous l\u2019emprise d\u2019un tel dispositif d\u2019imagerie m\u00e9dicale se met en place une corpor\u00e9it\u00e9 – au sens d\u2019une mat\u00e9rialit\u00e9, d\u2019un esprit de corps – mettant au vu et au ou\u00ef du visiteur tout un processus d\u2019alt\u00e9ration, de m\u00e9tamorphose, de transmutation, op\u00e9rant dans un cadre spatio-temporel\u00a0non moins \u00e9quivoque. Une esp\u00e8ce corpor\u00e9it\u00e9, donc, qui ne se confond ni avec un syst\u00e8me formel intelligible ni avec une chos\u00e9it\u00e9 sensible\u00a0; une sorte d\u2019interm\u00e9diaire heureux\u00a0<\/em>entre l\u2019essence et le sensible, la chose et le concept\u00a0 o\u00f9 ce qui compte c\u2019est ce qui s\u2019y d\u00e9gage sur un plan kinesth\u00e9sique et affectif. Ceci participe, selon la r\u00e9flexion de\u00a0Deleuze & Guattari, \u00e0 souligner l\u2019antinomie d\u2019avec le \u00ab\u00a0th\u00e9or\u00e9matique\u00a0\u00bb\u00a0: \u00ab\u00a0Tandis que le th\u00e9or\u00e8me est de l\u2019ordre des raisons, le probl\u00e8me est affectif, et ins\u00e9parable des m\u00e9tamorphoses, g\u00e9n\u00e9rations et cr\u00e9ations dans la science elle-m\u00eame\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 448).<\/p>\n\n\n\n

2. 3. \u00ab\u00a0Espace nomade\u00a0\u00bb<\/h2>\n\n\n\n

L\u2019espace, ici, ne pr\u00e9c\u00e8de pas les formes, comme le fond – croit-on – pr\u00e9existe aux figures\u00a0: ce n\u2019est ni un support fixe ni un contenant, mais plut\u00f4t, comme le dit Gilbert Simondon\u00a0(Gu\u00e9rin, 2008, p. 9), un champ m\u00e9tastable qui se transforme en d\u00e9tachant des formes et est, en retour, modifi\u00e9 par elles. En d\u2019autres termes, ce qui fait la sp\u00e9cificit\u00e9 spatiale de ces images endoscopiques c\u2019est qu\u2019elles ne pr\u00e9existent pas aux donn\u00e9es visuelles mais sont plut\u00f4t g\u00e9n\u00e9r\u00e9es par celles-ci en s\u2019ex-posant elles-m\u00eames\u00a0: ce qui s\u2019expose se confond avec son aspect \u00e9v\u00e8nementiel, l\u2019\u00eatre et le para\u00eetre \u0153uvrent sans discontinuer l\u2019un sur l\u2019autre. Cela \u00e9quivaut \u00e0 dire qu\u2019on laisse s\u2019\u00e9panouir chaque \u00e9l\u00e9ment en toute souverainet\u00e9 \u00e0 partir de ses propres donn\u00e9es ontologiques, en faisant appr\u00e9hender l\u2019ensemble sous l\u2019aspect du myst\u00e8re transparent des pr\u00e9sences. Par cons\u00e9quent, entre la forme (scopique<\/em>) et le l\u2019espace (topique<\/em>) l\u2019\u00e9change dialectique est permanent. On y assiste \u00e0 l\u2019induction mutuelle d\u2019une pl\u00e9thore de transactions. Ainsi passerons-nous, en quelque sorte, de la pens\u00e9e du\u00a0topos\u00a0<\/em>au\u00a0topos<\/em>\u00a0de la pens\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

A mirer de plus pr\u00e8s cet \u00e9cran de projection, nous pouvons d\u00e9falquer qu\u2019il induit une quelconque ouverture, du patent (pateo<\/em>\u00a0d\u2019o\u00f9\u00a0spatium<\/em>) et\u00a0ipso facto<\/em>\u00a0un \u00ab\u00a0lieu-espace\u00a0\u00bb (topos<\/em>). Bergson ne dit-il pas que le lieu \u00ab\u00a0na\u00eet des corps\u00a0\u00bb\u00a0? Aussi, Eluard\u00a0(\u00c9luard, 1936, p. 42)\u00a0n\u2019\u00e9voque-t-il pas \u00ab\u00a0les g\u00e9ographies solennelles des limites humaines\u00a0\u00bb\u00a0? Et j\u2019ajoute\u00a0: \u00ab\u00a0\u00eatre au monde\u00a0\u00bb (Dasein<\/em>) n\u2019est-il pas, au premier chef, un \u00ab\u00a0avoir-lieu\u00a0\u00bb\u00a0? Certes, toute cr\u00e9ation au sens strict d\u2019une\u00a0genesis<\/em>\u00a0est concomitamment \u00ab\u00a0espace de cr\u00e9ation\u00a0\u00bb (elle a lieu) et \u00ab\u00a0cr\u00e9ation d\u2019espace\u00a0\u00bb (elle est lieu)\u00a0; c\u2019est ce que le philosophe contemporain Michel Gu\u00e9rin enregistre dans son concept de \u00ab\u00a0topo\u00ef\u00e9tique4<\/sup>\u00a0\u00bb. N\u00e9anmoins, quoi qu\u2019il en soit la question spatiale n\u2019y rev\u00eat pas moins une structure peu ou prou aporique. Heidegger\u00a0(Heidegger, 1976, p. 98), citant Aristote (Physique IV<\/em>), a d\u00e9j\u00e0 mis l\u2019accent sur ce qu\u2019il y a de \u00ab\u00a0difficile \u00e0 saisir\u00a0\u00bb dans cette pens\u00e9e du\u00a0topos<\/em>. Quant \u00e0\u00a0Bergson5<\/sup>, il a not\u00e9 en sa pr\u00e9face qu\u2019on a affaire \u00e0 des \u00ab\u00a0questions assez obscures\u00a0\u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Les orientations et\/ou directions de ces images endoscopiques n\u2019y cessant pas de varier consid\u00e9rablement (de relais en relais), participent \u00e0 l\u2019estompage de toute d\u00e9limitation g\u00e9ographique. Or \u00ab\u00a0l\u2019espace nomade\u00a0\u00bb, lui aussi, est \u00ab\u00a0non\u00a0d\u00e9limit\u00e9\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 474), \u00ab\u00a0ind\u00e9fini\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 472), \u00ab\u00a0non communicant\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 472). Il est plut\u00f4t ce que Deleuze & Guattari appellent un \u00ab\u00a0absolu local\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, p. 474), c\u2019est-\u00e0-dire un absolu dont la manifestation ne loge pas dans le lieu sinon illimit\u00e9, c\u2019est-\u00e0-dire en ouverture avec l\u2019ouvert.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Cette correspondance avec la question du \u00ab\u00a0nomadisme\u00a0\u00bb y va transpara\u00eetre \u00e0 travers la nature m\u00eame du dispositif technico-m\u00e9dical employ\u00e9. Celui-ci ne semble pas moins d\u00e9tenir ce que Deleuze & Guattari appellent un \u00ab\u00a0potentiel nomadique\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 480). Ainsi, il est notoire de remarquer que le rapport qu\u2019entretient la sonde avec le corps de Hatoum est un rapport d\u00e9nu\u00e9 de toute id\u00e9e d\u2019appropriation. Il met \u00e0 l\u2019\u00e9preuve l\u2019anonymat total de la vision m\u00e9dicale\u00a0ou \u00ab\u00a0machine de vision\u00a0\u00bb (Paul Virilio)\u00a0; ce qui, de l\u2019aveu de l\u2019artiste, concourt \u00e0 une \u00ab\u00a0extr\u00eame violation du corps humain6<\/sup>\u00a0\u00bb. Ce rapport est aussi fond\u00e9 sur les m\u00eames principes que ceux en jeu entre le nomade et son espace\u00a0: tout comme le nomade qui \u00ab\u00a0perce\u00a0\u00bb les montagnes, \u00ab\u00a0fouille\u00a0\u00bb la terre, \u00ab\u00a0troue\u00a0\u00bb l\u2019espace\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 516), la sonde p\u00e9n\u00e8tre l\u2019organisme, s\u2019ins\u00e8re dans les orifices, se faufile dans les conduits. Mieux encore\u00a0: ces deux philosophes n\u2019h\u00e9sitent pas \u00e0 utiliser des vocables ent\u00e9rinant cette intuition tels que\u00a0: \u00ab\u00a0nomadisme de corps\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 456), \u00ab\u00a0puissance de p\u00e9n\u00e9tration\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 497), \u00ab\u00a0plong\u00e9e dans\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 462). D\u00e8s lors, dans les deux cas, il serait question d\u2019itin\u00e9rer<\/em>, d\u2019ambuler, de vagabonder, bref de suivre. Or, justement \u00e0 ce propos, Deleuze & Guattari ne manquent pas de souligner qu\u2019\u00ab\u00a0il y a des sciences ambulantes, itin\u00e9rantes, qui consistent \u00e0 suivre un flux dans un champ de vecteurs o\u00f9 des singularit\u00e9s se r\u00e9partissent comme autant d\u2019accidents<\/em>\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 461). Et ceci n\u2019est-il pas\u00a0in fine<\/em>\u00a0la disposition fonctionnelle de la sonde qui est d\u2019acc\u00e9der \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du corps afin d\u2019y d\u00e9celer d\u2019\u00e9ventuels signes cliniques. \u00ab\u00a0On est bien forc\u00e9 de suivre, rapportent Deleuze & Guattari, lorsqu\u2019on est \u00e0 la recherche dessingularit\u00e9s\u00a0<\/em>d\u2019une mati\u00e8re ou plut\u00f4t d\u2019un mat\u00e9riau, et non pas \u00e0 la d\u00e9couverte d\u2019une forme\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 461). \u00ab\u00a0Suivre, continuent \u00e0 \u00e9crire Deleuze & Guattari, n\u2019est pas du tout la m\u00eame chose que reproduire, et l\u2019on ne suit jamais pour reproduire\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 461). C\u2019est \u00e0 partir de la diff\u00e9rence entre les verbes \u00ab\u00a0suivre\u00a0\u00bb et \u00ab\u00a0reproduire\u00a0\u00bb que Deleuze & Guattari avaient fait le distinguo entre deux d\u00e9marches scientifiques : \u00ab\u00a0Il faudrait opposer deux types de sciences […]. L\u2019une serait de reproduction, d\u2019it\u00e9ration et r\u00e9it\u00e9ration ; l\u2019autre, d\u2019itin\u00e9ration, ce serait l\u2019ensemble des sciences itin\u00e9rantes, ambulantes\u00a0\u00bb. Et ils ajoutent : \u00ab\u00a0On r\u00e9duit trop facilement l\u2019itin\u00e9ration \u00e0 une condition de la technique, ou de l\u2019application et de la v\u00e9rification de la science\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 460-461).<\/p>\n\n\n\n

Par moments, comme pour tenter de piloter voire t\u00e9l\u00e9-guider <\/em>la vision du spectateur, la sonde quitte l\u2019int\u00e9rieur du corps de Hatoum pour remonter \u00e0 la surface de la peau et filmer les pores et\/ou poils aux dimensions gigantesques, avant de s\u2019y enfoncer derechef. En synchronis\u00e9, l\u2019\u00e9chographie permet de saisir tout en l\u2019amplifiant la pulsation relative aux pouls de l\u2019artiste, \u00e0 la respiration, aux cillements de ses yeux. Le tout sonoris\u00e9 par une sorte de sifflement changeant de tonalit\u00e9 en fonction de l\u2019image visionn\u00e9e. A vrai dire, ces divers bruits de succion \u2013 ou \u00ab tourbillon suceur \u00bb (sucking vortex<\/em>) \u2013 ne font qu\u2019inciter davantage l\u2019observateur-auditeur \u00e0 \u00eatre entra\u00een\u00e9 dans ce p\u00e9riple que je qualifierais de \u00ab topographie corporelle \u00bb ; plut\u00f4t que d\u2019\u00eatre invit\u00e9 \u2013 comme \u00e0 l\u2019ordinaire \u2013 \u00e0 participer, exclusivement, de l\u2019ext\u00e9rieur : projection introjective<\/em>.<\/p>\n\n\n\n

Force est de constater qu\u2019une telle interf\u00e9rence entre structures anatomiques (vu) et effets sonores (ou\u00ef) fait sourdre quelques \u00e9chos avec les propos d\u2019un Antonin Artaud dans le chapitre \u00ab Sur le th\u00e9\u00e2tre balinais \u00bb, extrait de son ma\u00eetre-livre Le th\u00e9\u00e2tre et son double<\/em> (1938). Artaud y affirme que l\u2019anatomie humaine est continument en train de se sugg\u00e9rer elle-m\u00eame en fonction de l\u2019accord audio-visuel : entre, d\u2019une part, les membres inf\u00e9rieurs et\/ou sup\u00e9rieurs et, d\u2019autre part, l\u2019accompagnement musical. Ainsi, y rapporte-t-il : <\/p>\n\n\n\n

Un jeu de jointures, l\u2019angle musical que le bras fait avec l\u2019avant-bras, un pied qui tombe, un genou qui s\u2019arque, des doigts qui paraissent se d\u00e9tacher de la main, tout cela est pour nous comme un perp\u00e9tuel jeu de miroir o\u00f9 les membres humains semblent se renvoyer des \u00e9chos, des musiques\u00a0[\u2026]\u00a0(Artaud, 1985, p. 85).\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Ou pour le dire, tout en paraphrasant Deleuze & Guattari : <\/p>\n\n\n\n

[I]l y a une topologie extraordinairement fine, qui ne repose pas sur des points ou des objets, mais sur des haecc\u00e9it\u00e9s, sur des ensembles de relations […] ; c’est un espace tactile, ou plut\u00f4t\u00a0haptique<\/em>, et un espace sonore, beaucoup plus que visuel…\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 474).<\/p>\n\n\n\n

Il n\u2019en demeure pas moins que ces proc\u00e9d\u00e9s li\u00e9s \u00e0 la mise en \u0153uvre peuvent, eux aussi \u00e0 leur tour, tisser des corr\u00e9lations conceptuelles avec l\u2019\u00ab\u00a0espace nomade\u00a0\u00bb. En effet, pour Deleuze & Guattari, cette variabilit\u00e9 et\/ou polyvocit\u00e9 ne sont effectivement rien d\u2019autre qu\u2019un trait essentiel des \u00ab\u00a0espaces lisses\u00a0\u00bb dont la mer en serait le principal exemple\u00a0ou \u00ab\u00a0le mod\u00e8le hydraulique par excellence\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 481). Ce qui, du coup, me fait d\u2019ailleurs revenir \u00e0 ce avec quoi j\u2019avais entam\u00e9 mon propos\u00a0: la M\u00e9diterran\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

Tout compte fait \u00e0 la m\u00e9diter par et pour elle-m\u00eame, la M\u00e9diterran\u00e9e, du moins selon ma propre intuition, ne fait que r\u00e9it\u00e9rer inlassablement – \u00e0 l\u2019image de ses interminables va-et-vient marins \u2013 la m\u00eame\u00a0id\u00e9e : une esp\u00e8ce de nomadisme spatial. Ce qu\u2019elle mat\u00e9rialise \u2013 tautologiquement parlant – et met sans cesse en jeu serait quelque chose de l\u2019ordre du passage, plus que l\u2019arriv\u00e9e \u00e0 une adresse donn\u00e9e, \u00e0 un point de chute quelconque. Ce qui y importe c\u2019est la\u00a0po\u00efesis<\/em>\u00a0de l\u2019itin\u00e9raire, son c\u00f4t\u00e9 \u00ab\u00a0en train\u00a0\u00bb (pour reprendre le vocable de Passeron7<\/sup>). Bref, c\u2019est la forme qui serait sacrifi\u00e9e au prix du trajet entre deux points, aux coordonn\u00e9es spatiales diff\u00e9rentes. De la m\u00eame mani\u00e8re, pour le nomade c\u2019est aussi l\u2019entre-deux points (\u00ab\u00a0relais\u00a0\u00bb\u00a0(Deleuze et Guattari, 1980, p. 471)\u00a0selon la terminologie de Deleuze & Guattari) de n\u2019importe quel trajet qui prend toute l\u2019importance et jouit d\u2019une certaine autonomie spatiale. Je fais ici appel \u00e0 une r\u00e9flexion de Paul Virilio soulignant que la mer sera le lieu du \u00ab\u00a0fleet in being<\/em>\u00a0\u00bb, o\u00f9 l\u2019on ne se d\u00e9place plus d\u2019un endroit \u00e0 un autre, mais o\u00f9 l\u2019on peut dominer tout l\u2019espace \u00e0 partir d\u2019un point quelconque. Ce qui fait que l\u2019occupation de l\u2019espace demeure tributaire d\u2019un vecteur de \u00ab\u00a0d\u00e9territorialisation\u00a0\u00bb en mouvement perp\u00e9tuel. Il \u00e9crit ceci :\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Il ne s\u2019agit plus de la travers\u00e9e d\u2019un continent, d\u2019un oc\u00e9an, d\u2019une ville \u00e0 l\u2019autre, d\u2019une rive \u00e0 l\u2019autre, le\u00a0\u00a0fleet in being<\/em>invente la notion d\u2019un d\u00e9placement qui serait sans destination dans l\u2019espace et le temps […]. La\u00a0localisation g\u00e9ographique<\/em>\u00a0semble avoir d\u00e9finitivement perdu sa valeur strat\u00e9gique, et, \u00e0 l’inverse, cette m\u00eame valeur est attribu\u00e9e \u00e0 la\u00a0d\u00e9localisation du vecteur<\/em>, d\u2019un vecteur en mouvement permanent (Virilio, 1991, p. 46-49 et 132-133).\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Dans cette perspective, Alain Chareyre-M\u00e9jan a adopt\u00e9 une doxa<\/em> tout \u00e0 fait proche, en insistant davantage sur le caract\u00e8re ubiquiste de la M\u00e9diterran\u00e9e, qu\u2019il \u00e9nonce en ces termes : <\/p>\n\n\n\n

La m\u00e9diterran\u00e9it\u00e9 du monde tient \u00e0 ce qu\u2019on se trouve toujours en son c\u0153ur, au milieu, puisqu\u2019il ne poss\u00e8de pas de centre absolu et que, de ce fait, ce qui s\u2019y trouve en est toujours au plus pr\u00e8s. [\u2026] Le plaisir temp\u00e9r\u00e9, la juste mesure, auxquels la mer M\u00e9diterran\u00e9e est symboliquement attach\u00e9e figurent cet ajointement et cette complicit\u00e9\u00a0(Chareyre-M\u00e9jan, 2009, p. 121-122).\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Au terme de cette analyse, il est important de d\u00e9duire que l\u2019\u0153uvre Corps \u00e9tranger<\/em> de Mona Hatoum telle qu\u2019elle a \u00e9t\u00e9 appr\u00e9hend\u00e9e ici aura au moins le m\u00e9rite de mettre en crise cette ambivalence de plus en plus caract\u00e9ristique des temps actuels. En effet, d\u2019un c\u00f4t\u00e9 le corps de Hatoum est un spectacle de chair propre au commun des mortels parce qu\u2019approch\u00e9 par le truchement du dispositif technologique endoscopique. D\u2019un autre c\u00f4t\u00e9, il incarne \u2013 de par son identit\u00e9 historique, culturelle, civilisationnelle, religieuse, etc. et son appartenance \u00e0 des contextes g\u00e9opolitiques, limites territoriales, cartes topographiques, etc., \u2013 aux yeux de l\u2019Occident un parangon de l\u2019alt\u00e9rit\u00e9 et\/ou de l\u2019exotisme par excellence. Pour le dire tr\u00e8s rapidement : comment \u00eatre hic et nunc<\/em> intimement proche d\u2019un corps qui dans la r\u00e9alit\u00e9 des faits est tax\u00e9 d\u2019\u00e9tranger parce que se situant \u00e0 mille lieux du centre du monde et aux antipodes de tout. En d\u00e9finitive, c\u2019est comme si Mona Hatoum avait voulu nous rappeler cette pens\u00e9e ouvertement humaniste : l\u2019horizon est moins une donn\u00e9e spatiale que conceptuelle, les fronti\u00e8res sont d\u2019ordre intellectuel et qu\u2019il n\u2019est de citoyen que du Monde !<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Cf<\/em>. \u00ab\u00a0Suppl\u00e9ment\u00a0: pens\u00e9e, arts & Lettres\u00a0\u00bb,\u00a0La presse de Tunisie<\/em>, (26 novembre 2010). \u00a0<\/p>\n\n\n\n

[2] D\u2019apr\u00e8s l\u2019auteur\u00a0: \u00ab\u00a0Tour \u00e0 tout descriptif, all\u00e9gorique, tautologique ou entropique, ce regard icarien et terrestre nourrit tous les imaginaires du trajet, du d\u00e9placement et des d\u00e9rives en art, \u00e0 travers l\u2019h\u00e9t\u00e9rog\u00e9n\u00e9it\u00e9 de ses proc\u00e9dures et de ses m\u00e9diums\u00a0\u00bb (Cf<\/em>. C. Buci-Glucksmann,\u00a0L\u2019\u0152il cartographique de l\u2019art<\/em>,\u00a0Paris, Ed. Galil\u00e9e, (Collection \u00ab\u00a0D\u00e9bats\u00a0\u00bb), 1996).<\/p>\n\n\n\n

[3] Deleuze et Guattari, 1980, p. 450.\u00a0A ce propos, Christine Buci-Glucksmann invente le terme \u00ab\u00a0image-flux\u00a0\u00bb qu\u2019elle oppose \u00e0 l\u2019\u00ab\u00a0image-cristal\u00a0\u00bb analys\u00e9e par Deleuze\u00a0: \u00ab dans ce moment historique marqu\u00e9 par le passage d\u2019une culture des objets \u00e0 une culture des flux, [\u2026] les machines du temps en art impliquent un passage [\u2026] \u00e0 l\u2019image-flux propre aux \u00e9crans et aux devenirs, qui engendrent toute une constellation d\u2019images [\u2026]\u00a0\u00bb\u00a0(C. Buci-Glucksmann, \u00ab\u00a0Esth\u00e9tique de l\u2019image-flux\u00a0\u00bb,\u00a0La folie du voir. Une esth\u00e9tique du virtuel<\/em>, Paris, Ed. Galil\u00e9e, (Collection \u00ab\u00a0D\u00e9bats\u00a0\u00bb), 2002, p. 230).<\/p>\n\n\n\n

[4] Selon M. Gu\u00e9rin, la \u00ab\u00a0topo\u00ef\u00e9tique\u00a0\u00bb voudrait d\u2019abord dire que \u00ab\u00a0la premi\u00e8re chose cr\u00e9\u00e9e par la cr\u00e9ation, c\u2019est son lieu propre\u00a0\u00bb (M. Gu\u00e9rin,\u00a0L\u2019espace plastique<\/em>,\u00a0op. cit<\/em>., p. 89).<\/p>\n\n\n\n

[5] Cf<\/em>. H. Bergson,\u00a0Les \u00e9tudes bergsoniennes<\/em>, trad. R. Moss\u00e9-Bastide, Vol. II, Paris, Ed. A. Michel, 1949, pp. 9-104.<\/p>\n\n\n\n

[6] Expression prononc\u00e9e par l\u2019artiste dans une conf\u00e9rence donn\u00e9e le 10 septembre 1996 au J. Paul Getty Museum. Barthes, lui, qualifie cette \u00ab\u00a0indiff\u00e9rence\u00a0\u00bb ou insensibilit\u00e9 de la machine envers l\u2019Humain de \u00ab\u00a0violence optimale\u00a0\u00bb (Cf<\/em>. R. Barthes,\u00a0Roland Barthes<\/em>, (1975), Paris, Ed. du Seuil, (Collection \u00ab\u00a0Points\/Essais), 2010).<\/p>\n\n\n\n

[7] Cf<\/em>. \u00e0 ce propos\u00a0: R. Passeron,\u00a0La Naissance d\u2019Icare<\/em>\u00a0: \u00e9l\u00e9ments de po\u00ef\u00e9tique g\u00e9n\u00e9rale<\/em>,\u00a0Marly-le-Roi, Ed.\u00a0Ae2cq, (Collection \u00ab\u00a0Po\u00ef\u00e9tique\u00a0\u00bb), 1996.<\/p>\n\n\n\n

Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n

\u2013 Artaud, Antonin, \u00ab\u00a0Sur le th\u00e9\u00e2tre balinais\u00a0\u00bb,\u00a0Le th\u00e9\u00e2tre et son double, suivi de Le th\u00e9\u00e2tre de S\u00e9raphin<\/em>, Paris, Gallimard, coll: \u00ab\u00a0Folio\/Essais\u00a0\u00bb), 1985 [1964], 256 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Auerbach,\u00a0Erich, Mim\u00e9sis<\/em>, Paris, Gallimard, coll: \u00ab\u00a0Biblioth\u00e8que des Id\u00e9es \u00bb, 1968, 559 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Bachelard, Gaston,\u00a0La po\u00e9tique de l\u2019espace<\/em>, Paris, Quadrige\/PUF, 2009, 266 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Chareyre-M\u00e9jan,\u00a0Alain, Essai sur la simplicit\u00e9 d\u2019\u00eatre<\/em>, Toulouse, \u00c9r\u00e8s, coll: \u00ab\u00a069\u00a0\u00bb, 2009, 184 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Chareyre-M\u00e9jan, Alain, \u00ab\u00a0L\u2019ath\u00e9isme mystique de l\u2019image (El\u00e9ments pour une esth\u00e9tique du fantastique)\u00a0\u00bb,\u00a0E-rea<\/em>, n\u00b0 5.2, document 5, 2007, en ligne, <https:\/\/journals.openedition.org\/erea\/157>. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Deleuze, Gilles et F\u00e9lix Guattari,\u00a0Mille Plateaux<\/em>, Paris, de Minuit, coll: \u00ab\u00a0Critique\u00a0\u00bb, 1980, 645 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Eluard, Paul,\u00a0Les yeux fertiles<\/em>, Paris, G.L.M., 1936, 88 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Gu\u00e9rin,\u00a0Michel, L\u2019espace plastique<\/em>, Bruxelles, La Part de l\u2019\u0152il, 2008, 124 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Heidegger, Martin, \u00ab\u00a0L\u2019Art et l\u2019espace\u00a0\u00bb dans\u00a0Questions IV<\/em>, trad. de l\u2019allemand par Jean Beaufret, Fran\u00e7ois F\u00e9dier, Jean Lauxerois et al.<\/em>, Paris, Gallimard, coll: \u00ab\u00a0Classiques de la Philosophie\u00a0\u00bb, 1976, 339 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Passeron, Ren\u00e9, \u00ab\u00a0L\u2019universalit\u00e9 de l\u2019art et l\u2019int\u00e9riorit\u00e9 m\u00e9diterran\u00e9enne\u00a0\u00bb, dans\u00a0Etudes po\u00ef\u00e9tiques. Conf\u00e9rences tunisiennes<\/em>, Tunis, Wassiti\/Sunomed, 2007. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Philippi, Desa, \u00ab\u00a0Some Body\u00a0\u00bb dans catalogue d\u2019exposition\u00a0Mona Hatoum<\/em>, Paris, Mnam-Centre de cr\u00e9ation industrielle, Centre G. Pompidou, 8 juin-22 ao\u00fbt 1994, Paris, Centre G. Pompidou, 1994. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Virilio,\u00a0Paul, Vitesse et politique<\/em>,\u00a0Paris, Galil\u00e9e, coll: \u00ab\u00a0L\u2019Espace Critique\u00a0\u00bb, 1991, 187 p. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Avant d\u2019entamer mon propos, j\u2019aimerais, d\u2019entr\u00e9e de jeu, annoncer une publication r\u00e9cente. Il s\u2019agit de la parution du dernier ouvrage du po\u00e8te, nouvelliste et universitaire tuniso-canadien\u00a0H\u00e9di Bouraoui\u00a0intitul\u00e9\u00a0M\u00e9diterran\u00e9e \u00e0 tout voile\u00a0sorti \u00e0 Ottawa aux \u00e9ditions Vermillion. Ce roman est le troisi\u00e8me volet d\u2019une trilogie qui semble trouver sa mati\u00e8re d\u2019inspiration dans le sol m\u00e9diterran\u00e9en o\u00f9 mythe, … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[1],"tags":[43],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/967"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=967"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/967\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":974,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/967\/revisions\/974"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=967"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=967"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=967"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}